Il y a 60 ans, la Vierge apparaissait à 5 enfants de Beauraing (071292)

APIC-REPORTAGE

L’histoire de la « Dame blanche », les témoins d’une époque

Le souvenir d’une voix « pas humaine » mais néanmoins « jeune et féminine »

Par Pierre Rottet, de l’Agence APIC

Beauraing, 7décembre(APIC) Le diocèse de Namur, en Belgique, a célébré

dimanche 29 novembre le 60e anniversaire des apparitions de Beauraing. En

présence de près de 10’000 personnes accourues pour se rappeler… de l’apparition en, 1932, de la Vierge à cinq enfants du lieu, « ni moins ni plus

sages » que n’importe quels autres gosses. Trois d’entre eux vivent encore

aujourd’hui. Ils étaient présents dimanche à Beauraing. L’Agence APIC les a

suivis l’espace d’une journée. Pour recueillir des témoignages et plonger

dans le souvenir d’un soir où la « Dame blanche » apparut, pour transmettre à

travers des enfants son message aux chrétiens.

Avec ses maisons de briques rouges, rien ne saurait distinguer Beauraing

d’une autre bourgade de cette région de Belgique. Une petite ville de 3000

habitants, ouvriers, agriculteurs et commerçants pour la plupart, située à

quelque 60 kilomètres de Namur et à une encablure de la frontière française, sans plus, perdue au milieu de la campagne du Plat Pays. Rien. Si ce

n’est le sanctuaire construit après les événements de 1932-33, et qui attire chaque année près de 200’000 pèlerins, dont près de 10’000 se sont donnés rendez-vous en ce dimanche, jour du 60e anniversaire. Pour vivre du matin au soir les manifestations auquelles assistent les trois « voyants » encore en vie. Et réciter en leur compagnie le chapelet à l’heure où, 60 ans

plus tôt, à 18h30, leur était apparue la Vierge.

Beauraing n’est pas Lourdes. Mais les pèlerins accourus de Belgique, de

Hollande, de France, d’Irlande et d’un peu partout n’en demandent pas tant.

Se contentant de prier dans le calme, de chanter avec conviction, de partager simplement un moment d’émotion. Entre deux averses et dans le froid,

entre l’achat d’une image, d’une médaille où d’un cierge. Entre deux célébrations aussi… Après avoir dégusté dans les bistrots bondés les frites

et les moules proposées. La fête pour des pèlerins venus se recueillir et

se souvenir, pour les plus anciens, de ce 29 novembre 1932.

30 minutes pour changer une vie

A l’époque des faits, rien n’est facile à Beauraing. C’est la crise. La

crise des années 30, celle qui engendre la peur un peu partout en Europe.

Le froid devait être tout aussi vif en ce soir de 1932, à l’heure où débute

l’histoire des apparitions. Une histoire cent fois répétées depuis par les

protagonistes. Il est 18 heures… Les enfants Voisin, Fernande (15 ans) et

Albert (11 ans), ont largement le temps avant d’aller rechercher leur soeur

Gilberte (13 ans) qui sort 30 minutes plus tard de l’école tenue par les

Soeurs de la Doctrine chrétienne. Le temps, en passant, d’interpeller les

deux soeurs Degeimbre, Andrée et Gilberte, âgées de 14 et 9 ans, pour les

inviter à se joindre à eux. Le temps aussi d’une « crasse », d’une sonnette

tirée chez l’épicière, de filer se cacher pour l’observer. Ils ne savent

pas, ces cinq gosses, qu’un événement va bientôt bousculer leur vie. Qu’une

« Dame tout de blanc vêtue » les marquera à jamais en apparaissant à 33 reprises, y compris son « Adieu » lancé le 3 janvier 1933.

« Qu’est-ce que c’est… là-bas? »

18h30… Fernande et Albert se dépêchent maintenant pour aller chercher

leur soeur Gilberte à l’école. Sans doute rient-ils encore de la blague

faite à l’épicière en compagnie des filles Degeimbre. Albert a sonné à la

porte de l’école. Mais la Soeur portière tarde à venir. Il se retourne et

voit « une Dame qui se promène en l’air », sur le talus, là, derrière la route qui sépare le jardin de l’école de la ligne de chemin de fer. Son cri a

jailli. Incrédules, les autres filles se retournent à leur tour. Témoins de

la même vision. Sur le pas de la porte, Gilberte, à peine sortie, s’arrête

sur le seuil et s’exclame: « Qu’est-ce que c’est… là-bas? » La religieuse

qui a ouvert la porte ne voit rien. Croyant à une mauvaise plaisanterie,

elle réprimande les écoliers: « Sots, retournez à la maison ». Ce qu’ils

s’empressent de faire, encore sous le coup de la peur.

Le père des enfants Voisin, employé des chemins de fer, de même que la

mère, propriétaire d’un petit magasin de papiers peints, se gardent bien de

les prendre au sérieux. A l’instar de Mme Degeimbre du reste, veuve et ancienne fermière de son état, qui a conservé quelques vaches pour faire le

commerce du lait. Les jours se suivent, les apparitions aussi. La plupart à

la même heure, 18h30, près de l’aubépine du jardin de l’école que Marie a

choisi pour ses rendez-vous avec les cinq jeunes « voyants ».

Cinq témoins, cinq mariages: le rôle des laïcs

« Témoins, et pas voyants », dit Albert Voisin qui vit aujourd’hui sa retraite d’enseignant à Beauraing. Enseignant? Comme ses soeurs et amies, Albert n’est pas entré en religion, malgré les pressions exercées dans sa

jeunesse par certains milieux d’Eglise. « Le mariage étant, que je sache, un

sacrement lui aussi, je pense que les témoins de la Vierge au coeur d’or

ont ainsi assumé leur témoignage au mieux de leur humanité ». Tous se sont

mariés. Quinze enfants naquirent de ces différentes unions. Les difficultés

de la vie n’ont épargné personne. Quant à Andrée Degeimbre et Fernande Voisin, elle moururent en 1978 et 1979 respectivement. « Lorsqu’on a vu la

Vierge, on ne se marie pas », leur reprochait-on à l’époque. Une affirmation

revue et corrigée aujourd’hui: « C’est sans doute aussi un message sur l’importance des laïcs au sein de l’Eglise que la Vierge a voulu donner », relève le chapelain du sanctuaire. Tout le rôle des laïcs… par ailleurs évoqué par le pape Jean Paul II lors de sa visite sur les lieux en mars 1985.

« Nous aurions pu la toucher… »

De « cette Dame jeune, plutôt petite aux yeux bleus comme le ciel et au

visage tout sourire couleur de chair et brillant », Gilberte Degeimbre, Gilberte et Albert Voisin, aujourd’hui âgés de 73, 69 et 71 ans, conservent un

souvenir qui ne s’estompe pas. Pas davantage qu’ils n’oublient la vision

des rayons brillants et très fins qui paraissaient sortir de sa tête. Ils

racontent: « Son visage, surmonté d’un voile blanc tombant jusque sur les

épaules, était comme couronné de soleil. Sa robe sans ceinture, d’une blancheur parfaite, différente de celle de la neige, était traversée de reflets

bleus…; elle tombait lui cachant les pieds, se confondant avec un nuage

blanc qui formait comme des festons ». « Elle était si proche de nous, explique Albert, qu’en s’approchant de 3 à 5 mètres, nous aurions pu lui toucher

les pieds ». « Les mains jointes, elle regardait tantôt le ciel tantôt vers

nous. Souriante. Un chapelet brillant pendait à son coude. A la fin de chaque apparition, elle écartait les bras en signe d’adieu ».

Une voix tout droit sortie du ciel

De cette époque, Soeur Charles-Marie en a gardé davantage qu’un souvenir. Sa voix tremble encore et toujours de la même émotion à l’évocation de

ces 36 jours de 1932-33. « J’habite Beauraing depuis 1927. A l’époque,

j’enseignais dans cette école. C’est dire si j’ai connu les 5 enfants témoins ». « Je ne les croyais pas, comme les autres Soeurs d’ailleurs, et la

Mère Supérieure. C’est pas possible que la Vierge apparaisse à ces enfantslà…, disions-nous. Mais les gens se sont mis à y croire. Je me rappelle

du 8 décembre, ils arrivaient de partout, en train, en car, en voiture ».

« Nous savions exactement à quel moment ils voyaient la Sainte Vierge.

Parce que leurs voix, murmure Soeur Charles-Marie avec des sanglots d’émotion, parce que leur voix changeait et que leur visage se transformait. Une

voix plus haute…. » « Je vous salue Marie pleine de grâce, entendions-nous,

et la prière se faisait subitement plus étrange, comme surnaturelle… une

voix du ciel que je n’arrive pas à définir ». Et puis, poursuit-elle, nous

savions le moment précis où la Vierge apparaissait car les cinq enfants

tombaient au même moment à genoux sur le pavé. Un bruit sec, que la foule

pouvait percevoir, alors même que les enfants, par la volonté des personnes

qui enquêtaient sur ces apparitions, étaient dispersés sans possibilité de

communiquer entre eux ».

Des propos que corroborent un journaliste qui écrivait à l’époque: « Tout

à coup, avec une soudaineté foudroyante, jaillit des 5 petites poitrines

comme un cri, comme une gerbe d’allégresse, comme une explosion de joie

dont l’accent indescriptible ne peut être rendu. Les voix partent toutes

dans la nuit et transpercent la foule massée tout autour ». Le 3 janvier

1933, dernier jour des apparitions aux enfants, jour durant lequel la Vierge livra séparément un secret à quatre d’entre eux – dont personne ne connaît la teneur, y compris l’Eglise – et montra au cinquième son Coeur d’or

avant son « Adieu », une foule estimée entre 25’000 et 30’000 personnes se

pressait aux alentours du jardin.

La voix de la Vierge, témoignait un jour Fernande, n’était « pas humaine », mais néanmoins « jeune et féminine ». Il y a quelques années seulement,

Albert disait l’entendre encore. « Aujourd’hui, 60 ans après, il constate

qu’il l’a ’moins dans l’oreille’, alors, soupire-t-il, qu’elle était tellement belle… tellement mélodieuse ».

Pas Lourdes… Beauraing, simplement Beauraing

Du jardin de l’école, il ne reste plus guère aujourd’hui que l’aubépine

qui voisine avec la route et la voie de chemin de fer. Ainsi que le bâtiment transformé de l’école devenu un centre d’accueil et de retraite pour

les malades en particulier. Le bitume a remplacé l’herbe pour accueillir

les pèlerins venus prier devant la statue de la Vierge, à l’emplacement même de ses apparitions. Sur un mur prolongeant l’esplanade où un autel domine maintenant, des inscriptions: les mots prononcés par la Sainte Vierge

aux enfants au cours de ses 33 apparitions: « Je suis la Vierge Immaculée »;

« Je suis la Mère de Dieu, la Reine des Cieux »; « Je désire une chapelle »,

« Qu’on vienne ici en pèlerinage »; « Priez, priez beaucoup »; « Je convertirai

les pécheurs »; ainsi que ses dernières paroles adressées à Fernande Voisin

avant l’adieu: « Aimez-vous mon Fils? M’aimez-vous? Sacrifiez-vous pour

moi! ». Des inscriptions qui s’ajoutent à des dizaines de remerciements dont

celle-ci, relevée au hasard: « Merci, Notre-Dame de m’avoir sauvée ».

Des sceptiques, des incrédules et des esprits cartésiens, les habitants

de Beauraing n’en n’ont cure. Ils croient. Et leur ville est demeurée modeste et simple, à l’image des témoins. Rien à voir avec Lourdes par exemple. Certes, note un habitant, « il y a eu chez nous dans les années 33 et

suivantes une sorte de boom économique. Beaucoup de gens ont acheté des

terrains, construit des salles avec des décorations d’apparition. Ces lieux

sont maintenant devenus des entrepôts, des magasins ou des supermarchés

dont on a recouvert les murs parce que la grande affluence des pèlerins

imaginée n’est pas arrivée ». De fait seules deux boutiques offrent aujourd’hui à Beauraing des souvenirs de la Vierge. De l’une d’elles où s’entasse une foule de clients à la recherche d’une image ou d’une médaille,

sort un pèlerin que l’achat d’une statue de la Vierge rend tout heureux. Il

croit. Simplemnent. Convaincu qu’il est que des choses inexpliquées font

partie de la foi. Du mystère. Celui dont l’homme a besoin pour vivre.

(apic/pierre rottet)

ENCADRE

L’Eglise catholique s’est toujours montrée prudente avant de reconnaître

l’authenticité surnaturelle des apparitions. Dans le cas de Beauraing, il

aura fallu 16 ans pour en arriver à une telle reconnaissance. Dans une lettre adressée en 1933 aux évêques de Belgique, Mgr Thomas-Louis Heylen, évêque de Namur de 1899 à 1941, édictait des mesures restrictives sévères pour

tous les cas de prétendues apparitions. Le 22 août de la même année, l’évêché imposait en outre un règlement qui, tout en déclarant ne pas interdire

aux fidèles l’accès à l’aubépine, y prohibait toute organisation de culte.

Le règlement défendait aussi aux prêtres de dire quoi que ce soit dans la

prédication pouvant laisser supposer que l’autorité ecclésiastique « se serait prononcée à ce jour sur l’authenticité des apparitions ».

Dans une interview accordée à l’Agence APIC, Mgr André-Mutien Léonard,

évêque actuel de Namur, confie que la procédure concernant Beauraing – réd.

comme dans tout autre cas – a consisté à nommer une Commission d’enquête

composée d’experts dans les divers domaines concernés (théologique, psychologique, médical…) pour vérifier l’authenticité des faits. Cela à plusieurs niveaux: il s’agit de voir quelle est la fiabilité des témoins sur

le plan humain, psychologique, spirituel et médical; de voir aussi si le

message véhiculé correspond à la Révélation, à l’Ecriture et à la tradition

de l’Eglise. Une série d’indices indispensables pour pouvoir reconnaître la

réalité surnaturelle des faits. Une enquête qui prend généralement des années avant d’aboutir à des conclusions formelles.

Pour ce qui est des enfants de Beauraing, poursuit Mgr Léonard, il y a

également la concordance de leurs témoignages, en dépit du fait qu’on essayait de les mettre en contradiction. Le 2 février 1943, Mgr Charue, qui

succéda à Mgr Heylen, reconnaissait le culte à Notre-Dame de Beauraing,

avant de reconnaître, le 2 juillet 1949, le caractère surnaturel des faits.

Quant à la première pierre de la chapelle, que Marie demanda aux enfants,

elle fut posée le 22 août 1947, le sanctuaire ayant été consacré en 1954.

Pour Mgr Léonard, « la grâce de Beauraing est encore inexplorée. C’est

peut-être parmi les grandes apparitions depuis 150 ans, celle où Marie a le

plus révélé les grands titres que l’Eglise lui a reconnus: ’Je suis la Mère

de Dieu », ’Je suis la Reine des Cieux’ ». Sans parler de l’appel pressant

qu’elle adresse: « Je convertirai les pécheurs ». Et Mgr Léonard d’ajouter,

en parlant de Beauraing et des apparitions mariales: « Il y a tout intérêt à

se mettre à l’écoute et de se laisser toucher par ce phénomène », même si

certains « intellectuels ou théologiens ont parfois un peu de mal à assimiler cela dans leur vision des choses »… « Les apparitions ne sont en aucune

manière l’objet central de la foi et pas davantage l’objet nécessaire de la

foi ». Et si depuis 150 ans, celles-ci se multiplient, « c’est qu’il y a urgence spirituelle à notre époque marquée par un enfoncement de nos pays

dans un athéisme théorique et pratique. Cela doit être pris au sérieux. Non

dans un esprit de catastrophe ou de pessimisme, mais avec réalisme ».(ap/pr)

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