Le président rwandais Paul Kagame pour la première fois au Vatican

Paul Kagame, président de la République du Rwanda, sera reçu en audience par le pape François le 20 mars 2017. Depuis le génocide de 1994, le gouvernement rwandais a accusé à plusieurs reprises l’Eglise et lui a demandé des «excuses», en raison de sa proximité supposée avec le gouvernement alors en place et des massacres perpétrés dans des églises.

Pour la première fois depuis son accession au pouvoir en 2000, le chef d’Etat du Rwanda va se rendre en visite officielle au Vatican et être reçu en audience privée par le souverain pontife. Cette rencontre intervient alors que les relations entre Kigali et le Saint-Siège sont difficiles depuis le génocide de 1994 qui avait fait 800.000 morts.

Peu après le génocide, l’Eglise avait déjà dû faire face à de accusations venant de Kigali. Jean Paul II y avait répondu dès le 14 mai 1996 dans un message au peuple rwandais en affirmant: «l’Eglise ne peut être retenue responsable des fautes de ses membres qui ont agi contre la loi évangélique». «Tous les membres de l’Eglise qui ont péché durant le génocide doivent avoir le courage d’assumer les conséquences des faits qu’ils ont accomplis contre Dieu et contre leur prochain», avait-il ajouté.

Des accusations répétées

Cette ferme déclaration du pontife n’avait pas empêché Kigali de répéter régulièrement ses accusations. En 2005, lors de la 13e congrégation générale du Synode des évêques, Mgr Frédéric Rubwejanga, évêque de Kibungo (Rwanda), avait tenu à rappeler que Jean-Paul II avait «été le premier à […] dénoncer le génocide».

En novembre dernier, le gouvernement rwandais avait à nouveau réclamé des excuses officielles du Vatican pour ce drame. Cette demande faisait suite à la lecture dans les paroisses, pour la clôture du Jubilé de la miséricorde, d’une lettre des évêques rwandais demandant pardon pour le génocide. Mais l’Etat rwandais avait trouvé l’initiative «profondément inadéquate», car elle portait seulement sur des individus et non l’Eglise en tant qu’institution. Cette visite, confirmée seulement la veille par la présidence rwandaise, constitue donc une surprise.

Trois évêques assassinés

Le Vatican reproche pour sa part à Kigali l’exécution des 13 ecclésiastiques, dont trois évêques, en juin 1994 par les hommes du Front patriotique rwandais (FPR), alors commandé par l’actuel président de la République. Rendu en 2008, le verdict du procès de leurs assassins avait été marqué par sa clémence. Au total, 103 prêtres, 65 religieuses et 47 religieux avaient été assassinés par un camp ou l’autre pendant le génocide.

Dans la lignée de Jean Paul II, les papes Benoît XVI et François se sont attachés à montrer leur proximité pour le Rwanda, en appelant à la réconciliation. Le 6 avril 2014, à la veille des commémorations du 20e anniversaire du génocide, le pape François avait ainsi exprimé lors de l’Angélus sa «proximité paternelle à l’égard du peuple rwandais». Il avait alors encouragé tous les Rwandais «à continuer, avec détermination et espérance, le processus de réconciliation qui a déjà porté des fruits». Le pontife avait ensuite demandé à la foule de réciter un ›Je vous salue Marie’ pour le Rwanda.

Recevant les évêques du pays en visite ad limina à Rome en avril 2014, le pontife les avait aussi invités à «renforcer les liens de confiance avec l’Etat». Le 18 mars, à l’avant-veille de la visite de Kagame, le Vatican a fait un geste en ce sens en annonçant la nomination d’un nonce à Kigali, poste vacant depuis juin. Au moment du génocide, ce poste était d’ailleurs occupé par le cardinal Giuseppe Bertello, désormais président du Gouvernorat de l’État de la Cité du Vatican et membre du Conseil des cardinaux (C9).

En trois mois, d’avril à juillet 1994, 800.000 Rwandais, majoritairement des Tutsis, avaient été massacrés avant que les hommes du FPR, dirigé par Paul Kagame, ne prennent la capitale, Kigali. Paul Kagame est alors devenu vice-président du Rwanda avant d’être élu président en 2000. Il est réélu en 2010, avec 90% des voix, et envisage de se représenter en 2017, après avoir modifié la Constitution.

Environ 40% de la population rwandaise est catholique. (cath.ch/imedia/xln/mp)

Maurice Page

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