Les évêques brésiliens se mobilisent contre la montée du pentecôtisme

Les membres du Conseil épiscopal pastoral de la Conférence des évêques du Brésil (CNBB) se sont réunis début mars pour évoquer les possibilités de freiner l’hémorragie des fidèles catholiques vers les Eglises pentecôtistes et néo-pentecôtistes, toujours en pleine croissance.

Il y a un an, fin mars 2016, l’Institut de sondages Datafolha publiait une étude qui a marqué les esprits au sein de la Conférence des évêques du Brésil (CNBB). Le sondage indiquait en effet qu’au cours des deux dernières années, neuf millions de personnes avaient abandonné le catholicisme dans le pays.

En 2014, le pourcentage de la population qui se déclarait catholique était de 60%. Deux ans plus tard, fin décembre 2016, le chiffre était tombé à 50%. Lors de la même période, les fidèles pentecôtistes et néo-pentecôtistes, sont passés de 18% à 22% de la population.

50% des évangéliques ont d’abord été catholiques

Même si cette baisse du pourcentage de catholiques ne s’est pas traduite par une énorme expansion des fidèles pentecôtistes et néo-pentecôtistes, l’inquiétude porte sur un autre chiffre: la moitié des personnes qui se déclarent aujourd’hui pentecôtistes et néo-pentecôtistes proviennent de l’Église catholique.

Les participants à la rencontre du Conseil épiscopal pastoral ont identifié plusieurs causes possibles. Les évangéliques disposent ainsi d’une structure plus dynamique et peuvent atteindre les personnes de manière plus rapide, dans n’importe quel lieu où elles se trouvent.

Propagande anti-catholique

Autre caractéristique, les évangéliques profitent de la naïveté ou du manque de formation des catholiques -en particulier dans le monde rural ou dans les banlieues des grandes villes- et développent une intense propagande contre le catholicisme. Enfin, ils font appel à une forte charge émotionnelle pour attirer les personnes.

Comment répondre à cette réalité? Quelles propositions peuvent être utiles pour inverser la tendance ? La CNBB reconnaît que les réponses offertes par les pentecôtistes et néo-pentecôtistes aux personnes souffrant de problèmes de santé, d’accidents ou de situations graves sont plus attractives que celles proposées par les catholiques.

«Une Église tournée vers l’extérieur»

Le problème principal reste l’absence de lieux et de moyens humains pour aller à la rencontre des personnes en difficulté. «Nous devons disposer de davantage de missionnaires, trouver la manière d’être plus présents dans les banlieues et dans le monde rural, faire tout ce qui est possible pour qu’il y ait une personne de référence dans chaque communauté, a souligné le cardinal de Sao Paulo, Mgr Odilo Scherer. Il est important d’aller chercher les fidèles dans leurs maisons, dans les écoles, dans les institutions. Bref, d’être une Église tournée vers l’extérieur.»

Des laïcs sur le terrain

Dans cette optique, l’une des propositions est que l’évêque désigne, dans chaque communauté, au moins deux laïcs de référence. Pour Mgr Leonardo Steiner, secrétaire général de la CNBB, il est important que la communauté perçoive qu’il y a quelqu’un sur place qui représente l’évêque. Qui au nom de l’Église les encourage, les aide à affronter les difficultés, qui puisse rendre présente la miséricorde. «Cela fait énormément défaut aujourd’hui.»

Donner plus de liberté

Il est également nécessaire de proposer aux communautés -et non aux paroisses- des groupes de prière, des groupes de jeunes ou d’autres formes de présence dans les communautés. De quoi répondre au fait que les pasteurs pentecôtistes sont mariés, vivent au sein même des communautés et passent une grande partie du temps avec les fidèles, au contraire des prêtres qui ont besoin de s’occuper de leurs paroisses et, parfois, demeurent distants des personnes.

Sans autonomie réelle pour les laïcs catholiques, rien de peut changer, estime Mgr Enemésio Lazzaris, évêque de Balsas, dans l’état du Maranhão, au nord-est du Brésil, l’une des régions qui connaît la croissance la plus importante du nombre d’évangéliques dans le pays. «L’un des succès des Eglises évangéliques est que chacun se sent Église, avec une autonomie plus grande. Nous avons parfois des difficultés à déléguer l’autorité. Nous voulons contrôler davantage.»

Renforcer la formation biblique et la catéchèse

Autre proposition importante la formation biblique et la catéchèse des fidèles. L’idée est de proposer aux communautés des cours plus fréquents mais moins longs avec un langage plus simple et direct.

Pour Mgr Orani Tempesta, cardinal de Rio de Janeiro, il faut une présence plus importante auprès des catholiques. Il faut les évangéliser et les aider à approfondir leur foi, pour qu’ils en aient une meilleure conscience et qu’ils puissent avancer face aux problèmes et aux incertitudes.

«Un Dieu personnel»

Dernier défi de taille à relever pour la CNBB, l’importance de la dimension émotionnelle utilisée par les pentecôtistes pour attirer les fidèles. Mgr Leonardo Steiner a rappelé que le pape François a clôturé l’Année de la Miséricorde en  indiquant qu’il «est nécessaire d’avoir des témoins de l’espérance et de la véritable joie pour défaire les chimères qui promettent un bonheur facile avec des paradis artificiels.»

Mgr Leonardo Steiner a expliqué à ce propos que des études ont démontré que des personnes abandonnent les Eglises traditionnelles (catholique et autres), se tournent vers d’autres Eglises et puis d’autres encore, et enfin finissent par ne plus être dans aucune Eglise. À la fin, ces personnes perdent leur relation personnelle avec l’Église et possèdent leur Dieu personnel.

S’inspirer des pentecôtistes…

Selon Mgr Steiner l’Église doit avant tout se concentrer sur la manière d’évangéliser. «Certains fidèles aiment, par exemple, exprimer leur foi de manière plus émotionnelle et prennent leurs distances avec l’engagement social. Mais l’Église ne peut pas se résoudre à ce type de désir, car elle irait contre sa mission fondamentale qui est d’annoncer intégralement l’Évangile de Jésus Christ».

«Je pense que nous pouvons apprendre certaines choses de nos frères pentecôtistes», affirme Mgr Francisco Biasin. Le président de la Commission de l’eucuménisme et le dialogue inter-religieux de la CNBB a évoqué l’exemple du mouvement du Renouveau Charismatique. «Il offre aux fidèles qui le désirent une liturgie plus participative et émotionnelle, en mettant l’accent sur les dons du Saint Esprit, sur l’exorcisme, sur la lecture des Saintes Écritures et sur la musique. Concevoir un dialogue catholico-pentecôtiste est quelque chose de possible et utile pour le futur de l’Église», a conclu Mgr Francisco Biasin. (cath.ch/jcg/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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