21e Festival des familles de Sion: «Personne ne rêve d'exil»

«Personne ne rêve d’exil. Personne ne rêve de devoir rebâtir sa vie à partir de zéro», témoigne Fatxiya Ali Aden. Devant les participants au 21e Festival des familles de Sion, le 12 mars 2017, la jeune femme d’origine somalienne a livré le récit sobre et émouvant de son parcours et de son engagement. Pour dire non au repli sur soi et aux portes qui se ferment.

Fatxiya n’était âgée que de dix ans lorsqu’elle a fui la Somalie avec sa mère, ses deux frères et ses deux sœurs. «Au début, nous ne pensions partir que pour peu de temps et pas trop loin.» «Dans ce parcours, j’ai été une privilégiée. J’ai épousé les cultures et les nationalités que j’ai traversées. J’ai appris l’arabe, l’italien, l’anglais puis le français. A dix ans, on n’a pas peur de l’autre. On ignore les couleurs de peau et les classes sociales. Mais pour ma mère et les adultes, c’était bien différent.»

«Je n’ai pas de nationalité, je suis toujours en migration,explique Fatxiya devenue aujourd’hui assistante sociale auprès du Centre Suisses Immigrés du Valais, à Sion. Elle dit son désarroi et sa colère face aux portes qui se ferment, face aux renvois ‘Dublin’ vers le premier pays d’accueil. Face à des auditions qui se transforment en interrogatoires d’une durée de 6 heures… parfois de 8. Les fonctionnaires restent-ils humains face à de telles situations? «Je ne peux plus entendre le mot de ‘vraisemblable’ devant ces femmes obligées de répéter et de répéter encore les outrages subis aux fonctionnaires chargés de débusquer des incohérences.» Beaucoup de femmes n’osent plus parler de leurs traumatismes. Elles restent debout pour leurs enfants, mais se reconstruire intérieurement est très difficile.

Dans cette douleur, «le pape François a apporté une parole que j’attendais depuis longtemps. Il parle à toute l’humanité et ne divise pas les réfugiés selon leur visage. Je crois que l’Eglise, comme maison de Dieu, doit rester un lieu d’accueil, sans questions ni conditions.»

Noël en Irak

Marie Salamin, jeune élève infirmière valaisanne, a expérimenté la rencontre sur le terrain lors de trois missions humanitaires auprès des réfugiés, au Liban et en Irak. Elle raconte la veillée de Noël avec les enfants irakiens parmi lesquels elle s’est sentie chez elle, la lutte pour leur foi des chrétiens. Elle décrit le visage des bébés du service de néo-natologie de l’hôpital de Beyrouth où elle a travaillé. Au-delà des difficultés et des souffrances, elle y a découvert le visage du Christ.

Le Groupe d’accueil œcuménique d’accompagnement des réfugiés de Martigny

Une attitude que le groupe œcuménique d’accompagnement des réfugiés de Martigny (GOAR) essaie de mettre en œuvre concrètement. Chaque mercredi, les familles de réfugiés sont reçues à la salle de paroisse pour un moment de convivialité et de rencontres. Jeux, activités artistiques, animations, soutien scolaire, cours de langues et goûter sont au programme.

L’esprit raisonne, l’âme résonne

Le chanoine du Grand St-Bernard Jean-Pascal Genoud, membre du comité du GOAR, a invité l’assemblée à aller plus loin dans la réflexion sur le sens de la rencontre. Derrière l’action, il faut une vision claire, sans quoi on s’essouffle très vite, explique-t-il. Il trouve la clé fondamentale de lecture chez le poète et académicien français d’origine chinoise François Cheng, pour qui si «l’esprit raisonne, l’âme, elle, résonne.» L’âme communie à la beauté du monde et de chaque être humain. Elle marque l’unicité absolue de chaque personne, son caractère irréductible, divin. Pour le chanoine, l’accueil des réfugiés n’est pas d’abord une question d’organisation, mais doit reposer en priorité sur cette conviction.

Ce qui n’enlève rien à la difficulté de la rencontre. La qualité de la rencontre ne dépend pas toujours des intentions, mais de l’infinie délicatesse pour respecter l’intimité sacrée de l’autre. «Or, par notre indifférence, nous sommes souvent portés à nier l’autre», insiste Jean-Pascal Genoud.

Pas de plus petit dénominateur commun

Autre auteur au point de rencontre de diverses cultures, l’Américain Dennis Gira, marié à une Française et vivant au Japon, a livré, dans un ouvrage publié en 2012, quelques clés pour un dialogue réussi. L’une des conditions est d’être au clair avec sa foi, avec le principe organisateur qui nous fait vivre. Car le dialogue n’est pas la réduction au plus petit dénominateur commun et la différence n’est pas synonyme d’opposition.

Le prieur du monastère de Tibhirine, en Algérie, Christian de Chergé, assassiné en 1996, est le dernier témoin appelé par le chanoine Genoud. Par sa longue fréquentation des musulmans, il est parvenu à la conclusion audacieuse que les chrétiens ont besoin de l’islam pour mieux comprendre leur foi, pour être plus théocentriques et moins anthropocentriques. Il parle de ‘quasi-sacrement’ de la différence.

Dans les évangiles, la plupart des gens que rencontre Jésus sont des ratés, des déchus, conclut le chanoine Genoud. Mais chaque rencontre est une révélation, car chacun est restitué à lui-même. (cath.ch/mp)

Maurice Page

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