En Egypte, les chrétiens en butte aux fanatiques

Dans un pays conservateur comme l’Egypte, patrie des Frères musulmans, où leurs puissants rivaux salafistes sont tout aussi fanatiques, tenter de changer les mentalités archaïques ressort des travaux d’Hercule. Peut-être même d’une mission impossible, tant les racines du mal sont profondes.

Le pape François, qui tend si souvent la main aux autres religions et confessions, vient d’en faire la cuisante expérience. A peine avait-il quitté Le Caire, où il avait rencontré le cheikh d’Al Azhar, que des religieux musulmans égyptiens relançaient une dangereuse polémique visant tant les chrétiens que les juifs. Au grand dam du cheikh Ahmed Al-Tayeb, chef de la plus haute autorité spirituelle du monde musulman sunnite, qui aurait tant voulu donner l’image d’un islam plus apaisé.

«Chrétiens et juifs n’iront pas au paradis»

La première salve a été tirée par Salem Abdel Galil, un ancien vice-ministre auprès du ministère égyptien des Biens religieux, qui gère les awqaf, les dotations ou fondations pieuses. Lors de son dernier show sur Al-Mehwar TV, ce religieux très connu au pays des Pharaons a déclaré que «chrétiens et juifs suivent des religions corrompues» et que, par conséquent, ces «infidèles» n’iraient pas au paradis.

Dénoncé par quelques parlementaires, l’ancien vice-ministre devra répondre devant la justice de «mépris de la religion» et de menaces contre l’unité nationale. Le ministère des Biens religieux, qui contrôle les mosquées du pays, a annoncé la suspension d’Abdel Galil, qui ne serait plus autorisé à prononcer de prêches «jusqu’à ce qu’il se rétracte». La télévision Al-Mehwar a rompu le contrat la liant au prédicateur sulfureux, allant jusqu’à présenter ses excuses aux «frères chrétiens».

Sur sa page Facebook, Abdel Galil déclare qu’il n’a fait qu’expliciter un verset du Coran. S’il dit s’excuser d’avoir pu heurter le sentiment des chrétiens, il assure qu’il ne s’excusera jamais pour sa religion. Et de rappeler, pour qui pourrait l’ignorer, que les musulmans voient les non musulmans comme des «disciples de religions corrompues».

Accusant les chrétiens d’être des apostats, Abdullah Roushdy, imam de la mosquée Al-Sayeda Nafisa, au Caire, a embouché les mêmes trompettes nauséabondes lors d’interviews télévisées. On sait que, dans une société où pullulent les groupes fanatisés, de telles accusations peuvent conduire à la mort des personnes visées.

Depuis longtemps, les chrétiens, pourtant présents en Egypte dès les premiers siècles, bien avant l’arrivée des conquérants arabes musulmans venus du Hedjaz (actuelle Arabie saoudite), sont systématiquement discriminés. Quand ils ne sont pas victimes d’attentats sanglants. Quant aux juifs, autrefois très présents dans la société égyptienne, ils ne peuvent plus être ciblés physiquement: ils ont disparu des rives du Nil après l’épisode nassérien et l’agression de l’Egypte par une coalition formée par la France, le Royaume-Uni et Israël,  en 1956, à la suite de la nationalisation du canal de Suez.

Jacques Berset | 18.05. 2017

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