Un chiffre astronomique

97’000 milliards de dollars. Un chiffre astronomique, tellement il semble improbable. C’est ce qu’aurait rapporté à l’Amérique et à l’Europe la traite négrière. C’est le calcul du temps de travail, entre 1619 et 1865, de millions d’esclaves déportés et exploités.

 Le quotidien Le Temps a publié, le 10 novembre, ce résultat stupéfiant. Le chiffre a été articulé le 12 octobre à Genève, devant un parterre de philanthropes, par l’écrivain nigérian Uzodinma Iweala. Une manière de dire: «Ce que vous faites est très utile aux peuples africains, mais tout compte fait, cela ne représente qu’une infime partie de tout ce que l’Afrique a dû vous donner, sous la contrainte». Ce même chiffre a été repris, le 3 novembre à Saint-Maurice, lors du débat organisé par les Sœurs de Saint-Augustin. Un échange passionnant qui a donné la parole aux Africains (la supérieure des Sœurs est togolaise) et à des personnalités suisses.

Le chiffre peut être contesté. Dans son ampleur. Mais aussi dans son assise. L’Occident devra-t-il, durant des siècles, expurger la faute commise par ses ancêtres? L’Afrique pourra-t-elle éternellement accuser l’Occident d’avoir pillé ses forces vives?

Ni l’une, ni l’autre attitude ne sont adaptées. L’Europe et l’Amérique doivent reconnaître ce passé douloureux qui marque encore le continent africain, dans sa partie subsaharienne. L’Afrique doit aussi admettre que l’esclavage existait à l’est du continent avec les razzias opérées par le monde arabe.

Le défunt cardinal Jean-Marie Lustiger avait trouvé les mots justes pour évoquer ce drame. Pour lui, l’Occident n’a pas pris suffisamment conscience de la blessure profonde infligée à l’Afrique par l’esclavage. Et la cicatrice n’est pas fermée, alimentée encore par le colonialisme. Autre effet, le transfert forcé de millions de personnes a installé en Amérique un racisme difficile à extirper.

Le chiffre de 97’000 milliards nous rappelle qu’aujourd’hui encore le pillage des ressources existe. Des sociétés occidentales tirent du continent noir du pétrole, du cobalt, des diamants, de l’or, dont la vente ne profite guère aux populations de ces territoires. L’Afrique demande – ce fut le cas à Saint-Maurice – des rapports justes. Si l’Arabie saoudite a pu prospérer grâce à l’or noir, pourquoi les pays africains ne peuvent-ils pas en faire autant?

Les Africains nous invitent à un regard sans condescendance. Il est temps!

Bernard Litzler | 17.11.2017

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