Mutation du paysage religieux européen

Bien que l’Europe soit considérée comme le continent où la sécularisation est la plus avancée, la religion y fait toujours débat. Malgré la désaffection pour les Églises reconnues par l’État, les convictions religieuses connaissent un regain d’actualité. Il reste néanmoins difficile d’en dresser un tableau fiable tant les données statistiques manquent ou sont contradictoires.

Il est surprenant de constater à quel point les données concernant l’appartenance religieuse sont incertaines et instables, constate Yasemin El-Menouar, de la Fondation Bertelsmann, pour le bulletin Europe-infos de la Commission des conférences épiscopales de l’Union européenne (COMECE).

De nombreux pays européens ne disposent toujours pas de données fiables et actualisées concernant l’appartenance religieuse. En outre, nombre de statistiques religieuses se contredisent, notamment parce la revendication porte sur tantôt sur l’appartenance objective, tantôt sur l’appartenance subjective.

Ainsi, une enquête Eurobaromètre de 2015 conclut que la proportion de chrétiens dans les pays de l’UE représente actuellement 72% de la population (45% de catholiques, 11% de protestants, 10% d’orthodoxes et 6% autres). La proportion des personnes sans confession se situe à 24% (10% d’athées, 14% d’agnostiques). Le nombre des musulmans est estimé à 1,8%, celui des juifs à 0,3%, celui des bouddhistes à 0,4% et celui des hindous à 0,3%. Treize des 28 États-membres de l’Union peuvent être classés comme étant à dominante catholique, (avec plus de 60 %), trois comme étant à dominante orthodoxe et deux à dominante protestante. En République tchèque, les personnes sans affiliation religieuse sont majoritaires avec 64,4%.

Auto-évaluation religieuse

L’auto-évaluation religieuse permet d’avancer des chiffres sensiblement différents avec des écarts importants. Dans une enquête de la société berlinoise d’étude de marché Dalia Research réalisée en décembre 2016, les questions ont porté explicitement sur l’auto-évaluation religieuse. Il en ressort que 50% des citoyens européens se définissent comme chrétiens (42% catholiques, 8% protestants). 38  des personnes interrogées déclarent qu’elles ne sont pas religieuses. 3% se reconnaissent musulmanes, 1% juives, 1% bouddhistes; et 8% professent d’autres croyances.

La plupart de ceux qui se proclament catholiques vivent en Italie (73 %), en Pologne (71 %) et en Espagne (53 %). En France (58%) et en Grande-Bretagne (54%), la majorité de la population se dit sans confession. En Allemagne, le nombre des protestants est proportionnellement plus élevé (26%); il y en a environ autant que de catholiques (25%). La France accueille la plus forte proportion de musulmans (7%), suivie de l’Allemagne (5%) et de la Grande-Bretagne (4%).

La perspective paneuropéenne

En élargissant le cercle au-delà des 28 pays de l’Union européenne, pour l’étendre à l’Europe géographique, d’autres variations apparaissent notamment concernant l’orthodoxie et l’islam. D’après l’European Values Study (EVS) de 2008, prenant en compte les 47 pays européens, les catholiques (37%) et les chrétiens orthodoxes (31%) dominent; suivent les musulmans (15%) numériquement encore devant les protestants (14,5%). Cinq pays européens comptent une majorité musulmane.

Selon les prévisions du Pew Research Center, des Etats-Unis, le christianisme continuera à s’imposer comme la plus grande religion en Europe. Mais le nombre des chrétiens enregistrera un recul d’environ 100 millions de personnes pour atteindre un chiffre de 454 millions d’ici à 2050. Cela correspond à un pourcentage d’encore 65,2% contre 74,5% aujourd’hui. En contrepartie, la proportion des musulmans dans la population européenne passera de 5,9% à 10,2%, celle des personnes sans confession de 18,8% à 23,3%. Le nombre des juifs en Europe connaîtra une légère baisse, passant de 1,4 millions (0,2%) à 1,2 millions de personnes.

Nouvelle pertinence de la religion

Les chiffres montrent que la religion en Europe n’est pas en recul, estime Yasemin El-Menouar. Mais le paysage religieux est en train de changer. En 2012, 42% des migrants non européens dans l’UE étaient chrétiens, 39% musulmans. Cette augmentation de la part de l’islam relance la réflexion sur l’identité chrétienne. La migration accélère la pluralisation religieuse et contribue aussi à une croissance des communautés chrétiennes évangéliques. (cath.ch/com/mp)

Maurice Page

Portail catholique suisse

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