Zoug: une journée historique pour catholiques et réformés

Les Eglises catholique et réformée de Suisse ont vécu une journée particulière, le 1er avril 2017 à Zoug, en associant Nicolas de Flüe et la Réformation. Les 600 ans de la naissance de l’ermite du Ranft et les 500 ans de la Réforme protestante ont permis un rapprochement, dans la reconnaissance de l’unité autour du Christ et les demandes de pardon pour les séparations.

La Journée nationale de commémoration et de célébration de ce 1er avril s’est articulée autour de quatre temps forts: la conférence de l’historien Josef Lang, le repas avec la soupe au lait de Kappel, la table ronde et la célébration œcuménique.

Pour l’historien bernois Josef Lang, Nicolas de Flüe (1417-1487) peut être considéré comme un «précurseur du protestantisme» dans ses racines spirituelles. Ancré dans le Christ, l’ermite vit une ascèse qui rappelle les souffrances de Jésus. Et si Martin Luther appelle, 30 ans plus tard en Allemagne, à une réforme de l’Eglise, c’est que l’émancipation des laïcs vécue par Nicolas est déjà en marche. En ce sens, estime Josef Lang, il constitue une passerelle entre l’humanisme de son époque et la Réforme.

Nicolas de Flue et Ulrich Zwingli

Car l’Eglise de son temps aspire au changement, en Suisse comme dans les territoires germaniques. L’humaniste Heinrich Wölflin (dit Lupulus), biographe de Nicolas, fut d’ailleurs le professeur du réformateur suisse Ulrich Zwingli. Dans son hagiographie, Wölflin insiste sur la prière et sur l’ascétisme de l’ermite du Ranft. Et Zwingli fit référence à Nicolas, en citant un de ceux qui ont concouru à sa notoriété, le chanoine Heinrich von Gundelfingen qui rencontra Nicolas au Ranft.

Autre réformateur suisse, Heinrich Bullinger (1504-1575) se référait également  au saint ermite. Cependant au XVIIe siècle, les jésuites de la Contre-Réforme réhabilitent habilement Nicolas de Flue comme une figure majeure du catholicisme. Mais pour Josef Lang, «la structure profonde du protestantisme ne serait pas compréhensible sans Nicolas de Flüe».

Soupe au lait de Kappel

Pour le repas, les organisateurs ont invité l’assistance à déguster une soupe au lait de Kappel. Devant et dans le Centre réformé de Zoug, le fin potage fut abondamment servi, rappelant la fraternisation entre les troupes catholiques et protestantes en 1529 à Kappel. Cette agape conviviale fut suivie de la table ronde à l’église protestante: «Où nous (re)trouvons-nous sur le chemin vers le centre?».

Et la journée s’est achevée par la célébration œcuménique présidée par Mgr Félix Gmür, évêque de Bâle, et le pasteur Gottfried Locher, président du conseil de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). L’église catholique Saint-Michael de Zoug n’était pas trop grande pour accueillir près d’un millier de personnes. Les paroles de réconciliation entre les Eglises ont ponctué la cérémonie, centrée sur le témoignage commun des chrétiens.

 «Nous avons changé de trottoir»

Mais les points noirs n’ont pas été omis. «Nous avons usé de violence les uns envers les autres, nous nous sommes même fait la guerre aux batailles de Kappel, du Gubel et de Villmergen. Nous nous sommes persécutés réciproquement comme hérétiques», ont affirmé les deux Eglises dans leur commune demande de pardon.

Et plus concrètement: «Nous avons changé de trottoir pour nous éviter, nous avons refusé les relations entre nos enfants amoureux de la ›mauvaise’ personne, nous n’avons pas voulu vendre nous maisons à des catholiques ou à des réformés…» Et «nous ne rompons toujours pas le pain ensemble». Le passé et le présent étaient réunis, dans une commune aspiration à davantage d’unité.

Cette journée du 1er avril à Zoug avait la saveur de fraternisation. Un peu comme à Kappel en 1529.  (cath.ch/bl/mp)

Bernard Litzler

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