Présidentielles: regards du clergé français en Suisse

Prêtres ou pasteurs français établis en Suisse, comment perçoivent-ils le second tour des élections présidentielles dans leur pays d’origine? Beaucoup estiment qu’il n’y a pas de candidat idéal pour défendre les valeurs chrétiennes. Déçus, confiants ou perplexes, ils iront néanmoins voter le 7 mai 2017.

A quelques jours du deuxième tour des présidentielles françaises, des responsables de paroisses catholiques et réformées de Suisse romande s’apprêtent à passer aux urnes pour départager Emmanuel Macron et Marine Le Pen, tant bien que mal. «Avec un regard chrétien, on détecte assez aisément des propositions inquiétantes chez les deux candidats, déclare l’abbé Philippe Blanc, curé modérateur dans le canton de Fribourg. Il y a un problème, soit au niveau de l’accueil de l’étranger et des liens avec l’Europe, soit au niveau de la famille et de l’éducation.»

Ils «draguent» l’électorat chrétien

L’éviction de François Fillon a-t-elle rendu le choix «dit chrétien» plus cornélien? «Les catholiques français, dit-on, votent traditionnellement pour la droite républicaine, avance le Père Eric Marchand, responsable général de la Mission ouvrière Saints-Pierre-et-Paul (MOPP). Qu’elle soit éjectée au premier tour, c’est une première. Mais faut-il s’en désoler? D’autant plus que l’on sent très bien les deux candidats restants tenter de ‘draguer’ l’électorat chrétien par tous les moyens.»

«Tout homme est pécheur et faillible, y compris les politiques»

Désemparés, des croyants attendent les directives de leur hiérarchie ecclésiale. Certains reprochent que la lettre des évêques français ne soit «pas très courageuse». C’est le cas de ce groupe de prêtres catholiques qui, par le biais du Collectif Antioche, ont appelé à voter «paisiblement» pour Marine Le Pen. Les auteurs de cette initiative gardent l’anonymat, il est donc difficile d’évaluer leur représentativité au sein du clergé.

«L’Evangile est politique»

«La seule solution, comme le suggèrent les évêques, c’est de renvoyer chacun à voter selon sa conscience. Mais il ne faut en aucun cas, tranche Philippe Blanc, qu’un réflexe lié à la peur soit le moteur de votation.» Il rappelle que le pape Paul VI encourageait l’apostolat des laïcs «non seulement le dimanche à la messe, ajoute-t-il, mais aussi dans le monde, le social et la politique».

Bien avant d’obtenir la nationalité suisse, Patrice Haesslein incitait déjà ses paroissiens à être responsable et à s’intéresser à la vie politique. «Car l’Evangile est politique, déclare le pasteur de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Et beaucoup d’orientations que le Christ a données ont une résonance politique». Le pasteur d’origine alsacienne a toujours soutenu la démocratie, car, dit-il, c’est le système le moins mauvais.

Tous pourris, tous pécheurs

«Intégré dans le système politique suisse depuis plus de dix ans, j’observe les qualités indéniables de la démocratie directe, explique le Père Eric de la MOPP. En Suisse, les politiciens parlent de leurs dossiers, tandis qu’en France, ils parlent en ‘je’. Les candidats sont moins précis sur leur programme que sur leur volonté de briller personnellement.»

«Beaucoup sont tentés de dire que les politiciens sont tous pourris, reconnaît le pasteur Patrice Haesslein. Mais tout homme est pécheur et faillible, y compris les politiques. Laissons une marge de manœuvre à ceux qui sont élus et mettons en place des éléments de contrôle pour adapter ce qui ne va pas au bout d’un certain temps. Faisons avec les candidats donnés et ne nous abstenons pas de voter.» Il précise que le vote blanc n’existe pas en France, il est considéré comme nul.

«Un président capable d’aller dans les périphéries»

Si les protestants attendent un respect des valeurs évangéliques, les catholiques souhaitent une prise en compte de la doctrine sociale de l’Eglise. «Oui, j’irai voter, assure l’abbé Jean-Philippe Halluin, curé modérateur dans le canton de Genève. Car je fais partie de cette génération où le vote est sacré.» Mais le prêtre avoue d’emblée sa déception. «Bien que rappelée par le pape François dans son encyclique Laudato Si’, le ‘bien commun’ est primordial pour moi. Mais cette notion n’est malheureusement que trop absente dans la campagne présidentielle».

Même son de cloche pour le prêtre ouvrier, qui ne perçoit pas de réelle volonté de la part des élus de se mettre à table pour défendre la justice sociale. «Je souhaite un président capable d’aller dans les périphéries, si chères au pape François. Qu’il brave le système très centralisé de la politique française»

Voter et prier ensuite

«Jésus œuvrait pour le respect et la dignité du prochain, rappelle le pasteur Patrice Haesslein. J’espère que le prochain président fasse de même». «D’abord j’irai voter. Et je prierai ensuite», ajoute l’abbé Philippe Blanc, sur un ton humoristique. Et le responsable de la MOPP de lancer: «A l’approche du Synode des Jeunes 2018, peut-être que nous pourrions faire confiance à la jeunesse d’Emmanuel Macron. En espérant qu’il ne pousse pas l’ultralibéralisme trop loin», conclut-il. (cath.ch/gr)

Grégory Roth

Portail catholique suisse

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