A défaut de dispute, au sens médiéval du terme, ce fut un débat. Vif et animé. Une centaine de personnes avaient pris place à la cathédrale de Lausanne. Pour parler du «trumeau» vide du portail Montfaucon, l’entrée principale de l’édifice. Le trumeau, c’est la niche prévue pour une statue. Une place obstinément vide depuis… le XIXe siècle.
C’est ce vide que le médecin lausannois Jacques-André Haury, ancien député au Grand Conseil, a proposé de remplir. Son idée: y mettre une statue de la Vierge, puisque la cathédrale est dédiée à Notre-Dame. D’entrée de jeu, celui qui fut à l’origine du partage de la cathédrale avec les autres confessions chrétiennes, notamment catholique à partir de 2004, a justifié sa position: «Les Vaudois sont attachés au culte marial. Même après la Réforme, l’Annonciation, le 25 mars, était fêté dans le canton. De plus, les Eglises protestantes ont redécouvert la place de Marie». Mettre Marie à l’entrée de la cathédrale, serait pour lui le symbole de la réunion des chrétiens «de notre temps».
Pour le vicaire épiscopal du canton de Vaud, Christophe Godel, nul besoin pour les catholiques de venir rendre un culte à la cathédrale. «Nous avons une belle basilique Notre-Dame en contrebas, et cela nous suffit». De surcroît, a demandé l’abbé Godel, «Marie est-elle catholique?». Elle fait partie de l’histoire de tous les chrétiens. Donc la statue de Marie à la cathédrale ne devrait pas signifier «mettre quelque chose de catholique». Si les catholiques ne réclament pas une statue de Marie sur le portail de la cathédrale, «comme chrétien et au regard de l’histoire de Lausanne, nous trouverions cela logique», argumente-t-il.
Pour la pasteure Jocelyne Muller, la place de Marie à la cathédrale a toujours été plus modeste que celle du Christ. Et s’il fallait mettre une statue dans le trumeau du portail, il ne sera pas possible d’y mettre la statue de Notre-Dame de Lausanne, qui a toujours été «assise, couronnée et portant l’enfant Jésus».
Autre est le point de vue du pasteur Xavier Paillard, président du Synode de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV): si la Réforme est en manque d’images, le défi actuel des Eglises est celui du lien à la transcendance. Au regard des 400’000 visiteurs annuels de la cathédrale de Lausanne, le pasteur propose de laisser le vide «comme une interpellation». Ou, soit d’y mettre un IPhone ou un écran évoquant le monde actuel, soit d’y installer un miroir, pour questionner le visiteur.
«Voilà le désaccord fondamental»: La proposition de Xavier Paillard fait réagir Jacques-André Haury qui souhaite que l’espace rempli affirme, pose un élément de la foi chrétienne plutôt qu’un questionnement.
Au fur et à mesure, le débat a pris une tournure polémique, à coup d’interpellations parfois vigoureuses. Une dame a proposé de confier l’espace à la réflexion des artistes, pour créer du neuf. Pour d’autres, placer une statue de Marie permettrait de suivre la logique des constructeurs du XIXe siècle, et notamment du sculpteur Raphaël Lugeon qui avait élaboré deux modèles pour ce trumeau: une Vierge à l’enfant et une statue symbolisant l’Evangile.
De fait, la dispute du 13 septembre n’avait pas pour but de décider du sort du trumeau du portail, avait annoncé le pasteur André Joly, organisateur de la soirée. Néanmoins, la «mèche allumée» par J.A. Haury a permis de mesurer l’aspect émotionnel de l’enjeu. Par moments, le débat s’est concentré sur Marie dans le christianisme actuel et à d’autres, sur la manière de remplir un espace vide laissé, depuis plus de 100 ans, à la réflexion des suivant. «C’est bien une histoire vaudoise», a indiqué un des participants. (cath.ch/bl)
Bernard Litzler
Portail catholique suisse
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