Ramadan: un collectif tunisien revendique le droit de ne pas jeûner

Une cinquantaine de manifestants ont répondu dimanche 11 juin 2017 à l’appel du collectif #MouchBessif [#sans contrainte, ndlr]. Réunis devant le ministère du Tourisme de Tunis, ils ont revendiqué leur droit de ne pas jeûner en public pendant le mois de ramadan.

Le collectif a été fondé suite à l’arrestation à Bizerte (nord), le 1er juin dernier, de quatre jeunes qui ne respectaient pas le jeûne du ramadan. En réaction, le mouvement citoyen, créé sur Facebook, a lancé un appel pour que la liberté de conscience, inscrite dans la nouvelle Constitution, soit respectée.

«J’ai l’impression d’un changement assez notable, celui de la contestation généralisée au Maghreb, d’une façon explicitement juridique, au nom des libertés fondamentales garanties par les nouvelles Constitutions», affirme Loïc Le Pape, au sujet des non-jeûneurs. Spécialiste de la Gestion publique du religieux et maître de conférence à l’Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne, il estime que «le Mouvement alternatif pour les libertés individuelles (MALI), né sur les réseaux sociaux, (…) a mis le feu aux poudres» en organisant un «dé-jeûner en septembre 2009 dans la forêt de Mohammedia, une ville située entre Rabat et Casablanca».

Pression sociale de plus en plus forte

En Tunisie, les militants en appellent à la Constitution adoptée en janvier 2014 par l’Assemblée constituante, qui garantit la liberté de conscience, et à l’absence de législation spécifique sur le respect du jeûne. Juridiquement, «rien n’oblige un musulman à jeûner lors du mois de ramadan», explique Loïc Le Pape. Ne pouvant s’appuyer sur la Constitution, le juge qui a condamné les quatre jeunes Bizertins a ainsi invoqué un article du code pénal qui sanctionne l’atteinte «aux bonnes mœurs ou à la morale publique».

«On voit (…) depuis des années une pression sociale de plus en plus forte sur les non-jeûneurs, la fermeture des cafés et restaurants dans la journée et des pressions sur ceux qui restent ouverts», poursuit Loïc Le Pape. S’il est plus facile de ne pas jeûner en Tunisie que dans la plupart des pays arabes, manger ou boire en public pendant le ramadan reste mal vu. La quasi-totalité des cafés et restaurants restent fermés tout au long du mois. Les magasins et les bars ont l’interdiction de vendre de l’alcool.

Malgré la pression sociale, les non-croyants, ou ceux qui ne peuvent pas jeûner, cherchent malgré tout où ils peuvent manger ou prendre un café dans la journée. Tout s’organise via les réseaux sociaux. Parmi les initiatives développées en ce sens, le groupe Facebook, «Fater» [ceux qui ne jeûnent pas, ndlr]. Les membres y partagent leurs adresses de cafés et de restaurants qui servent à manger et à boire avant la rupture du jeûne. (cath.ch/pp)

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/ramadan-collectif-tunisien-revendique-droit-de-ne-jeuner/