La Belgique mène aussi sa Campagne de Carême à l’écoute du Sud (170394)

« La terre tournera juste pour tout le monde, ou elle ne tournera pas »

Bruxelles, 17mars(APIC) En Belgique comme en Suisse ou en France par

exemple, la Campagne de Carême permet une écoute des problèmes du tiers

monde, en donnant la parole à ceux qui les vivent en tentant d’y apporter

remède. Cinq des six visiteurs invités cette année par Entraide et Fraternité pour l’animation du Carême de Partage ont évoqué ensemble à Bruxelles

les drames liés aux migrations. Loin de rester interdits devant l’ampleur

des exodes ruraux ou des camps de réfugiés, ils ont expliqué des solutions,

imaginées sur le terrain.

Au Brésil, Soeur Enir Louvet et le Père Joao Julio sont tous deux engagés dans un mouvement pour le droit au logement à Sao Paulo. La grande métropole brésilienne accuse aujourd’hui un déficit de 3 millions de logements, sur les 12 millions d’habitations qui manquent dans le pays. Mais

pourquoi les 150 millions de Brésiliens s’entassent-ils à 75% dans les villes? « A cause du capitalisme sauvage, qui exploite les personnes et provoque des exclusions sociales en cascade », répond Soeur Enir. Au Brésil, précise-t-elle, 1% de la population s’est approprié 14% de la richesse nationale, tandis que la moitié des Brésiliens n’ont accès qu’à 11% de cette richesse. Exploitation et étouffement des paysans, exode rural, bidonvilles,

scolarité inachevée des enfants, manque d’emploi: tel est le cycle infernal

que beaucoup subissent. Il est aisé de tomber dans le piège de la délinquance et de la drogue, tandis que le climat de corruption s’aggrave à

l’échelle du pays.

Le tableau est peu réjouissant, convient le Père Joao. « Nous travaillons

dans des conditions anormales, parce que les pauvres des bidonvilles de Sao

Paulo (10 millions d’habitants) avec qui nous travaillons vivent dans des

conditions anormales. Avec l’Eglise, notre première solidarité va donc vers

les exclus. Notre lutte nous tenons aussi à la relier à celle des mouvements sociaux populaires à l’échelle de la région et du pays ».

Guatemala: migrant une fois sur neuf

Depuis 1980, le Guatemala traverse une difficile période de transition

démocratique, explique Maria Victoria Garcia, animatrice d’une association

de soutien à des initiatives de développement rural. « Cette transition a

ouvert des espaces pour le débat et la revendication, mais elle n’a pas modifié les inégalités fondamentales. La violence et la répression ont provoqué, en dix ans, le déplacement interne de plus d’un million de personnes

(sur 9 millions d’habitants) et ont poussé 200’000 Guatémaltèques à chercher asile au Mexique. L’instabilité politique actuelle ne favorise pas

leur retour. Les injustices se doublent encore d’une discrimination culturelle à l’égard des Indiens. »

Le rôle d’une association comme celle qu’anime Maria Victoria Garcia est

de favoriser la participation et l’organisation des communautés locales.

Entre elles, les associations s’efforcent aussi de cultiver des liens pour

accroître le poids du mouvement populaire jusqu’au plan national. Mais la

percée de ce mouvement est lente. « Et la stagnation des négociations entre

le gouvernement et la guérilla retarde encore le retour d’un climat de liberté et de paix ».

Madagascar: l’engrenage

A Madagascar, c’est l’engrenage pour les 12 millions d’habitants. Une

terre pourtant naturellement riche et des spécificités régionales bien réparties pour produire café, vanille, girofle, sucre, riz, coton et une

grande variété de fruits. Tel est le portrait flatteur que Pierre Apollin

Rakotoasimbola brosse de Madagascar, où il est animateur de communautés de

base dans le diocèse d’Antsirabe.

« Pourquoi le peuple malgache est-il alors si pauvre? enchaîne-t-il.

C’est inexplicable! Il est pris dans un cercle vicieux de la pauvreté, dont

les causes sont enchevêtrées. Les paysans sont à la merci des grands collecteurs de récoltes, victimes du brigandage organisé et ne peuvent produire davantage, faute d’un réseau routier pour commercialiser leurs produits.

Ils sont maintenus dans la dépendance et la pauvreté. L’impact est fatal

sur l’éducation des enfants, la santé et l’ouverture aux autres, car l’insécurité favorise le chacun pour soi. L’absence d’infrastructure ne permet

pas un développement du pays. L’Etat s’appauvrit et devient une proie facile pour la corruption. La misère des paysans, déclenche l’exode rural et le

repli sur soi. Le cercle vicieux est bouclé. »

Comment sortir de cette spirale génératrice de migrations? Le diocèse

d’Antsirabe, grand comme la Belgique, a misé sur le dynamisme des communautés ecclésiales de base afin de brancher un maximum de forces vives dans le

combat pour le développement. Alors, on décide ensemble des actions possibles: échange de main d’oeuvre, champ communautaire pour financer un projet

(barrage, route, école, centre de formation villageoise, pharmacie communautaire), coopérative, grenier communautaire, artisanat, aménagement de

sources, et même troupe artistique ou sportive, sans oublier la promotion

féminine et l’éducation à la santé. »

L’Inde au-delà des clichés

Venu de Pondicherry, où il est responsable d’un groupe de soutien aux

associations rurales du sud de l’Inde, Augustin Brutus met d’abord en

pièces quelques clichés. L’Inde, un pays de castes, de gens résignés devant

la pauvreté, d’inégalités criantes? « Et chez vous ? », s’enquiert ce

visiteur du Sud. Son pays, indépendant depuis 1947, est une grande

démocratie, dont le pluralisme peut se vérifier dans la liberté de la

presse, des élections et d’une recherche scientifique au 9e rang mondial.

« L’Inde recèle d’énormes richesses économiques et culturelles, ajoute-t-il.

Mais il y a d’énormes disparités. Pourquoi? D’un socialisme à l’indienne,

on est passé à un libéralisme accru et multinational. L’économie a pris le

pas sur le reste. L’Inde a largement de quoi nourrir sa population, mais un

village sur trois n’a pas de route, un riche consomme douze fois plus qu’un

pauvre et les deux tiers des foyers ne se partagent qu’un quart du revenu

national! »

Heureusement, et là encore A. Brutus fait tomber des clichés, « il y a un

foisonnement d’initiatives mises en place par les populations locales, jusque dans les villages les plus reculés. Elles émanent aussi bien de l’instituteur que de la femme paysanne ou d’un club d’enfants. Elles sont souvent riches de valeurs qu’on a perdues ailleurs. Les organisations non gouvernementales sont là pour les appuyer et les relier. Elles leur apportent

beaucoup pour l’information, le travail juridique et la collaboration avec

l’extérieur. Mais elles ne créent rien. »

« Si vous voulez venir nous aider, disait une Indienne analphabète, vous

pouvez rester chez vous. Si vous croyez que votre libération est liée à la

mienne, alors travaillons ensemble. » Et Augustin Brutus de conclure: « La

terre tournera juste pour tout le monde, où elle ne tournera pas. »

(apic/cip/pr)

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