«Bannir les mendiants est indigne de la société suisse»

La Cour constitutionnelle du canton de Vaud a validé le 10 mai 2017 l’interdiction de la mendicité adoptée par le Grand Conseil en automne 2016. Tendre la main sera passible d’une amende de 50 à 100 francs voire beaucoup plus s’il s’agit de réseaux organisés de mendicité ou d’exploitation d’enfants. Les opposants dénoncent une vision discriminatoire envers les plus pauvres.

Les juges de la Cour constitutionnelle ont estimé en séance publique que l’interdiction de la mendicité au nom du respect de l’ordre public ne violait pas la Constitution vaudoise. Un mendiant ne peut pas se prévaloir de la liberté économique puisqu’il reçoit de l’argent sans contrepartie. Ceux qui, par charité, leur remettent de l’argent ne peuvent pas invoquer la liberté religieuse, puisqu’ils ont la liberté de faire des dons, notamment aux associations qui travaillent en faveur des plus démunis. La question n’est cependant pas encore définitivement tranchée. Un recours au Tribunal Fédéral est en effet probable. En outre, avant son entrée en vigueur, le Conseil d’Etat vaudois doit édicter des mesures d’application.

Quatre des cinq juges ont estimé que l’intérêt public de l’Etat à maintenir l’ordre sur son territoire justifiait ces atteintes aux libertés fondamentales. En effet «la mendicité suscite des réactions de gêne, de rejet, de réprobation, voire d’insultes». Le Tribunal fédéral, qui a statué sur une interdiction similaire à Genève en 2008, avait déjà balisé le terrain dans ce sens et a été abondamment cité par la Cour.

Une vision discriminatoire envers les pauvres

Après l’échec du référendum lancé par l’extrême gauche et les milieux chrétiens contre la loi, le jugement de la Cour constitutionnelle revêtait une grande importance pour les opposants. Le comité vaudois contre l’interdiction de la mendicité a fait par de sa consternation. Selon lui, «elle est restée emprisonnée dans une vision discriminatoire envers les plus pauvres, définissant l’intérêt public au seul regard des personnes bien portantes et bien-pensantes qui se disent ‘dérangées’ par les mendiants. Cette vision est honteuse et indigne de notre société, dont la force se mesure au bien-être du plus faible de ses membres, selon les termes du préambule de la Constitution fédérale», indique le 10 mai un communiqué.

Anne-Catherine Reymond, présidente de l’association catholique Sant’Egidio, a été frappée par le peu d’attention accordé par les juges à la situation réelle des personnes  qui se trouvent dans la rue, explique-t-elle à cath.ch. «Aucune référence n’a été faite aux études sociales très sérieuses effectuées depuis 2008 sur la mendicité notamment à Genève. Nous avons entendu des discours à l’emporte-pièce basés sur des préjugés sur la mendicité qui ont la vie dure.»

Un rejet qui criminalise

Le Comité continue de considérer que cette loi est disproportionnée. Elle constitue un rejet et une stigmatisation des mendiants, les criminalise au lieu de chercher avec eux des solutions pour retrouver des conditions de vie dignes. La Cour n’a pas compris que la mendicité n’est pas un choix de carrière professionnelle, mais un moyen de survie, extrêmement précaire et bien souvent humiliant, ainsi qu’un indicateur de grande pauvreté.

«D’un point de vue chrétien, l’argument du trouble à l’ordre public me gêne, poursuit Anne-Catherine Reymond. On évoque le trouble psychologique causé par la présence de mendiants. En soi cette interrogation est légitime. Mais la réponse à ce trouble ne peut pas être ‘je t’interdis d’exister’. Si la paix sociale est mise en danger par le pauvre qui mendie, quelle réponse lui donner en tant que chrétiens? Pour moi la seule est: ‘Je te rencontre, je t’humanise et je m’humanise’.»

Le Comité rappelle par ailleurs qu’il a déposé une pétition au Grand Conseil, lui demandant de renoncer à l’interdiction pure et simple de la mendicité pour revenir aux dispositions proposées dans le contre-projet du Conseil d’État, à savoir une lutte accrue contre l’exploitation d’autrui, et la protection des mineurs et des personnes dépendantes. (cath.ch/mp)

Maurice Page

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