Notre-Dame de la Route n'a pas perdu son chemin

Non, Notre-Dame de la Route n’est pas devenue un centre «New Age». L’institution jésuite de Villars-sur-Glâne (FR) continue de proposer des retraites, conférences et autres activités sur la même base de spiritualité catholique ouverte qu’auparavant, explique Jean-Blaise Fellay, le responsable des programmes.

«Nous ne nous sommes pas du tout éloignés de la foi catholique, contrairement à ce que certains ont cru percevoir», assure le jésuite en cheminant entre les pierres levées du labyrinthe. La structure trace un large cercle dans les jardins de Notre-Dame de la Route.

La vue est superbe depuis la colline des environs de Fribourg sur laquelle le complexe s’érige depuis près de 60 ans. Le temps ensoleillé permet d’admirer les Préalpes bleutées et même au loin le Mont Blanc. En contrebas des bâtiments blancs et longilignes, le potager, le verger et les jardins, avec l’emblématique labyrinthe, donnent au lieu une profonde impression de sérénité.

Nuits de Chine

Pourtant, au détour des allées, des couloirs de la maison et du restaurant, on ne croise que très peu de personnes. Un manque de fréquentation qui désole Jean-Blaise Fellay. «Il est dommage que cet endroit unique, avec son charisme si particulier, attire si peu de monde». D’autant plus que l’endroit vient d’être rénové, dans un style à la fois chaleureux et dépouillé, dont le jésuite est très satisfait. Les chambres d’accueil sont arrangées et décorées selon le feng shui, un art millénaire d’origine chinoise qui a pour but d’harmoniser l’énergie environnementale.

Erreurs de communication?

Une orientation donnée par le Centre d’intégration socio-professionnel de Fribourg (CIS), qui a repris l’exploitation du domaine de Notre-Dame de la Route à la fin 2016. Si Jean-Blaise Fellay salue cette nouvelle approche inspirée des religions orientales comme un moyen supplémentaire de trouver la «paix intérieure», il regrette cependant qu’elle ne soit pas mieux exploitée. Il considère en général que le CIS devrait proposer plus de manifestations et mieux mettre en valeur le site, en offrant un lieu de ressourcement, de formation et d’approfondissement humain et spirituel.

Un document promotionnel avait notamment été envoyé à la fin des travaux de rénovation, qui mettait en avant le concept feng shui de l’établissement, mais passait sous silence le programme proposé par les jésuites.

Zen attitude et sens de la tradition

Car parallèlement aux activités de service et de réintégration du CIS, les membres de la Compagnie de Jésus continuent d’offrir des retraites spirituelles, des conférences ou des séances de méditation. «Le document promotionnel a pu être mal perçu par notre clientèle catholique habituelle», souligne Jean-Blaise Fellay. Certains ont pensé que le contenu jésuite de Notre-Dame de la Route avait été évacué et que nous étions devenus des «New Age» ou des adeptes de religions orientales. «Même si nous n’excluons pas d’autres méthodes, notre message reste celui des Exercices Spirituels de saint Ignace, avec son fondement évangélique et sa forte insertion ecclésiale.»

«Le CIS et les jésuites  partagent un même idéal d’aide sociale»

Le programme 2017-2018 propose ainsi, outre les Exercices spirituels de saint Ignace, des cours bibliques et d’histoire de l’Eglise, une formation psychologique d’inspiration chrétienne, des méditations à partir de l’art sacré, du zen chrétien et une initiation à la méditation de pleine conscience selon la tradition de la via integralis.

Peur du religieux?

Le jésuite estime que le manque de fréquentation actuel de Notre-Dame de la Route vient en partie de ces erreurs de communication. «Il ne s’agit pas d’une incompétence de la part du CIS, avec lequel nous entretenons au demeurant de bons contacts, mais peut-être d’un manque d’habitude du domaine religieux». Il souligne également que les deux institutions partagent un même idéal d’aide sociale et de reconstruction de la personne humaine. Mais, en tant qu’organe dépendant de l’Etat, le CIS aurait tendance à appliquer, selon le jésuite, une conception restreinte de la laïcité. Il regrette ainsi que, lors des travaux de rénovation, des symboles religieux aient été retirés. «On ressent une certaine peur du religieux, un domaine qui constitue un des plus grands tabous de notre époque, alors que la faim spirituelle est un plus sérieux problèmes de notre temps». Ainsi, les personnes qui viennent pour cet dimension religieuse trouvent parfois l’endroit «trop pauvre» en la matière.

Jean-Blaise Fellay note aussi que les prix ont augmenté suite aux rénovations. L’offre de logement est devenue ainsi un peu moins accessible, notamment pour les religieux ou les jeunes.

Le jésuite ne cache pas que le manque actuel de fréquentation du centre cause des problèmes aux jésuites, également sur le plan financier.

Vers un ajustement mutuel

Contacté par cath.ch, Laurent Houmard, président du CIS, confirme que la fréquentation du lieu pourrait être meilleure. Une des raisons est qu’il a fallu mettre aux normes le bâtiment et que cela a pris un peu plus de temps que prévu. Il reconnaît également que la nouvelle orientation pourrait être mieux mise en valeur. Il explique cependant que le CIS a eu besoin d’un temps d’adaptation pour cette entreprise de grande envergure et qu’il a fallu aussi s’adapter au nouveau partenariat avec la fondation NDR. Il se veut ainsi rassurant pour le futur. «Nous avons maintenant tous les éléments en main pour monter en puissance». Il indique que l’offre du CIS, notamment en matière de séminaires, devrait prochainement s’étoffer.

«Quand deux partenaires se mettent ensemble, il y a toujours des difficultés d’ajustement mutuel, admet-il. Mais nous allons corriger le tir ensemble».

Laurent Houmard explique que le CIS gère le domaine d’une façon entrepreneuriale, étant lui-même une entreprise sociale. Selon lui, l’adaptation au secteur religieux se réalise ainsi petit à petit, notamment à travers le dialogue avec les jésuites. " Le Domaine Notre-Dame de la Route est un lieu magnifique et unique dont nous sommes certains du potentiel. Nous saurons l’exploiter au mieux en collaboration avec les jésuites et leurs compétences acquises de très longue date», assure-t-il.

Des discussions régulières entre le CIS et les jésuites permettent de mettre ces préoccupations sur la table. Et, Jean-Blaise Fellay confirme que «les choses prennent une bonne direction». Ainsi, le prêtre d’origine valaisanne garde bon espoir que ce bel écrin de recueillement, auquel il est si attaché, vibre à nouveau d’une intense vie spirituelle. RZ


Sur la route des pèlerins

Notre-Dame de la Route a été construite en 1959 pour le noviciat de la communauté jésuite. En 1975, le Père Jean Rotzetter y a fondé une communauté, dans le but de développer la maison comme un centre spirituel.

Placé sur le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, le centre est également une étape idéale pour les personnes en pèlerinage.

Confronté à des problèmes financiers dès 2014, le domaine a recherché un repreneur enclin à conserver l’esprit et la vocation du lieu. Le Centre d’intégration socio-professionnelle de Fribourg (CIS) a ainsi repris en 2016 l’exploitation du domaine. L’institution a pour mission la réinsertion professionnelle de personnes en situation difficile dans le premier marché de l’emploi ou marquées par un handicap physique ou mental. Le parc et le service de la maison sont un lieu de formation privilégié pour des personnes en réinsertion professionnelle.

De sérieux travaux de rénovation se sont terminés fin 2016. Les jésuites demeurent propriétaires du bâtiment et continuent d’y organiser leurs activités de conférences, de formations et de retraites. (cath.ch/rz)

 

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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