Anne de Xainctonge: la fondatrice des ursulines ne voulait «ni mari ni mur»

Anne de Xainctonge, la fondatrice des ursulines, a été une femme d’avant-garde et d’audace. Une exposition des Sœurs de Ste-Ursule à Fribourg, qui s’ouvre le 8 octobre 2017, révèle la modernité de la religieuse dans le domaine de la valorisation des femmes et de la pédagogie, 450 ans après sa naissance.

Anne de Xainctonge se plaisait à dire qu’elle ne voulait «ni mari ni mur». Dans ce 17e siècle où la domination masculine était écrasante, elle a ainsi fondé, avec la Société des Sœurs de Sainte Ursule de la Vierge Bénie, la première congrégation féminine non cloîtrée de l’histoire. Elle a ouvert en même temps des écoles publiques de filles où l’éducation est gratuite. «Elle a affirmé la dignité des femmes, souligne Sœur Anne-Véronique Rossi supérieure générale des ursulines de Fribourg. Pas en revendiquant leurs droits, mais en leur faisant occuper la place qui leur revient dans l’Eglise et dans la société».

Transparence et simplicité

Elle a été assez courageuse pour imposer une vision à contre-courant, presque «féministe» affirme Sœur Anne-Véronique. Lors de la conférence de presse présentant l’exposition temporaire «Une femme audacieuse, Anne de Xainctonge», le 4 octobre 2017, elle passe avec d’une vitrine à l’autre, expliquant avec enthousiasme leur contenu. Biographie, objets personnels, cause de béatification…chaque cage de verre présente un aspect différent de la vie et de l’œuvre d’Anne de Xainctonge, née le 21 novembre 1567 à Dijon et décédée le 8 juin 1621 en Franche-Comté.

«Anne de Xainctonge est une petite lumière qui en a allumé des milliers d’autres»

Deux objets exposés retiennent particulièrement l’attention, car ils sont les seuls directement liés à la religieuse. Il s’agit d’un morceau de sa pierre tombale ainsi qu’un coffret eucharistique, prêtés par les ursulines de Dole, en Franche-Comté, lieu de fondation de la congrégation.

L’élément de transparence mis en valeur avec les vitrines n’est pas dû au hasard. Pour Chantal Esseiva, conceptrice de l’exposition, il exprime l’ouverture et le sentiment de libération qu’a apportée la religieuse française à l’Eglise de l’époque. Rien n’encombre non plus les lieux, qui revêtent la simplicité caractérisant également la fondatrice des ursulines.

Une nouvelle approche de l’enseignement

Au centre de la salle d’exposition, un abécédaire trône tel un totem au milieu de la salle d’exposition. Chaque lettre décrit un aspect de la pédagogie d’Anne de Xainctonge. «Car son mode d’éducation est au coeur de son héritage», explique Chantal Esseiva. L’intuition première de la religieuse, dont les vertus héroïques ont été reconnues en 1991, était d’offrir une éducation qui permette à tous, en particulier aux plus pauvres, d’occuper leur place dans la société. Cela dans une approche globale et participative de l’élève, à contre-courant de la mentalité de l’époque, qui ne voyait qu’une relation de verticalité entre l’enseignant et l’enseigné.

L’Eglise qui «sort»

Anne de Xainctonge fait partie de ce mouvement dans l’Eglise de la fin du 16e et du début du 17e siècle qui a voulu renouer avec les authentiques valeurs évangéliques. A l’instar de personnalités contemporaines telles que Vincent de Paul ou François de Sales, elle s’est efforcée de «sortir pour Dieu», vers ce que le pape François appelle aujourd’hui les «périphéries».

La force de son héritage a ainsi traversé les siècles. Pour le démontrer, l’exposition propose un diaporama présentant des témoignages d’enseignants de l’école secondaire Ste-Ursule de Fribourg. Graziella retient ainsi de la pédagogie d’Anne de Xainctonge «le lien de confiance qui doit unir professeur et élèves pour parvenir à une transmission profonde et durable du savoir» afin de «former autant l’esprit que le cœur». Pour l’enseignante, Anne de Xainctonge est «une petite lumière qui en a allumé des milliers d’autres au fil du temps». (cath.ch/rz)


Journée anniversaire

Le vernissage de l’exposition aura lieu le dimanche 8 octobre 2017, à 15h, à l’Institut Ste-Ursule de Fribourg. Elle se déroulera jusqu’au 30 juin 2018. Les heures d’ouverture sont chaque dernier samedi du mois, de 14h à 17h, ou sur rendez-vous pour les groupes et les écoles.

La Journée anniversaire d’Anne de Xainctonge sera célébrée à Fribourg, le dimanche 19 novembre 2017. Outre une messe matinale, il sera possible aux participants de visiter l’exposition ainsi que d’admirer une représentation de la vie d’Anne de Xainctonge en playmobils, réalisée par les élèves de l’école Blanche-de-Castille, à Paris. Suite à une projection en espace de l’abécédaire, le public sera invité à dialoguer avec les Sœurs au sujet de la pédagogie de la fondatrice des ursulines. Des saynètes sur Anne de Xainctonge, interprétées par les élèves de l’école de Ste-Ursule de Fribourg ponctueront la journée.


Histoire des Sœurs de Ste-Ursule d’Anne de Xainctonge

Anne de Xainctonge naquit vraisemblablement le 21 novembre 1567 à Dijon, à l’est de la France. Issue d’une famille de juristes, elle bénéficia d’une solide formation humaine et intellectuelle ainsi que d’une profonde éducation chrétienne.

Très tôt, elle n’eut de cesse de faire profiter de son instruction les servantes de la maison. De plus, elle observait tous les jours les jeunes gens qui venaient fréquenter le collège des jésuites, tout proche de leur maison. Elle se demandait alors: «Et les filles?» C’est ainsi qu’elle perçut le besoin urgent d’instruire les filles et les femmes.

Au terme d’un long combat intérieur, Anne décida de consacrer sa vie à Dieu et au service de la formation des filles et des femmes. Elle se heurta au refus de son père, qui ne pouvait adhérer au choix de sa fille. Commença alors pour Anne un chemin difficile, parsemé d’obstacles. Son projet était malgré tout clair: elle voulait fonder une congrégation religieuse de spiritualité ignatienne qui se consacrerait à l’éducation chrétienne, spécialement à celle des femmes et des pauvres. Le lieu de fondation désiré était à Dole, en Franche-Comté, alors sous domination espagnole, donc ennemie de Dijon. Monsieur de Xainctonge ne pouvait admettre que sa fille s’établisse en territoire hostile.

Désireuse de promouvoir un nouveau type de vie consacrée, elle laissa de côté la clôture, alors en vigueur dans toutes les communautés religieuses féminines. De même, elle ne vit pas la nécessité de porter l’habit religieux.

Le 29 novembre 1596, Anne quitta le foyer familial et se rendit à Dole. La «Française» subit bien des outrages de toutes parts mais fit preuve d’une grande confiance en Dieu. Au terme de dix ans d’épreuves et de difficultés, elle atteignit son but et fonda, le 16 juin 1606, la Compagnie de Sainte-Ursule.

De son vivant, cinq communautés virent le jour.

Anne de Xainctonge mourut à Dole le 8 juin 1621.

Le 14 mai 1991 Jean Paul II déclarait l’héroïcité des vertus de l’ursuline. Sa cause de béatification est en cours, mais la reconnaissance d’un miracle par son intercession est encore nécessaire pour la réalisation de cette étape. (source: Institut Ste-Ursule)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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