Evangile de dimanche: les ouvriers de la dernière heure

Voici encore une parabole propre à l’évangile selon S. Matthieu.

Embauches successives (1-7)

Un homme possède une vigne (à noter l’insistance sur le possessif : sa vigne), un motif fréquent dès l’AT (Is 5) et qui revient dans plusieurs autres paraboles que raconte Jésus (les 2 fils envoyés à la vigne: 21,28-31; les vignerons homicides: 21,33-40).

Ce propriétaire embauche une première fois tôt le matin (1), se mettant d’accord avec ces collaborateurs sur le salaire (2) : un denier, une somme normale pour une journée de travail.

Il sort encore à la 3ème, 6ème et 9ème heure et trouve chaque fois des hommes inactifs qu’il envoie à sa vigne, leur promettant un juste salaire (3-5).

En fin d’après-midi il découvre encore des hommes sans travail faute d’embauche (7).

A ce stade du récit le comportement du maître commence à étonner : cela vaut-il la peine d’engager des ouvriers pour une heure de travail ?

Remise du salaire et réactions (8-12)

Le soir le propriétaire charge son intendant de payer les ouvriers (8) en commençant par les derniers. Et là surprise : les ouvriers de la 11eme heure reçoivent chacun le salaire promis aux ouvriers de la première heure (9)!

Le lecteur partage les attentes de ceux qui ont travaillé toute la journée (10): ils vont recevoir plus, or… ils sont rétribués du même denier. Leurs murmures contre le maître paraissent fondés (11), tout comme leur revendication qui laisse entendre qu’il n’y a pas de commune mesure entre l’effort d’une heure et le poids d’une journée de travail sous la chaleur ; ils s’estiment victimes d’une injustice (12).

 Réponse du propriétaire (13-15)

Il nomme « ami » celui qui l’attaque, lui rappelant simplement que le contrat de départ a été respecté et qu’il doit se contenter du denier remis.

Voilà pour l’équité. Il reste au maître la liberté de disposer de son bien comme il l’entend (14) et donc de donner le même salaire aux ouvriers de la dernière heure qu’aux premiers. Est-ce sa bonté qui éveille des sentiments contraires (cf. l’image de l’oeil) chez son interlocuteur (15) ?

Impossible de lire cette section, sans penser à la parabole du père et des deux fils (Lc 15,29-32). La miséricorde du père à l’égard du cadet dispendieux choque l’aîné qui se targue de sa fidélité, mal récompensée : « tu ne m’as jamais donné un chevreau pour festoyer avec mes amis, mais quand ton fils que voici est rentré (…), tu as tué le veau gras pour lui ».

Cette amertume étonne le père qui découvre la mentalité de comptable de son aîné et son absence d’entrailles fraternelles: « Mon enfant, toi tu es toujours avec moi et tout ce qui est à moi est à toi. Ne fallait-il pas festoyer et se réjouir… ? » (31-32).

Même incompréhension chez l’aîné et chez les ouvriers de la première heure devant la bonté du Père ou du Maître. Jésus est venu instaurer une économie nouvelle qui n’est pas celle du mérite, mais celle, divine, du don et de la gratuité.

Heureux sont ceux qui ont déjà été embauchés à la vigne du Maître: ils participent à son œuvre. Plus heureux sont-ils encore s’ils souhaitent la venue d’autres collaborateurs à cette même vigne.

Heureux seront ceux qui, à des heures diverses, avec des histoires de vies variées, viendront les rejoindre, car il n’y a pas de conditions pré-requises pour participer au chantier du Royaume. Cela relève du désir du Maître et de l’acceptation, même tardive, de l’appelé.

Marie-Christine Varone | 22 septembre 2017


Mt 20,1-15

En ce temps-là,
Jésus disait cette parabole à ses disciples :
« Le royaume des Cieux est comparable
au maître d’un domaine qui sortit dès le matin
afin d’embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d’accord avec eux sur le salaire de la journée :
un denier, c’est-à-dire une pièce d’argent,
et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures,
il en vit d’autres qui étaient là, sur la place, sans rien faire.
Et à ceux-là, il dit :
›Allez à ma vigne, vous aussi,
et je vous donnerai ce qui est juste.’
Ils y allèrent.
Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures,
et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore,
en trouva d’autres qui étaient là et leur dit :
›Pourquoi êtes-vous restés là,
toute la journée, sans rien faire ?’
Ils lui répondirent :
›Parce que personne ne nous a embauchés.’
Il leur dit :
›Allez à ma vigne, vous aussi.’

Le soir venu,
le maître de la vigne dit à son intendant :
›Appelle les ouvriers et distribue le salaire,
en commençant par les derniers
pour finir par les premiers.’
Ceux qui avaient commencé à cinq heures s’avancèrent
et reçurent chacun une pièce d’un denier.
Quand vint le tour des premiers,
ils pensaient recevoir davantage,
mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’un denier.
En la recevant,
ils récriminaient contre le maître du domaine :
›Ceux-là, les derniers venus, n’ont fait qu’une heure,
et tu les traites à l’égal de nous,
qui avons enduré le poids du jour et la chaleur !’
Mais le maître répondit à l’un d’entre eux :
›Mon ami, je ne suis pas injuste envers toi.
N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ?
Prends ce qui te revient, et va-t’en.
Je veux donner au dernier venu autant qu’à toi :
n’ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mes biens ?
Ou alors ton regard est-il mauvais
parce que moi, je suis bon ?’

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