Sion: une pastorale du mariage pour «accueillir sans juger»

Présentant la nouvelle pastorale du mariage, Mgr Lovey, évêque de Sion, a souligné, le 4 octobre 2017, la nécessité «d’accueillir sans juger» les personnes dont la situation conjugale n’est pas «en adéquation» avec l’Eglise. Il a annoncé des mesures concrètes pour son diocèse qui permettront d’appliquer ce renouvellement pastoral voulu par le pape après le Synode sur la famille.

«Certains ont reproché à Amoris Laetitia de brader le mariage. C’est faux!», lance Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion, à la dizaine de journalistes présents à l’évêché. Il fait allusion à l’exhortation apostolique du pape sur le couple et la famille, publiée en 2016, qui a suivi le synode de la famille.

Présentant le message de la Conférence des évêques suisses (CES) à propos de l’exhortation apostolique du pape, «sur laquelle les évêques suisses ont tâtonné depuis un an et demi, comme ce fut le cas un peu partout dans le monde», Mgr Lovey a mis en avant la nécessité de l’accompagnement, du discernement et de l’intégration prônés par la CES. Cette «pastorale renouvelée» concerne les personnes dont la situation conjugale, entre autres, «n’est pas en adéquation avec l’Eglise».

L’accueil avant le jugement

«L’accueil avant tout jugement», constitue néanmoins la clé de ce renouvellement pastoral initié par le pape. Même si l’Eglise ne bouge pas sur la définition du mariage chrétien, «il ne s’agit plus d’exclure mais d’aller à la rencontre des personnes pour connaître leur situation», insiste l’évêque valaisan. Autrement dit, il n’est plus question de sanction apriori, mais d’accueil et de cheminement.

Concernant les personnes divorcées-remariées, l’évêque de Sion  souhaite que la problématique ne se focalise pas uniquement sur l’accès à l’eucharistie. Cela réduirait selon lui la vie chrétienne au seul aspect liturgique. Pour cela, il souhaite mettre en place des formes de célébration non-eucharistique qui permettraient «une participation pleine, active et consciente pour chaque personne». Il annonce une journée de rencontre dédiée aux couples séparés et divorcés-remariés à la maison diocésaine Notre-Dame du Silence durant le carême.

Union civile, mariage incomplet

Il est nécessaire pour Mgr Lovey de mettre en place une pastorale qui permette d’approcher les couples qui vivent en concubinage ou qui sont mariés civilement. »Même s’ils n’en ont pas conscience, ils vivent une forme incomplète du mariage», a-t-il indiqué. Une approche patiente et délicate permettrait d’amener ces couples de façon constructive vers la plénitude du mariage, de la famille à la lumière de l’Evangile.

L’accompagnement

«Accompagner» reste le maître mot d’Amoris Laetitia selon l’évêque de Sion qui a annoncé que plusieurs agents pastoraux sont en deuxième année de formation à l’accompagnement. Un cursus de deux ans prodigué par le Centre catholique romand de formations en Eglise (CCRFE).

Mgr Lovey souhaite également mettre en place une pastorale «pour les couples et par les couples». De sorte que l’on puisse découvrir des éléments positifs déjà vécus par les couples et les familles, «y compris celles qui n’incarnent pas l’idéal chrétien», précise-t-il. Concrètement, l’évêque envisage des retraites, des réunions ou des rencontres pour favoriser le dialogue entre les couples.

A travers une pédagogie visant à faire connaître Amoris Laetitia au plus grand nombre, des guides de lecture seront mis à la disposition de tous dans les églises, les paroisses ainsi que sur le site du diocèse. Matérialisés sous forme de fiche, ces guides regrouperont, par thème et par destinataires, des citations clé de l’exhortation du pape. Mgr Lovey incite à lire un texte qui reste accessible à tous. (cath.ch/bh)


Discernement et accompagnement

Le discernement et l’accompagnement sont pour l’évêque de Sion une bonne manière de concilier le dogme et la pastorale. Cette dernière prend, avec Amoris Laetitia, indéniablement le pas sur le dogme  sans pour autant l’effacer. La position de l’Eglise sur le mariage chrétien, notamment sur son indissolubilité, ne change pas, rappelle l’évêque.

Le discernement et l’accompagnement au «cas par cas» représentent-ils un défi pour l’Eglise?
Il y a eu et il y aura toujours des situations marginales. Cela n’a pas changé. Le fait de demander une prise en compte de toutes les situations, quelles qu’elles soient, par un accompagnement, est en revanche une nouveauté.

Ce «cas par cas» évoqué par le pape François est-il une manière de concilier le dogme et la pastorale?
Il s’agit en fait du discernement. Il nous faut des critères de discernement à partir du miroir que nous renvoie l’Evangile, avec son exigence, sa grandeur et les situations concrètes, ici et maintenant. Le dogme, comme cadre, est indispensable; La situation concrète est incontournable. Le «cas par cas» est une bonne manière de faire dialoguer discernement et accompagnement.

A la suite de l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, les évêques suisses se placent dans une démarche résolument pastorale. Cela place-t-il le dogme en arrière-plan?
Amoris Laetita rappelle à plusieurs reprises les valeurs du mariage chrétien dans toute sa dimension: la fidélité, l’amour réciproque, la fécondité et son indissolubilité. Tout est redit de manière très claire comme toile de fond d’une action pastorale. La nouveauté est du côté de la pastorale qui agit sans brader, comme on l’a reproché au pape, les valeurs du mariage. Nous avons un pape pastoral qui a opté, semble-t-il, une fois pour toutes pour cette dimension de son ministère.

L’accompagnement, le discernement, cette pastorale renouvelée, ne sont pourtant pas vraiment nouveaux pour l’église.
Evidemment non. Qu’a fait le Christ? Si non d’accompagner, d’accueillir, de cheminer avec tous, les disciples d’Emmaus comme la Samaritaine. Il les a pris en affection pour les illuminer de sa présence. C’est le souci pastoral de l’Eglise. Il est indéniable que dans l’histoire de l’Eglise, on a mis l’accent sur d’autres aspects de sa mission. Avec Amoris Laetitia, nous vivons un rappel très fort de ce pour quoi l’Eglise est présente.

L’Eglise a-t-elle un peu oublié les bienfaits de la pastorale?
Oui, sûrement dans un certain nombre de domaines. Regardez ce que l’histoire nous fait vivre actuellement avec la migration et les problèmes que cela pose en Europe. L’hospitalité a toujours été au cœur de la pastorale de l’Eglise, puis on l’a un peu oubliée. Aujourd’hui nous sommes «reprovoqués» par des situations humaines concrètes qui nous obligent à repenser cette pastorale de l’accueil.

Que veulent dire les évêques suisses par «l’intégration» des personnes homosexuelles en Eglise?
C’est l’exact inverse de l’exclusion que nous proposons. Quel qu’il soit, quelle que soit son orientation sexuelle, chacun a sa place à l’intérieur de l’Eglise. Ce qui signifie que l’intégration de toute personne oblige à repenser le fonctionnement de chaque paroisse. Il y a des services ecclésiaux importants que n’importe qui pourrait rendre, indépendamment d’une formation ad hoc ou d’une situation d’irrégularité. Nous devons être attentifs à donner une activité reconnue comme activité constitutive du corps ecclésial à des gens qui sont objectivement dans une situation marginale.

Comment se déroule concrètement le cheminement d’un couple divorcé-remarié qui souhaite communier ?
Pour ce qui concerne les personnes divorcées remariées qui souhaitent communier, cela relève de la responsabilité de chaque prêtre en paroisse qui prend l’initiative de l’accompagnement et du discernement puis rend compte à l’évêque. L’exhortation du pape le dit clairement: ‘L’important est de ne pas marcher seul, mais de toujours compter sur les frères et spécialement sous la conduite des évêques, dans un sage et réaliste discernement pastoral». En fait, chaque prêtre effectue déjà ce discernement. Dans beaucoup de lieux, une bonne partie de la pastorale consiste à prendre en compte les situations des personnes et à envisager avec elles l’avenir. (cath.ch/bh)

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

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