L'Egypte enterre 29 nouvelles victimes coptes après l'attentat de Minya

Au moins 29 chrétiens ont trouvé la mort dans l’attaque de leur bus par un commando armé le 26 mai 2017, à Minya en Egypte. Le porte-parole de l’Eglise catholique confirme un plan prémédité des islamistes qui voudrait vider le Moyen-Orient de ses chrétiens.

Le 26 mai en Egypte, l’ambiance est à la fête. Pour les musulmans, le mois sacré du Ramadan commence aujourd’hui le lendemain. Des chrétiens félicitent leurs amis, collègues et voisins musulmans pour ce mois de jeûne. D’autres profitent de ce jour de congé hebdomadaire pour sortir en excursion.

Un autobus, un minibus et une camionnette étaient sortis de l’église copte de la petite ville de Maghagha, à 180 km environ au sud de la capitale égyptienne, pour une excursion vers le couvent antique de l’Amba Samuel, situé dans le désert de la région. Trois véhicules  4×4 ont soudain surgis de gauche, de droite et de l’avant. Les agresseurs qui étaient au moins dix, cagoulés et en tenue militaire, leur ont demandé s’ils étaient chrétiens. A la réponse affirmative des passagers, les attaquants leur ont tiré dessus avec des armes automatiques.

Douleur, amertume et colère des chrétiens

Les femmes ont été d’abord dépouillées de leur argent et de leurs bijoux, puis libérées en partie. La majorité des passagers hommes, femmes et enfants de l’autobus, au nombre de 45, et du minibus ont trouvé la mort ou ont été blessés. Seuls trois enfants et une femme du minibus ont survécu au drame. Les six ouvriers de la camionnette, qui se rendaient vers le couvent pour des travaux de restauration, ont été également tués. Selon les déclarations d’un porte-parole du ministère égyptien de la Santé, il y aurait 29 morts et 22 blessés graves. Le bilan risque de s’alourdir. Mais selon des sources au patriarcat copte-orthodoxe, le nombre des morts serait 35 et non pas 29.

Jusque dans la soirée, des rassemblements de parents des défunts, exaspérés et en colère, se sont réunis aux portes des trois hôpitaux de la région qui avaient reçu les corps des victimes. Ils demandent aux autorités de ne pas opérer d’autopsie et de délivrer les permis d’inhumer qui semblent être lents à sortir. D’autre part, des dizaines de chrétiens et de musulmans, toutes confessions confondues, faisaient la queue pour faire des dons de sang afin de sauver les blessés.

Un plan prémédité pour chasser les chrétiens

Les funérailles des défunts ont commencé à se faire séparément, dès l’après-midi, chaque village enterrant ses habitants avec douleur, amertume et colère. Dans toutes les églises, un seul slogan unissait familles, voisins et amis: " Ô Croix, je t’offre mon sang et mon âme».

Dans un commentaire sur l’attentat, le Père Rafic Greiche, chef du bureau de presse de l’Eglise catholique d’Egypte, a dénoncé un plan prémédité qui voudrait vider le Moyen-Orient de ses chrétiens. «Ils sont convaincus que par ces moyens ils vont purifier l’Egypte et le Moyen-Orient de la présence chrétienne».

Deux jours avant, plusieurs ambassades étrangères et représentations diplomatiques avaient publié des avertissements sérieux indiquant la possibilité d’attentats contre des chrétiens en Egypte, et demandant à leurs citoyens d’éviter tout rassemblement.

De son côté, la présidence de la République a tenu une réunion d’urgence de son Conseil de la sécurité nationale pour tenter de contrer cette vague de violence contre les chrétiens et les forces de l’armée et de la police, dans une Egypte qui vit dans un Etat d’urgence depuis déjà plusieurs semaines. Le soir même, l’Egypte a lancé une attaque militaire aérienne contre un camp de combattants du prétendu Etat islamique dans la ville de Derna, au nord de la Libye. Selon une déclaration du président de la République, les camps d’entrainement visés posent un problème de sécurité pour l’Egypte.


Une montée de violence contre les coptes

Les coptes, appellation donnée aux chrétiens d’Egypte, représentent environ 10 à 12% du peuple égyptien, et constituent la plus grande communauté de chrétiens, mais aussi la plus ancienne, du Moyen-Orient. Voici une récapitulation des attentats perpétrés contre eux ces dernières années. (Chiffres de la presse égyptienne)

Date Localité Nombre de morts Nombre de blessés
26 mai 2017 Attentat avec arme automatique contre un convoi transportant des pèlerins chrétiens et des ouvriers. Ville de Maghagha (180 km au sud du Caire) 28 22
9 avril 2017 Dimanche des Rameaux. Explosion à l’église Saint-Georges. Ville de Tanta (93 km au nord-est du Caire) 30 71
9 avril 2017 Dimanche des Rameaux. Explosion à l’église Saint-Marc, siège alexandrin du Patriarcat copte-orthodoxe. Ville d’Alexandrie (220 km au nord-est du Caire) 17 35
Février-Mars 2017 Emigration forcée de centaines de familles chrétiennes de leur ville d’Al-Arich, à 250 km au nord-est du Caire, suite à des violences sanguines commises contre eux. 6 Chiffre inconnu
16 décembre 2016 Explosion à l’église Boutrossiya, adjacente au Patriarcat copte-orthodoxe. Le Caire. 29 49
31 décembre 2012 Explosion à l’église Al-Qéddisseine (Deux-Saints). Ville d’Alexandrie (220 km au nord-est du Caire) 23 79

Témoignages

Ils ont pris nos bijoux et notre argent en nous disant que c’était leur droit parce que nous étions leurs otages. Ensuite, ils nous ont demandé de proclamer la foi musulmane et nous avons refusé. C’est à ce moment qu’ils ont commencé à tirer sur nous.  Une blessée survivante à l’attentat.

Ils les ont tué avant le début de leur mois sacré du Ramadan, soit disant parce qu’il est «haram» (interdit) de le faire pendant le jeûne. Mais à un jour près, serait-il naturel de tuer? Michael Fares, journaliste égyptien.

Notre ministre de l’Intérieur court derrière les cadavres des victimes au lieu de protéger les citoyens vivants contre les attentats. William Sidhom, jésuite égyptien.

Il n’y a aucune intention réelle de combattre le terrorisme. Avec l’existence d’avis religieux émanant des cheikhs salafistes extrémistes, des partis politiques religieux, et d’un discours religieux incitant à la violence contre les chrétiens, on assistera chaque jour à une tragédie. Ossama Tharwat, jeune copte de Minya.

Ce genre d’excursion à des couvents antiques représente la seule et l’unique possibilité de divertissement pour ces enfants et ces jeunes qui viennent de finir leurs examens et qui n’ont ni club, ni centre de jeunes. Ils ne possèdent pratiquement rien. Emad Khalil, originaire de la ville d’Al-Adwa.

Avant de juger les tueurs, jugez les partisans de ces plans, les financeurs et ceux qui ne disent rien. Medhat Mokhtar, internaute musulman.

Ceux qui qualifient les coptes d’apostasie sont complices dans ce crime. Comment les laisser libres d’émettre des avis religieux qui suscitent des tueries? Où est la loi? Mounir Fakhry Abdel-Nour, ancien ministre égyptien.

(cath.ch/ll/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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