Les animaux de Sankt-Urban: des moutons aux coquilles Saint-Jacques

Des animaux vivants aux différentes espèces représentées dans l’église baroque de Sankt-Urban: le diacre lucernois Sepp Hollinger prend soin de deux catégories de bêtes. Point commun: elles ont toutes un lien avec la Bible. Tour d’horizon dans cet ancien couvent cistercien, dans le cadre de la série d’été «Animaux et religions».

Le diacre est responsable de la paroisse de Sankt-Urban, aux confins des cantons de Berne, d’Argovie et de Lucerne. Il se souvient: «Lorsque je suis arrivé, on venait juste d’introduire l’élevage de moutons. La dernière exploitation agricole de la commune venait juste de disparaître». Il n’y avait donc plus de bétail.

Pourtant les moines cisterciens du couvent Sankt-Urban avaient toujours eu des bêtes: des moutons et des chevaux. Mais pas de vaches. «Elles ne sont arrivées que plus tard dans notre culture», explique Sepp Hollinger. Il a toujours eu des animaux dans sa famille, notamment des cochons d’Inde et des lapins. Il s’est donc inscrit dans ce mouvement. En effet, Sankt-Urban qui a transformé le couvent en clinique psychiatrique et en EMS avait décidé d’élever des animaux «car ils font du bien aux humains».

Le diacre a choisi l’élevage de moutons. Aujourd’hui, ils paissent sur les prés du couvent.

L’histoire des ovins remonte à des temps lointains. Elle commence avec Jacob, dans le livre de la Genèse lorsque le patriarche biblique demande Rachel en mariage. Jacob exerce le métier de berger auprès de Laban, pour obtenir la main de ses deux filles, Léa et Rachel (Gen. 29, 9-30).

Manipulation génétique dans la Genèse

Sepp Hollinger indique avec un large sourire: «L’immunologue et prix Nobel Rolf Martin Zinkernagel, de Bâle, disait qu’à l’époque s’est passée la première manipulation génétique». Dans la Bible, on dit que Jacob a pris des baguettes de peuplier, d’amandier et de platane (Gen. 30, 37-43) pour influer sur l’accouplement des troupeaux. Le mouton de race Jacob en est issu. Il s’agit d’une bête robuste, sobre, au poil long et tacheté avec des cornes bien balancées. C’est ce type d’animaux qu’a choisi Sepp Hollinger.

A Huttwil, dans le canton de Berne, existe une ferme Pro specie rara qui élève tous les types d’animaux laineux: le lama, le chameau, le cochon laineux et bien d’autres. C’est là que le diacre a trouvé ce qu’il cherchait. Il acheta deux moutons et aujourd’hui, il a un petit troupeau qu’il fait paître dans l’enceinte du couvent et en dehors.

La qualité de sa laine rend le mouton Jacob intéressant pour la production textile. Pour la viande, il est moins utile car il lui faut deux fois plus de temps que pour un mouton à viande suisse avant d’être consommable, indique le diacre. Sa viande a pourtant peu de graisse. C’est pourquoi elle n’a pas le même goût que celle du mouton local. Cet animal sobre a été embarqué comme réserve de viande pour les voyages en mer. C’est ainsi qu’il est arrivé en Angleterre. Il y a été conservé comme «mouton majestueux» dans les réserves de chasse. Il peut avoir jusqu’à six cornes.

L’âne gardien du troupeau

Comme compagnon des ovins, Sepp Hollinger a choisi un animal biblique primitif: l’âne. Il en a deux. Il s’est débarrassé du mâle. Aujourd’hui il garde les moutons. Sepp Hollinger est satisfait de ses animaux. L’âne, bête de somme pour les humains, possède une autre qualité: il est aussi un gardien de troupeaux. L’âne de Sankt-Urban est aujourd’hui au service du projet «L’âne contre le loup».

Un âne court vite et peut en même temps frapper avec ses sabots, précise Sepp Hollinger. Les loups et les chiens n’ont aucune chance face à lui. Et sa peau est élastique, si bien qu’un prédateur ne peut pas y planter ses crocs, «sauf à la gorge». Les ânes de Sepp paissent également sur les prés du couvent, lorsqu’ils ne sont pas requis pour un service à la Saint-Nicolas, à Noël ou au dimanche des Rameaux.

Choucas et chat

Sank-Urban a-t-il encore d’autres animaux à réminiscence biblique? Sepp Hollinger signale qu’à l’église du couvent, il existe un problème récurrent de traduction biblique: il concerne les choucas. Les traducteurs de la Bible ont toujours eu des difficultés avec ce terme, car l’animal est désigné, entre autres, sous les termes de pélican, de caméléon, d’oie ou de butor. Or 80 choucas «polluants» vivent actuellement au couvent Sankt-Urban, ce qui déplaît au sacristain qui doit nettoyer leurs déjections.

Et les chats dans l’enceinte du couvent? Le diacre réfléchit. Dans la Bible, les chats n’ont pas un rôle très positif, explique-t-il. Chez le prophète Isaïe, le chat vit dans l’entourage des démons.

Le chien sur le chemin de croix

Les chiens par contre s’en tirent mieux. Tobie est accompagné sur son chemin par l’archange Raphael et un chien (Tobie 6, 1). Le chien apparaît aussi dans l’histoire de Lazare, lorsque des chiens viennent lécher ses plaies (Luc 16, 21). Dans l’évangile selon saint Matthieu, une Cananéenne demande à Jésus de guérir sa fille, qui refuse car elle n’est pas juive. Mais après sa remarque sur les petits chiens qui mangent les miettes tombés de la table de leurs maîtres, Jésus accède à sa demande (Mat. 15, 22-28).

Sepp Hollinger invite à une visite de l’église du couvent, qui comporte des stalles de chœur magnifiquement sculptées. Et là une scène surprenante: sur son chemin de croix, Jésus est accompagné par un chien, sculpté dans le bois.

Les animaux ont des fonctions différentes dans la Bible. La colombe, le symbole de l’Esprit-Saint, est consommée au Moyen Orient. Dans l’église de Sankt-Urban, elle apparaît à côté des animaux qui peuplent aussi les autres églises, comme le lion ou l’aigle.

Coquilles et perles

A Sankt-Urban, se trouve également un animal inattendu dans une église: la coquille Saint-Jacques. Elle figure 96 fois dans l’église, précise le diacre. Ce mollusque est un symbole primitif de la chrétienté. Et c’est avec cette coquille fixée sur le sac à dos que les pèlerins marchent vers St-Jacques de Compostelle.

Quant aux perles, elles figurent dans la Bible à différents endroits. A Sankt-Urban, les perles se trouvent par exemple sur l’extrémité supérieure des colonnes. Elles sont ainsi mises en valeur, considérées comme la partie la plus précieuse de l’huître, et en résonnance avec d’autres biens précieux, les douze portes de la nouvelle Jérusalem qu’annonce Jésus.

Dans les églises baroques, comme celle de Sankt-Urban, la perle prend une signification importante sur le thème «Tu dois vivre ainsi, pour devenir une perle», remarque Sepp Hollinger. Et il se tourne à nouveau, admiratif, vers les animaux que présente l’église, sur l’autel, les stalles et les parties architecturales de l’édifice. Puis il sort de l’église. Car l’âne doit changer de pacage ce jour même. (cath.ch/kath/gs/rz)

Raphaël Zbinden

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