Tourisme religieux: les Romands, voyageurs fidèles

Rome, Lourdes et la Terre sainte sont les trois premières destinations des pèlerins romands, malgré les conflits au Moyen-Orient, les tensions dans le bassin méditerranéen et les risques d’attentat. Les voyagistes spécialisés dans le tourisme religieux, une niche du secteur touristique, s’en sortent bien mais avec des hauts et des bas.

«Rome, la Terre sainte, Lourdes et Medjugorje, en Bosnie-Herzégovine, ont toujours la côte. Ce sont des incontournables pour les pèlerins suisses romands», explique Alexandre Python, directeur de l’agence ad gentes à Genève. Même son de cloche du côté de Voyage PBR, une agence spécialisée dans les pèlerinages et le tourisme religieux, où Nadia Ghazri, secrétaire, donne le même classement, excepté Lourdes «qui n’a pas bien marché cette année».

La guerre qui sévit en Syrie et en Irak n’a pas découragé les pèlerins de se rendre à Jérusalem, en Israël. «Parfois, nous sommes obligés de suspendre la destination quand la situation devient trop tendue», précise Alexandre Python. A l’inverse, Voyage PBR n’a jamais interrompu ses prestations vers la Terre sainte: «Nous avons des bons agents sur place et les animateurs qui accompagnent les groupes connaissent très bien le terrain. Il est vrai que, selon les périodes, les gens téléphonent avant de réserver», indique Nadia Ghazri.

Les deux agences ont en revanche supprimé la Turquie de leur offre en raison de l’évolution politique et des attentats qui se multiplient dans le pays. L’Egypte ne fait plus partie non plus du catalogue d’ad gentes depuis l’année passée. «Nous avons organisé une semaine en Egypte en octobre… du moins jusqu’à ce jour. Nous restons bien sûr attentifs à l’évolution de la situation dans le pays», assure Nadia Ghazri pour Voyage PBR. Les risques d’attentat n’ont pas dissuadé les pèlerins de continuer à se rendre à Rome et à Lourdes.

«Des montagnes russes»

«Selon les années et les événements, il peut y avoir de très fortes variations de chiffre d’affaires: de 600’000 fr. les bonnes années à … 50’000 fr. pour les années les plus modestes», indique Alexandre Python. Les JMJ internationales, les grands événements tels que l’Année sainte de la miséricorde, les 100 ans de Fatima contribuent à de grands millésimes. Le tourisme religieux constitue environ 8% de l’activité du voyagiste. «Soyons clairs: nous ne pourrions pas tourner avec ce seul segment».

Nadia Ghazri parle de «montagnes russes» pour décrire l’activité de l’agence. Le tourisme religieux reste globalement stable. Il est à la merci de l’instabilité géopolitique de certaines régions du monde ou des crises économiques qui peuvent chambouler les plannings d’un jour à l’autre. Autre facteur qui fragilise cette niche du secteur: les générations de pèlerins vieillissent et les jeunes voyagent différemment. «Toutefois, pas mal de jeunes des JMJ se sont mariés et partent en pèlerinage à leur tour. Internet a aussi changé la donne et permet à des paroisses et à des petits groupes de s’organiser eux-mêmes», note Alexandre Python. En fait, le secteur évolue mais ne décline pas.

Les printemps arabes, qui ont débouché en 2011 sur la guerre en Syrie, et leurs conséquences n’ont eu d’impact sur l’activité des agences qu’immédiates et limitées, plombant parfois certaines années, il est vrai. Les voyagistes ont su cependant réagir et proposer d’autres destinations de pèlerinage et de tourisme religieux tout aussi appréciées des Suisses.

 

Diversifications de l’offre

En dehors des grands lieux de la foi catholique, les voyagistes offrent en effet de nombreuses autres destinations en Europe, en Russie, en Inde. Ils ont également mis dans leur catalogue la Chine, la Thaïlande et le Vietnam, entre autres destinations asiatiques. Autant de produits qui ont leur ont permis de compenser les pertes provoquées par les fluctuations du marché.

«Lisieux, Paray-le-Monial et La Salette, en France, restent des destinations très prisées des pèlerins plus âgés qui ne peuvent plus effectuer de longs et fatigants voyages», ajoute Nadia Ghazri. Des raisons budgétaires expliquent également cet engouement. Moyennant quelques centaines de francs, ces destinations restent abordables pour les petits budgets. Il faut compter jusqu’à 4000 francs pour 10 à 13 jours de voyage, déplacements compris, pour les destinations les plus exotiques.

Ad gentes a diversifié son offre avec des destinations telles que Patmos, en Grèce, Cracovie, en Pologne, avec un pèlerinage «sur les pas de Jean Paul II» ou encore à Saint-Charbel, au Liban. «Ce sont des destinations et des thèmes qui reviennent régulièrement et marchent bien ces temps-ci. Le pèlerinage n’échappe pas au phénomène des tendances», relève Alexandre Python.

«Nous avons organisé un voyage en Iran en octobre. Les inscriptions rentrent bien», se réjouit Nadia Ghazri. Suite à la levée de l’embargo en juillet 2015, le pays sort de son isolement économique et s’ouvre au tourisme. «Cette destination suscite beaucoup d’intérêt de la part de nos clients». C’est une des 40 proposées au catalogue qui s’est étoffé au fil des 45 ans d’activité que fête l’agence cette année.

Nouvelles tendances

«Des nouvelles tendances émergent chez les jeunes. Ils veulent allier le concret à la foi et n’hésitent pas à compléter leur pèlerinage en aidant les populations locales», détaille Alexandre Python. Le voyage humanitaire, par ailleurs très en vogue, touche aussi le tourisme religieux. Les jeunes aident des missionnaires, des congrégations religieuses à construire des écoles, des dispensaires dans certains pays en voie de développement. «Il n’est pas rare de voir des jeunes anticiper ou prolonger leur séjour aux JMJ par du volontariat ou des actions à but humanitaire». Ces activités restent strictement encadrées par des religieux.

Les groupes comptent de 15 à 40 personnes au maximum. Les deux voyagistes emmènent chaque année de 1800 à 2000 personnes à travers le monde, tous types de voyages confondus: pèlerinages et voyages culturels religieux, certaines offres conjuguant les deux. La Suisse, petite destination de pèlerinages est peu ou pas représentée dans l’offre de ces voyagistes. Le marché échoit à d’autres prestataires.

Les pèlerins voyagent aussi en Suisse

C’est le cas de Jack Magnenat de Buchard Voyages SA, dont l’activité principale est dédiée au voyage en car. «Le tourisme religieux représente 15% de notre activité, c’est loin d’être négligeable», explique-t-il. L’entreprise assure chaque année une centaine de voyages de pèlerins, dont environ 60 en Suisse. Destinations: les hospices du Grand-Saint-Bernard, et du Simplon, le monastère d’Einsiedeln, Lucerne. Les cars assurent essentiellement le transport de groupes de jeunes, de paroisses, et de retraités pour des déplacements d’un ou deux jours au maximum.

Les 40 autres voyages emmènent les pèlerins principalement à Rome, à Lourdes et à La Salette, en France. «Ce sont ce qu’on appelle des ‘cars secs’: nous n’assurons que le transport, les groupes organisant l’hébergement et les visites». L’entreprise est partenaire des diocèses de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) et de Sion pour les voyages vers le sanctuaire marial. «16 cars vont partir à Lourdes cet été, une prestation que nous pouvons assurer sans problème avec une flotte de 28 véhicules qui nous permet d’effectuer d’autres prestations en parallèle».

Le transporteur propose également des offres d’une semaine, tout compris, vers ces destinations et réalise une vingtaine de voyages supplémentaires. Avec une moyenne de 50 personnes par car, l’autocariste transporte ainsi 6’000 pèlerins chaque année. «L’année dernière a été exceptionnelle avec le pèlerinage de la Miséricorde organisé par les diocèse romands au mois d’octobre». (cath.ch/bh)


300 à 330 millions de Pèlerins par an

En 2014, d’après les estimations de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT,) de 300 à 330 millions de touristes ont visité chaque année les principaux sites religieux à travers le monde.

En 2016, 500 millions de pèlerins ont voyagé dans le monde, dont 90 à 100 millions étaient chrétiens. Les 80% restants se partageaient entre l’islam, le bouddhisme et l’hindouisme. Le site de pèlerinage le plus fréquenté est La Mecque qui accueille 35 millions de pèlerins chaque année. (bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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