Egypte: épuration ethnico-religieuse au nord de la péninsule du Sinaï

Un millier de personnes, en majorité des familles chrétiennes coptes, ont fui ces dernières semaines la zone d’El-Arish, au nord de la péninsule du Sinaï, en Egypte. Sept coptes ont été assassinés par des djihadistes – un enseignant, un vétérinaire et des fonctionnaires – dont certains été décapités et d’autres brûlés vifs devant leurs familles.

Cette stratégie de la terreur, qui vise à fomenter la division de la société égyptienne sur des bases confessionnelles, est menée par les terroristes d’Ansar Beït Al-Maqdis. Ce groupe a prêté allégeance à Daech, le soi-disant «Etat islamique» (EI), l’automne dernier. Il a averti qu’il allait cibler les chrétiens, traités d'»infidèles d’Egypte». Cette importante minorité religieuse est présente en Egypte bien des siècles avant l’arrivée de l’islam sunnite.

Les chrétiens ne sont pas les seules cibles des terroristes

Selon les experts, le groupe d’Ansar Beït Al-Maqdis se livre à une véritable épuration religieuse. Les chrétiens ne sont pas les seuls à être visés: déjà près de 300 personnes ont été assassinées par des éléments terroristes à El-Arish: des soldats, des policiers et des civils.

Selon des témoignages de rescapés, qui ont trouvé refuge dans la ville d’Ismaïlia, au nord-est de l’Egypte, les djihadistes avaient depuis longtemps marqué avec des signes de reconnaissance les maisons des coptes, pour savoir où frapper. Ils disposent de listes avec le nom des gens à «éliminer». Ils ont distribué des tracts exigeant l’évacuation des coptes, en menaçant de les tuer s’ils ne partaient pas. «Dieu nous a donné ordre de tuer les infidèles», affirmaient les terroristes dans une vidéo diffusée sur internet le 19 février dernier, menaçant d’assassiner tous les coptes du Sinaï.

Maisons marquées, listes de gens à «éliminer»

90 % des familles coptes fuyant le nord du Sinaï sont hébergées à Ismaïlia, les autres au Caire, à Assiout, en Haute-Egypte, et à Qaliyoubiya, dans le Delta, à 30 km au nord du Caire.

«A Ismaïlia, les voitures continuent d’arriver d’Al-Arish, à quelque 200 km. A bord, des familles chrétiennes craignant pour leur vie, qui ont décidé de fuir leur ville, laissant tout derrière elles, sauf les vêtements qu’elles portent», écrit le journal égyptien francophone Al-Ahram Hebdo. Ils sont accueillis à leur arrivée par des bénévoles de l’église et des habitants de la ville, qui les dirigent vers leurs coreligionnaires qui ont déjà trouvé refuge à l’église Saint-Antonios. Les réfugiés d’Al-Arish sont reçus à l’église évangélique, à l’auberge de jeunesse, au camp Al-Erch ou encore le centre d’insertion professionnelle, écrit l’hebdo en ligne.

Les attaques ont commencé après la «révolution» de janvier 2011

Les attaques contre les chrétiens dans la ville d’Arish ont commencé quelques mois après la «révolution» égyptienne de janvier 2011: «petit à petit les femmes chrétiennes ont été sujettes à des propos violents et des menaces dans les espaces publics et les transports». D’abord on leur demandait de porter le voile et de rester à la maison.

«La situation s’est ensuite considérablement aggravée, avec des enlèvements et des exécutions. La première victime, Magdi Lameï, a été abattue en 2013, suivie par deux prêtres, le Père Mina Aboud, tué en 2013, et le Père Raphaël Moussa, en 2016. La cadence de ces attaques s’est accélérée ces derniers temps. Au début, c’était tous les quelques mois, puis chaque semaine et maintenant plusieurs fois par semaine».

Saper l’unité nationale

Tout comme l’Eglise copte, l’écrivain copte Gamal Assaad estime que ces attaques visent en premier lieu à saper l’unité nationale. «Les minorités ethniques ou religieuses sont des points faibles que les groupes terroristes ou ceux qui veulent déstabiliser un pays utilisent pour atteindre leurs buts. C’est ce qui s’est passé en Irak et en Syrie, mais cela est difficile à reproduire en Egypte», affirme-t-il. (cath.ch/alahram/asiannews/be)

Jacques Berset

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