Le purgatoire: mythe ou réalité? [1/7]

Qu’en est-il de la réalité du purgatoire? Les catholiques y voient un étape nécessaire aux âmes impures pour «entrer dans la joie du ciel». Un point de vue irrecevable pour nombre de protestants puisque Dieu pardonne totalement le péché de celui qui croit.

Souillée par des péchés qu’elle n’a pas encore eu le temps d’expier au moment de sa mort, l’âme doit subir dans l’au-delà un temps de purification pour pouvoir pleinement participer à la félicité promise aux Justes. Voilà l’idée à l’origine du purgatoire.

A la fin du Moyen Âge, ce temps de purification est généralement conçu comme un moment pendant lequel l’âme souffre les mêmes affres que les damnés, avec toutefois la certitude que cette souffrance n’est que provisoire. C’est un élément-clé des pratiques de piété de cette époque: fraternités, messes pour les morts, indulgences, tout cela concourt à limiter les tourments promis aux âmes des êtres chers.

Quelques siècles plus tard, le purgatoire est-il toujours d’actualité? Marie Larivé et Jean-Marc Tétaz en débattent.


Marie Larivé: «Une purification sera nécessaire»

En mourant, les choix que nous aurons faits au cours de notre vie deviendront définitifs. Certaines personnes auront refusé la voie de l’amour, d’autres auront tellement vécu dans les pas du Christ qu’elles seront immédiatement près de Dieu. Enfin, beaucoup, peut-être la plupart d’entre nous, auront voulu orienter leur vie vers l’amour sans toujours y parvenir, ne prenant pas systématiquement son chemin, se compromettant avec le mal dans leurs choix concrets.

Pour ces personnes-là, une purification sera nécessaire et le purgatoire dont parle l’Église catholique est justement cet état de purification. Car voir Dieu produit un tel éblouissement, qu’on s’en trouverait difficilement digne lorsqu’on est encore tout entaché. Prendre conscience de ma faute et de ses conséquences envers mes frères, envers le monde qui m’est donné et envers Dieu, devrait me causer une intense douleur. Mais c’est rarement le cas.

Au purgatoire, nous pourrons justement mesurer les manquements à l’amour que nous n’avons pas rétablis sur terre et œuvrer à leur rétablissement. L’Epître aux Corinthiens parle d’un « feu » à travers lequel on sera sauvé (1Co 3,15). Ce feu, c’est ce pénible travail de purification pour se défaire de tous nos manques d’amour, des pardons qui n’ont pas été donnés, des rancœurs persistantes…

Prier pour les âmes du purgatoire c’est d’ailleurs s’associer à ce patient travail. Par les actes d’offrande et d’amour que nous donnons pour elles, et à travers la communion des âmes, nous les aidons à accepter sans condition le salut de Dieu.

Ce purgatoire n’est pas éternel; c’est une étape pour ceux qui sont déjà sauvés. Bientôt ils pourront voir Dieu face à face! Alors le purgatoire est aussi une joie, celle d’un grand désir de se préparer pour celui qu’on a espéré.

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Je partage mon temps entre le petit village vaudois des Plans-sur-Bex et Paris où je travaille comme éditrice (éditions Parole et Silence). Après un master en géographie, j’ai entrepris des études de théologie à Fribourg. Je termine à présent mon master à la faculté de théologie de Strasbourg. 

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Jean-Marc Tétaz: «L’idée de purgatoire est inadmissible»

Pour un protestant, l’idée de purgatoire est inadmissible. Pour trois raisons au moins. D’abord, l’idée d’un purgatoire repose sur une conception du péché comme souillure morale dont il conviendrait de se purifier.

Or la théologie de la Réforme n’a eu de cesse de rappeler que le péché n’est pas une faute morale, mais une révolte fondamentale contre Dieu. Contrairement aux apparences, croire au purgatoire, c’est donc ne pas prendre le péché au sérieux! Mais c’est aussi ne pas prendre au sérieux les promesses de salut de l’Evangile. Si Dieu pardonne le péché de celui qui croit, comment admettre qu’il puisse encore être nécessaire de subir dans l’au-delà une douloureuse purification? En maintenant l’idée du purgatoire, l’Eglise romaine démontre, si besoin était, que le catholicisme ne partage pas la conception protestante du péché et de la justification.

Ensuite, la notion de purgatoire est solidaire de pratiques de piété qui reconnaissent un pouvoir salvifique aux œuvres pieuses. Pas d’indulgences sans purgatoire, puisque l’indulgence a pour effet de diminuer la durée de l’expiation imposée à l’âme souillée!

Faut-il rappeler que ce sont justement les indulgences qui provoquèrent les véhémentes protestations de Luther dans ses célébrissimes 95 thèses de 1517?

Mais toutes les pratiques pénitentielles obéissent à la même logique. Rejeter le purgatoire, c’est d’un même geste récuser des pans entiers de la piété catholique.

Enfin, le purgatoire est inséparable d’une conception de l’homme inspirée par la philosophie d’Aristote. Dans ce cadre, l’âme est la réalité sur laquelle repose l’identité de l’individu; on peut donc châtier l’âme pour purifier l’être humain.

Cette conception de l’âme, la théologie de la Réforme l’a rejetée avec la dernière énergie. Elle est par ailleurs totalement étrangère à la réflexion moderne sur l’homme. Le purgatoire appartient à une mythologie d’un autre temps, dont le protestantisme a bien fait de se débarrasser dès le XVIe siècle.

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Je suis théologien et philosophe. J’ai enseigné dans diverses universités de Suisse et d’Europe; je suis actuellement professeur invité à l’Institut protestant de théologie à Paris. J’ai traduit et édité de nombreux théologiens protestants allemands. Mes recherches portent en particulier sur la théologie protestante des XIXe et XXe siècles..

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La Bible au secours du purgatoire?

Le purgatoire est une «vérité de foi» pour les catholiques. Mais elle n’est pas acceptée par les différents courants du protestantisme, ni par l’Eglise orthodoxe. En 1520, Léon X fulminait contre Luther, pour qui le purgatoire ne pouvait être prouvé par aucune autorité scripturaire canonique.

Dans son édition de 1992, le Catéchisme de l’Eglise catholique souligne toutefois que l’existence du purgatoire n’est pas complètement étranger aux Ecritures lorsqu’elles mentionnent un «feu purificateur» (1 Co 3, 15 ou 1 P 1, 7). De plus, dans l’Ancien Testament, le second livre des Maccabées stipule que Judas Maccabée exécute un «sacrifice expiatoire pour les morts afin qu’ils soient délivrés de leur péché» (2 M 12, 46).

Or le Livre des Maccabées ne se retrouve pas dans les Bibles protestantes. Quant au texte de Paul sur le salut «comme à travers un feu» (1 Co 3, 15), il est soumis à une autre interprétation. Le feu qui représente le jugement dans les Ecritures est unique, donc réservé à chaque homme une seule fois et à l’issue duquel Dieu accepte ou non l’homme dans sa présence (He 9, 27). Difficile donc de trancher.

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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