Cardinal Schönborn: «Le renouveau de la prière, c'est le renouveau de l'Eglise»

«L’Esprit Saint est le principe vital de l’Eglise», rappelle le cardinal Christoph Schönborn. L’archevêque de Vienne a participé, du 19 au 21 juin à Fribourg, au symposium «Viens Esprit Saint!», qui a réunit des chrétiens de toutes obédiences.

Quelque 600 personnes ont pris part à la quatrième édition des Journées d’études pour le renouveau théologique et sociétal. Au cours de cette rencontre internationale, de nombreux orateurs de renom ont exprimé leurs points de vue sur le renouveau de l’Esprit Saint dans la chrétienté, dont le cardinal Schönborn et le primat de l’Eglise anglicane Justin Welby. Cath.ch a recueilli à cette occasion, les impressions et réflexions du prélat autrichien dominicain.

Vous avez enseigné la théologie dogmatique à l’Université de Fribourg. Qu’est-ce que cela vous fait de revenir en ces lieux?
Je n’étais pas revenu à Fribourg depuis 26 ans. Cela me touche beaucoup de retrouver cette chère ville. J’ai retrouvé la communauté de l’Albertinum, où je résidais, la Faculté de théologie et les bâtiments de Miséricorde. J’ai pu honorer la mémoire de certains collègues, qui ont rejoint aujourd’hui la vie éternelle. Il y a un aspect nostalgique dans ce retour à Fribourg. Mais j’ai eu en même temps la joie de retrouver une Université très vivante, une jeunesse elle aussi remarquablement vivante et un œcuménisme florissant.

Lors de ce symposium, les discussions ont porté sur le renouveau de l’Esprit Saint dans la chrétienté. En quoi ce renouveau est-il aujourd’hui nécessaire à l’Eglise et à la société?
Ce renouveau a toujours été une condition vitale de l’Eglise. Comme l’a dit à plusieurs reprises le pape François, elle n’est pas une ONG. La question de l’Esprit Saint n’est pas anodine, mais une question de vie ou de mort. En effet, selon saint Paul: «Nul ne peut dire ‘Jésus est Seigneur’, si ce n’est par l’Esprit Saint». Même si nous n’en sommes pas conscients, l’Esprit Saint rend la foi réelle et vivante.

«Le renouveau dans les autres confessions aide le renouveau catholique»

Ici même, à Fribourg, j’ai rencontré des personnes tellement porteuses de cet Esprit Saint que leur foi était convaincante et communicative. C’était souvent des gens très simples. L’un d’eux était celui que l’on appelait «le maître» à l’Albertinum. Il était l’homme à tout faire de la maison. La droiture, la bonté, la foi de cet homme était pour moi une preuve du fait que l’Esprit Saint est à l’œuvre dans le monde. Nous pouvons ressentir le rayonnement de ces personnes qui donnent joie, foi et courage aux autres.

Quelle est la place de l’œcuménisme dans ce processus de renouveau?
Le renouveau de l’Esprit Saint se passe de fait de manière œcuménique. Ceci est pour moi un signe même de sa présence. C’est lui qui nous pousse à réaliser le grand désir de Jésus que tous soient un. Que des pentecôtistes, des évangéliques, des orthodoxes, des anglicans, des catholiques et autres se retrouvent ici pour trois jours; qu’ils échangent, prient ensemble, c’est fondamentalement l’œuvre de l’Esprit.

Et le renouveau dans les autres confessions chrétiennes aide également le renouveau catholique. L’on vient de fêter à Rome les 50 ans du renouveau charismatique dans l’Eglise catholique. La rencontre, qui a rassemblé 100’000 personnes avait un fort aspect œcuménique. Ce renouveau dans notre Eglise doit beaucoup aux autres Eglises chrétiennes. Inversement, ces dernières apprennent beaucoup de l’Eglise catholique. C’est un échange de dons, qui sont autant de fruits de l’Esprit Saint.

Quel rôle jouent ces mouvements charismatiques dans le renouveau?
Je peux répondre en me référant à ma propre vie. La grande crise de l’après Concile (ndlr. Vatican II) a déboussolé de nombreuses personnes au sein de l’Eglise. L’esprit de prière avait été quelque peu perdu. On risque toujours de se perdre quand on s’enfonce dans l’activisme, et d’oublier la «moelle» de la vie chrétienne: la relation vivante avec le Seigneur, la prière.

La découverte du renouveau charismatique a constitué pour beaucoup d’entre nous une forme de sauvetage. Cette expérience est certainement un grand signe d’espoir pour l’Eglise.

De retour à Fribourg, je vois que beaucoup de jeunes participent à ce symposium. Ils m’impressionnent beaucoup. Qu’ils soient pentecôtistes, catholiques ou autres, ils sont unis dans un esprit de prière, d’amitié, avec au centre le Christ. L’archevêque de Cantorbéry, Justin Welby, a aussi beaucoup insisté, lors de cette rencontre, sur l’importance vitale de la prière. Le pape François, fait de même. Notamment en répétant sans cesse «priez pour moi». Donc, le renouveau de la prière, c’est le renouveau de l’Eglise tout court.


«Il faut lire Amoris laetitia avec le cœur»

Vous avez été un acteur majeur de la rédaction du Catéchisme de l’Eglise catholique et en même temps un promoteur de l’exhortation apostolique Amoris laetitia. Certains estiment que les deux textes se contredisent, notamment sur le point de l’accès à la communion pour les divorcés-remariés…

Je pense que les deux textes sont vraiment catholiques. Amoris laetitia est un enseignement du pape profondément conforme à la grande tradition de l’Eglise. Et je m’étonne que des catholiques qui se disent très fidèles au pape, mettent tout à coup en question sa fidélité à la foi catholique.

C’est un peu paradoxal. Ainsi, je recommande vivement de lire Amoris laetitia avec une ouverture de cœur et d’esprit, pour percevoir ce que le Saint-Père veut vraiment nous dire. Et ceci est tout à fait dans la ligne de saint Jean Paul II et du Catéchisme. C’est-à-dire qu’il faut user de discernement pour regarder les situations concrètes des personnes. Sans oublier les principes, ni l’enseignement général de l’Eglise, de Jésus lui-même, il faut considérer les drames, les souffrances, l’héroïsme, mais aussi les échecs des personnes en couples. Le pape François en parle avec plein d’attention et de tendresse, en les encourageant à voir les signes du Seigneur dans leur vie, même si elle est dramatique.


Medjugorje: «Personne n’est obligé d’y croire»

Vous vous êtes rendus en pèlerinage à Medjugorje. Cela avait à l’époque provoqué des réactions négatives de la part de l’évêque local. Rome s’apprête à prendre officiellement position sur le sujet. Que pensez-vous de l’authenticité des apparitions mariales et de l’intérêt pastoral du phénomène?

Il est attendu que le pape donne prochainement une position claire sur le sujet. Il a déjà délivré des indices de l’orientation que cela va prendre. Il s’est notamment montré très élogieux par rapport à ce que la commission Ruini, établie par Benoît XVI, a élaboré au sujet de Medjugorje. Mais le contenu détaillé du rapport n’est pas encore publié.

Le pape a également fait un geste fort en envoyant sur place un délégué personnel en la personne de l’évêque polonais Henryk Hoser. L’objectif était de considérer la meilleure façon de développer l’aspect pastoral de Medjugorje. Je constate que la nomination de l’évêque de Varsovie-Praga s’est faite le 11 février, la date de la fête de Notre-Dame de Lourdes. Et je sais que ce genre de coïncidences ne sont jamais fortuites avec le pape François. Il se montre certes prudent face à l’aspect de continuité des apparitions mariales en ce lieu. Cela correspond à ce que dit l’Eglise face à ce type de révélations privées: elles ne font pas partie du dépôt de la foi, et on n’est donc pas obligé d’y croire. Le pape a néanmoins parlé très clairement des «fruits de Medjugorje», notamment à propos du grand nombre de conversions qui s’y sont effectuées. Personnellement, je suis convaincu de l’intérêt pastoral de ce lieu. (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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