Saint-Gall: un univers baroque orienté vers Dieu

La bibliothèque et la cathédrale de Saint-Gall font partie des plus remarquables constructions de la fin du baroque. Tous deux fêtent en 2017 le 250e anniversaire de leur achèvement. Interview de Cornel Dora, bibliothécaire, à l’occasion de l’exposition consacrée à l’univers baroque.

L’Abbaye de Saint-Gall est classée au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1983. Une nouvelle exposition à la Bibliothèque abbatiale atteste de la richesse et de la notoriété de l’ensemble monastique. Titrée «Univers baroque – Religion et esprit dans l’Abbaye de Saint-Gall" (Barockes Universum – Religion und Geist in der Fürstabtei St.Gallen), elle ouvre ses portes le 28 novembre. Le bibliothécaire Cornel Dora revient sur cette riche époque et sur les éléments de l’exposition.

Quelle est l’origine du mot ‘baroque’?
Il vient du portugais et désignait, originellement, des perles formées de manière irrégulière. En fait, cela veut dire «de travers», «étrange». Le mot a surtout été utilisé dans le domaine de l’architecture. Ce n’est que depuis le 19e siècle que le terme a été utilisé pour la musique et la littérature des 17e et 18e siècles.

«Je ne connais pas de plus bel ensemble d’églises baroques que celles de l’Abbaye de Saint-Gall»

Qu’est ce qui caractérise la religion à l’époque baroque à Saint-Gall?
Tout d’abord, l’univers baroque est un monde religieux, dans lequel tout est ordonné à Dieu. Dans ce monde, l’être humain se sent élevé. En outre, au monastère, on avait le souci de préserver un haut niveau d’excellence. La formation scientifique était prisée par les pères-abbés à cette époque.

Que pouvez-vous dire sur les constructions des pères-abbés?
Le secteur de la construction a été animé. Après la Réforme, de nombreux bâtiments nouveaux ont été construits au 17e siècle dans l’enceinte du monastère. Mais il manquait une vision d’ensemble. Ce n’est que sous le Père-abbé Célestin Gugger von Staudach (de 1740 à 1767) qu’a émergé le souhait d’une magnifique et grande église abbatiale – la cathédrale actuelle – et d’une nouvelle bibliothèque.

A peu près au même moment, une culture architecturale baroque vivante et sophistiquée s’est développée dans les paroisses. Je ne connais pas de plus bel ensemble d’églises baroques que celles de l’Abbaye de Saint-Gall, entre Sankt-Margrethen et Wil.

Y a-t-il quelque chose à apprendre sur la vie monastique?
Oui, l’exposition montre aussi à quel point les moines de Saint-Gall ont joué un rôle important pour établir le plan de leur monastère en étant les premiers à découvrir, classer, copier et signer le document. Le premier véritable planificateur du monastère fut le Père Jodocus Metzler (1574 – 1639), bibliothécaire de l’Abbaye.

«Le catholicisme baroque est une alternative brillante à la sobriété réformée»

Pouvez-vous nous donner un aperçu de la nouvelle exposition de la bibliothèque abbatiale?
La bibliothèque fait partie d’un modèle particulier d’église abbatiale, qui joue un rôle important dans le processus de construction. Nous exposons ce modèle original. Une vitrine est dédiée à l’art du livre avec des manuscrits baroques, principalement utilisés à des fins liturgiques. Une autre vitrine présente la culture de la fête baroque. Il s’agit en particulier des fêtes religieuses, qui ont marqué la vie spirituelle et sociale de l’époque.

Un exemple de cette culture de la fête?
Une grande fête a eu lieu le 15 septembre 1680 lorsque les reliques de plusieurs saints des Catacombes ont été amenées à l’église abbatiale. Plusieurs milliers de personnes auraient pris part à cette procession. Une gravure en cuivre rappelle cette solennité.

Une imprimerie existait aussi, manifestement…
Oui, dans la quatrième vitrine nous présentons l’imprimerie du monastère. Elle a existé de 1633 à 1800 environ. Elle a constitué un instrument important pour la promotion de la culture et la formation, mais également pour la sécurité de documents et pour l’administration. Par exemple, la mendicité était réglementée par des mandats imprimés des pères-abbés.

Une vitrine est consacrée à la recherche scientifique sur la collection de manuscrits, déjà célèbre à l’époque. Les moines bénédictins ont mené des recherches scientifiques de haut niveau. Enfin, dans la vitrine au milieu de la salle baroque, nous offrons un aperçu du magnifique héritage de l’historien et homme politique Aegidius Tschudi. Il a été acquis pour la bibliothèque abbatiale en 1768, il y a 250 ans.

Qu’est-ce que les visiteurs peuvent prendre avec eux comme suggestion?
Nous apprenons à connaître un monde où les gens vivaient dans un univers ancré dans la foi. En plus du travail difficile, il y avait aussi de la place pour la fête et le sensuel. Le catholicisme baroque est aussi une alternative brillante à la sobriété réformée. Pour le monde éphémère d’aujourd’hui, nous pouvons certainement apprendre quelque chose de l’ancrage spirituel.

Sur un plan personnel, que trouvez-vous d’intéressant dans cette exposition?
Je trouve notable le fait que deux calendriers ont fonctionné en ville de Saint-Gall, entre 1584 et 1701. L’Abbaye catholique avait le nouveau calendrier grégorien, tandis que la ville, réformée, utilisait encore le calendrier julien. Il y a une différence de dix jours entre les deux, une différence qui se retrouvait aussi dans les grandes fêtes chrétiennes comme Noël ou Pâques. Des lettres de Saint-Gallois de cette époque portent souvent deux dates. On ne peut plus imaginer aujourd’hui ce que c’était. D’une certaine façon, c’était aussi «de travers», «cinglé», baroque quoi ! (cath.ch/kath/eg/bl)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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