APIC-Reportage (100388)
dernier au Vietnam, il nous en a rapporté 4 reportages sur la réalité vietnamienne et les relations entre l’Eglise et le gouvernement communiste. Le
Père Albert Longchamp est rédacteur en chef de « l’Echo illustré », hebdomadaire catholique romand, et collaborateur régulier de « Témoignage
chrétien ».
Vietnam: le tournant décisif
APIC/Albert Longchamp
Ho Chi Minh-Ville, 9mars(APIC) Depuis la fin de décembre 1986, date du
VIe Congrès du Parti Communiste, le Vietnam amorce une véritable « révolution culturelle ». Par nécessité: tous les clignotants indiquent que le
Vietnam risque le pire s’il ne bouge pas. En économie, les investissements
étrangers sont facilités. En politique, une certaine critique est possible
et les Vietnamiens, par la presse en particulier, ne s’en privent pas.
Quant aux relations entre l’Eglise catholique et l’Etat, malgré de grosses
zones d’ombre, elles manifestent une certaine détente. En janvier 1988, en
compagnie de deux jounalistes représentant des hebdomadaires catholiques,
j’ai pu, librement, sans accompagnement « obligatoire », prendre la température d’un pays qui ne s’est pas encore relevé d’une longue guerre, mais
cherche, aujourd’hui, à travers des mesures de libéralisation, à gagner le
pari de la paix et à retrouver la prospérité.
Pour un Européen, l’arrivée à Ho Chi Minh-Ville – le nouveau nom de Saïgon depuis la prise de la ville par les communistes le 30 avril 1975 – est
une expérience … éprouvante! Une voiture grinçante nous conduit de
l’aéroport vers le centre au plus grand mépris des feux rouges, qui ne
fonctionnent pas, et de la priorité à droite, qui est de règle mais semble
ignorée. Cela dans l’invraisemblable trafic de pousse-pousse, bicyclettes,
cyclomoteurs, camions, piétons et gamins qui affluent de chaque direction.
Dong ou dollars?
Ho Chi Minh-Ville n’a rien d’une ville morte. Si l’ensemble de l’habitat
est « fatigué », l’animation est rieuse. Dans les rues à l’ombre des arbres
plantés par les Français. les petits marchands sont légion. Parmi eux se
glissent, signe évident d’un pays en crise économique, les changeurs qui
proposent les dong (monnaie vietnamienne) contre les dollars à un taux
supérieur au prix légal. Si le change officiel s’élève aux environs de 500
dong pour 1 dollar, le marché noir offre de 1000 à 1500 dong pour le même
dollar.
Cette recherche effrénée du dollar tient à une particularité singulière
de l’économie vietnamienne. Il est plus facile d’acheter un cyclomoteur le plus recherché des moyens de transport dans ce pays ou la voiture privée
est totalement inacessible au commun des mortels – avec des dollars qu’avec
la monnaie locale. Un cyclomoteur Honda (japonais) neuf vaut 1.800.000
dong! Un coût effroyable si l’on songe que le salaire mensuel oscille entre
5000 et 7000 dong. En dollars, le même produit coûte 3000 dollars, le gain
est évident. Cette différence explique aussi pourquoi la plupart des familles sont tentées d’ »exiler » au moins un de leurs membres.
L’importation de devises et de marchandises étrangères étant non seulement autorisée mais favorisée, elle constitue une source de revenus non
négligeables pour les gens de l’intérieur. C’est ainsi que l’équivalent de
300 millions de dollars transitent par les soutes du Boeing d’Air France
qui atterrit deux fois par semaine à Ho Chi Minh-Ville. L’arrivée de cet
avion, qui est aussi le seul cordon ombilical reliant le Vietnam à l’Europe, est chaque fois un événement dans la ville.
La trop petite cathédrale
Une fois jeté un premier regard sur l’ancienne capitale du Sud-Vietnam,
l’attention du visiteur est attirée en arrivant dans le centre ville, par
le haut édifice en briques rouges de la cathédrale. Je pose aussitôt à mes
hôtes la question qui me brûle les lèvres: « Cette cathédrale, est-elle ouverte? »
Non seulement elle est ouverte, mais la messe est célébrée chaque jour
dès cinq heures du matin. Le dimanche, l’assemblée occupe jusqu’à la dernière place. J’apprendrai que la pratique dominicale, au Vietnam, est comparable à la Pologne ou à l’Irlande. Les églises sont combles à chaque messe. Pour l’heure cependant, ma visite à la communauté catholique commence
au siège de l’hebdomadaire « Công Giao va Dân Tôc », « Les catholiques et la
Nation ».
La fondation du journal remonte au 10 juillet 1975, soit quelques semaines après la chute de Saïgon – on dit ici: la Libération. Saïgon comptait
alors un demi-million de catholiques, chiffre resté stable jusqu’à aujourd’hui. A cette époque, publier un hebdomadaire catholique représentait
une initiative doublement périlleuse. L’Eglise était considérée comme un
corps étranger arrivée avec les « colonialistes » français. Et, pour les
catholiques, dont une importante fraction était formée de réfugiés du Nord
depuis 1954, un journal à étiquette « catholique » ne pouvait qu’être publié
par des agents du communisme. Beaucoup de croyants boudèrent ainsi le journal fondé par les Pères Truong Ba Can, ancien aumônier national de la JOC,
Huynh Cong Minh, ancien aumônier de la JEC, Phan Khac Tu et Vuong Dinh
Bich.
Journaliste, curé et homme politique!
La méfiance s’est maintenant estompée. Parmi les fondateurs du journal,
le Père Minh est aujourd’hui curé de la cathédrale et vice-supérieur du
Grand Séminaire. Le Père Tu est curé de l’une des plus grandes paroisses de
Ho Chi Minh-Ville, charge qu’il cumule avec celle de … député à l’Assemblée nationale et à l’Assemblée de la ville. Ces postes « politiques »,
qui permettent une certaine représentation des croyants dans la société
vietnamienne, ne semblent pas poser de problème majeur aux paroissiens du
Père Tu. J’ai pu m’en rendre compte en concélébrant la messe, le 17 janvier, dans sa paroisse. Placée sous le patronage de Bienheureux Martyrs,
celle-ci compte 7000 fidèles.
Signe de détente, je fus présenté à l’assemblée sans mystère: à la fois
comme prêtre suisse, comme journaliste et comme jésuite. Or cette « carte
d’identité » aurait pu constituer bien des handicaps si l’on sait que, d’une
part, la Suisse n’entretient pas de relations diplomatiques avec le Vietnam
et que, d’autre part, le supérieur provincial des jésuites était en prison
au moment de ma visite!
Pour cette célébration, la sixième du jour, l’assistance de 1500 personnes ne trouvait pas place dans l’édifice moderne, construit en 1983, qui a
remplacé une chapelle édifiée en 1950. La foule débordait jusque dans la
rue. Une chorale de jeunes, avec instruments, animait la liturgie célébrée
en parfaite confirmité avec les réformes liturgiques de Vatican II. Le curé
me signalera que la chorale change à chaque messe. La ferveur des croyants
est assez grande pour que l’on puisse trouver assez de groupes pour l’animation du chant.
Une paroisse-pilote
Les paroissiens sont répartis en 10 quartiers dirigés chacun par un
sous-comité paroissial présidé par un laïc. C’est un laïc également qui
préside le conseil de paroisse, assemblée des délégués des 10 quartiers, ou
siègent 66 personnes.
Je participais à la messe de 19h 15, la dernière de chaque dimanche. Les
autre célébrations ont lieu le matin dès 5 heures. Plus de 1000 personnes
assistent à chaque liturgie. Donc: plus de 100 0/0 de pratique dominicale.
Je fais part de mon léger soupçon: « Nous sommes un peu une paroisse-pilote,
concède le Père Phan Khac Tu, des gens viennent se joindre à nous. Mais
c’est vrai que la pratique religieuse est intense. Elle est même en augmentation depuis 1975″.
Dans la paroisse, un groupe de jeunes se réunit aussi chaque mercredi
pour un partage d’Evangile. La catéchèse des enfants se tient quant à elle
le dimanche matin, après la messe de 8 heures. Elle prépare les enfants
pendant deux ans à la première communion, et autant pour l’accès à la confirmation. Une trentaine de mariages sont célébrés chaque année, de même
qu’une cinquantaine de baptêmes d’adultes.
(à suivre)
Des photos de ce reportage sont disponibles à l’Echo illustré, 3A, rue du
Vieux-Billard, 1211 Genève 11.
Les religions au Vietnam
La population du Vietnam est d’environ 61 millions d’habitants.
Les Bouddhistes sont 10 millions de fidèles. Environ 5000 pagodes. Leurs
principaux centres sont: Haïphong, Ho Chi Minh-Ville, Hanoï et Hué.
Les Catholiques sont 6 millions, répartis dans 25 diocèses avec 39
évêques et évêques auxiliaires. L’Eglise compte par ailleurs 2200 prêtres,
8000 religieux et religieuses; 36.000 laïcs sont engagés dans les conseils
de paroisses. Le diocèse de Hanoï compte 300.000 fidèles et celui d’Ho Chi
Minh-Ville, 500.000 fidèles.
Les Protestants sont environ 160.000 fidèles. L’Islam a 16.000 membres.
Le Caodaïsme, mouvement né vers 1925 est un mélange de catholicisme et de
confusianisme, il est divisé en 15 sectes officielles. Il regroupe 1,5 millions d’adeptes.
Beaucoup de Vietnamiens, sans adhérer formellement à un culte ou à une
religion, partagent une conviction religieuse adhérent tout au moins au
culte des ancêtres. Selon le président de la Commission des Cultes à Hanoï,
90% des Vietnamiens « ont une foi religieuse ». (apic/al/bd)
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