Des animaux et des évangélistes

Trois des quatre évangélistes ont un animal pour symbole. Il s’agit de créatures impressionnantes et fortes: le lion, le taureau et l’aigle. Ces références leur ont été associées bien après la rédaction des plus importants textes bibliques du christianisme. Mais le choix de ces symboles animaliers forts permet d’accéder aux récits d’une manière particulière, explique l’auteur et théologien Josef Imbach, dans le cadre de la série d’été «Animaux et religions».

Aujourd’hui, il est devenu difficile de rencontrer l’aigle ou le lion. Ce sont des animaux protégés. Qui veut les voir dans la nature doit s’armer de patience. Et même les taureaux possédant encore des cornes sont de plus en plus difficiles à voir dans nos campagnes. Il en allait sûrement autrement en Palestine, du temps de Jésus, et à l’époque où les Evangiles ont été écrits, des décennies plus tard. Le taureau faisait partie du paysage, comme le bœuf et l’âne, que l’on retrouve dans le récit de Noël. Il n’est donc pas surprenant que les animaux jouent un rôle si important dans les paraboles de Jésus ou les autres histoires bibliques. Le taureau, qui symbolise l’évangéliste Luc, représente ainsi, par exemple, le lien de l’auteur avec le peuple.

Chaque animal représente une vertu

«Les symboles n’ont été attribués de façon définitive aux évangélistes que par le théologien Irénée de Lyon, mort en 202», note Josef Imbach. «Ces animaux représentaient dans la Bible des vertus particulières». On les retrouve notamment, dans l’Ancien Testament, dans le Livre d’Ezéchiel.

Il n’est pas surprenant que le taureau y symbolise la force. L’aigle et le lion étaient, eux, des animaux sauvages. Les vertus qui leur sont associées sont aussi significatives. Le lion, avec son courage, représente le plus ancien des Evangiles, celui de Marc, probablement écrit dans les années 70 de notre ère. Les chrétiens, alors persécutés, avaient bien besoin de ce courage, souligne Josef Imbach.

Prendre de la hauteur avec Jean

L’aigle et sa majesté correspondent très bien à l’Evangile de Jean, celui qui est linguistiquement le plus varié: le vol de l’aigle, si haut dans le ciel, est aussi fascinant qu’il est difficile à appréhender. Le prologue de cet Evangile se situe, sur le plan linguistique, «à hauteur d’aigle», relève Josef Imbach. Il y est dit entre autres: «Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu, et le Verbe était Dieu» (Jean,1 ,1) Avec une telle phrase, on ne peut que regarder vers le ciel…

Plus tard, on a tenté d’attribuer les symboles des Evangiles selon leur début. «ll ne faut pas surinterpréter cette démarche», note le théologien avec un sourire. Si cela convient bien dans le cas de Jean, avec Dieu et le Verbe associés à l’aigle, cela ne marche pas partout. Dans l’Evangile de Marc, qui commence avec Jean-Baptiste, «la voix qui crie dans le désert», le lion semble au premier abord bien convenir. Or, aujourd’hui, nous savons que le «roi des animaux» vit plutôt dans la savane et pas du tout dans le désert. De même, le taureau de Luc est décrit, selon cette théorie, comme un animal destiné au sacrifice. Mais Luc parle d’une offrande d’encens et pas d’un sacrifice animalier -»Toute la multitude du peuple était en prière au-dehors à l’heure de l’offrande de l’encens» (Luc, 1 ,10).

Enjeux de propagande

Le fait d’affecter des animaux aux grands témoins de la foi se retrouve en outre dans toute l’histoire de l’Eglise. On peut citer saint Gall et son ours ou encore saint François et ses oiseaux.

Alors qu’avec les évangélistes, ce sont les vertus des animaux qui sont mises en avant, on trouve très souvent aux côtés des saints des animaux destinés à clarifier le rôle joué par ces personnes à leur époque. L’imagerie élaborée dans ces cas-là relève aussi d’enjeux de pouvoir et de propagande, note Josef Imbach.

Dans le monde actuel, notre relation avec les animaux est complètement différente. La forte présence des animaux dans les écrits sacrés s’explique par le mode de vie nomadique et plus tard agricole de nombreuses figures bibliques. L’image de l’animal est encore utilisée dans le langage courant, mais plutôt avec des connotations négatives, comme quant on parle d’âne ou de cochon. Il y a aussi cependant toute une imagerie positive, que l’on retrouve dans des expressions telles que «travailler comme une abeille» ou «être fort comme un cheval».

Quoiqu’il en soit, Josef Imbach est persuadé que les animaux, avec leurs vertus et leurs forces, ont constitué jusqu’à aujourd’hui une bonne voie d’accès à la Bible et aux autre textes sacrés. (cath.ch/kath/ms/rz)

Raphaël Zbinden

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