Le pape François au Caire: «Un pape de paix dans une Egypte en paix»

Le pape François effectue une visite pastorale, œcuménique et interreligieuse en Egypte les 28 et 29 avril 2017. Le voyage est placé sous le signe du rapprochement entre le Saint-Siège, la plus haute institution musulmane sunnite d’Al-Azhar et l’Eglise copte orthodoxe, qui rassemble la très grande majorité des chrétiens d’Egypte.

«Un pape de paix dans une Egypte en paix»: le slogan de la visite du pontife romain est parlant alors que le pays connaît une montée de l’extrémisme et qu’il est en guerre ouverte contre le terrorisme, qui a pris racine dans la péninsule du Sinaï.

Malgré les attentats

C’est à l’invitation du président Abdel-Fattah Al-Sissi, du cheikh Ahmad Al-Tayeb, grand imam d’Al-Azhar, du patriarche copte orthodoxe Tawadros II, et des évêques de l’Eglise catholique égyptienne que le pape François se rend en Egypte.

Le pontife romain n’a jamais pensé annuler son voyage, même après le double attentat qui a frappé l’Eglise copte orthodoxe, lors de la messe du Dimanche des Rameaux. «Il veut être là où se vivent des situations de violences, de conflit», affirme le cardinal Pietro Parolin.

Cimenter encore davantage la communion avec l’Eglise copte

«Il veut être un messager de paix, là où il y a le plus besoin d’annoncer et d’œuvrer pour la paix», a déclaré le cardinal Parolin, dans un entretien au quotidien du Vatican L’Osservatore Romano des 27-28 avril 2017. Concernant l’œcuménisme, le secrétaire d’Etat du Vatican a estimé que ce voyage en Egypte «cimentera encore plus la communion» avec l’Eglise copte orthodoxe. Il estime que coptes orthodoxes ou catholiques, «tous sont visés par une même violence islamiste, en raison de leur foi».

Le cardinal Parolin plaide pour une plus grande protection des citoyens égyptiens par les autorités, peu importe leur religion ou leur groupe social, souligne Radio Vatican. Cependant le terrorisme est «un défi plus vaste qui ne se résout pas en augmentant les niveaux de sécurité».

Eradiquer les causes profondes du terrorisme

Il faut revenir sur les causes profondes du terrorisme et éradiquer ce qui l’alimente. C’est le rôle de l’Etat, mais aussi des familles, de l’école, de l’Eglise et encore des médias. Tous ont «une responsabilité d’éduquer à la paix. L’éducation comme un sésame pour permettre aux jeunes de donner un sens à la vie, pour leur proposer des valeurs pour lesquelles cela vaut la peine de vivre, s’impliquer et lutter, au lieu de se perdre dans ce tourbillon de violence et de destruction vraiment insensé».

Le cardinal Parolin estime aussi que le dialogue entre chrétiens et musulmans, en l’occurence entre le pape et les autorités d’Al-Azhar, est «indispensable et fondamental pour la paix et toutes les religions doivent se sentir impliquées». Dans un entretien au Centre Télévisé du Vatican (CTV), le secrétaire d’Etat rappelle combien la présence des chrétiens fait sens dans des pays à majorité musulmane: «ils peuvent contribuer à la construction de la société à une cohabitation plus harmonieuse, sereine et pacifique». La rencontre entre le pape et Tawadros II «cimentera encore plus la communion qui existe déjà» entre les chrétiens d’Egypte.

70 ans de relations diplomatiques entre l’Egypte et le Vatican

De son côté, le site en ligne Al-Ahram Hebdo rappelle le 28 avril que c’est la première visite d’un pape du Vatican en Egypte depuis celle de Jean Paul II en l’an 2000. «Il s’agit d’un voyage à la fois pastoral, œcuménique et interreligieux qui coïncide avec le 70e anniversaire du début des relations diplomatiques entre l’Egypte et le Vatican».

L’agenda de la visite du pape est surchargé: il rencontre le président Abdel-Fattah Al-Sissi, le grand imam d’Al-Azhar, et le pape Tawadros II. «Un programme révélateur des enjeux de cette visite qui porte essentiellement sur trois axes: la consolidation du dialogue entre Al-Azhar et le Vatican, le rapprochement entre les deux Eglises orthodoxe et catholique, ainsi que la mise à profit des relations diplomatiques solides entre l’Egypte et le Vatican dans le domaine de la lutte antiterroriste. A cet égard, en signe de solidarité avec l’Egypte, le pape a maintenu sa visite en dépit des attentats qui ont visé le 9 avril dernier deux églises orthodoxes, aux gouvernorats d’Alexandrie et de Tanta, faisant 46 morts».

Message de paix, de tolérance et de dialogue

Al-Ahram Hebdo relève que le gouvernement égyptien, Al-Azhar et les Eglises égyptiennes apprécient la visite du pape François: «L’Egypte attend avec impatience cette visite comme un message de paix, de tolérance et de dialogue entre les hommes de toutes les religions», affirme la présidence dans un communiqué. Le président Abdel-Fattah Al-Sissi, qui a rencontré le pape en 2014 lors d’une visite au Vatican, «tient le pape François en haute estime et admire sa stature morale et spirituelle ainsi que ses positions courageuses sur certaines questions internationales», peut-on lire dans le communiqué officiel.

Le pape Tawadros II, chef de l’Eglise copte orthodoxe, relève que la visite du pape de Rome permettra davantage encore le rapprochement entre les deux Eglises orthodoxe et catholique. «Il s’agit d’une confirmation des relations excellentes et constantes, entre catholiques et orthodoxes en Egypte», affirme le porte-parole de l’Eglise orthodoxe, le Père Boulos Halim, cité par l’agence de presse catholique italienne SIR.

«Mettre fin aux fleuves de sang causés par le terrorisme»

Du côté des instances musulmanes officielles, on considère qu’il s’agit là d’un «coup de pouce au dialogue interreligieux». C’est ainsi que l’institution sunnite d’Al-Azhar a commenté la visite du pape romain. Le cheikh Ahmad Al-Tayeb, grand imam d’Al-Azhar, a été reçu au Vatican au mois de mai 2016. «Une rencontre qui avait marqué la reprise du dialogue entre Al-Azhar et le Saint-Siège, interrompu depuis plus de 7 ans». A cette occasion, les deux dignitaires religieux avaient lancé un appel au monde entier afin de «mettre fin aux fleuves de sang causés par le terrorisme».

Le réchauffement des relations entre le Saint-Siège et Al-Azhar s’était surtout confirmé lors d’un séminaire commun au Caire en février 2017. Le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux du Vatican et la commission du dialogue d’Al-Azhar s’étaient réunis pour parler de «la lutte contre le fanatisme, l’extrémisme et la violence au nom de la religion», écrit le média francophone égyptien.

Réchauffement des relations islamo-chrétiennes

Il relève que depuis son arrivée, le pape François multiplie les messages de tolérance. «Je n’ai pas fait de choix entre chrétiens et musulmans, tous sont les fils de Dieu», cite Al-Ahram Hebdo. Selon Oussama Al-Azhari, conseiller à la présidence pour les affaires religieuses et prédicateur d’Al-Azhar, c’est surtout la convergence entre Al-Azhar et le Vatican depuis le pontificat du pape François, connu pour son ouverture, qui a favorisé la reprise du dialogue interreligieux. «Il existe une convergence de points de vue entre le Saint-Siège et Al-Azhar sur l’importance des institutions religieuses dans la lutte contre le terrorisme et le fanatisme».

«Les deux dignitaires religieux sont surtout d’accord sur le fait qu’il ne faut pas taxer une religion de terroriste. Et c’est ce qui distingue le pape François de son prédécesseur Benoît XVI dont les positions hostiles aux musulmans ont nui au dialogue entre Al-Azhar et le Vatican», affirme Oussama Al-Azhari. Le pape François s’efforce d’éviter les stigmatisations, refusant tout lien entre islam et violences, souligne le média égyptien.

Message fort à destination des terroristes

«Le maintien de la visite du pape après les attaques terroristes contre les églises coptes montre la volonté du Vatican de soutenir l’Egypte dans son combat contre le terrorisme», estime Naguib Guébraïl, avocat des droits de l’homme. «Il s’agit d’un message fort et dissuasif destiné aux groupes terroristes. Cette visite va avorter toutes tentatives des groupes terroristes de semer la haine et le sectarisme entre musulmans et chrétiens. Elle reflète la conviction du pape que l’Egypte reste l’un des meilleurs exemples de coexistence pacifique entre les religions. C’est ce qui explique l’engagement du pape François au dialogue interreligieux entamé depuis le début de son pontificat que ce soit avec l’Eglise orthodoxe ou avec Al-Azhar».

La création en février 2013 du Conseil des Eglises d’Egypte regroupant les Eglises orthodoxe, catholique, évangélique et épiscopale a été un nouveau pas franchi vers l’unité interchrétienne. Cette institution ecclésiastique a été créée dans le but d’approfondir la coopération entre les églises locales. (cath.ch/alahram/radiovat/be)

Jacques Berset

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