Synthèse de l’ »Instrumentum laboris »
Rome, 8août(APIC) Du 2 au 29 octobre 1994, le Synode des évêques se réunira en Assemblée générale ordinaire pour traiter du thème de « La vie consacrée et sa mission dans l’Eglise et dans le monde ». Dans une présentation
de ce rendez-vous, l’agence internationale FIDES, à Rome, publie une large
synthèse de l’ »Instrumentum laboris » pour ce synode. Que nous publions cidessous.
L’importance de l’événement n’échappe à personne. La vie consacrée est
présente à tous les niveaux et dans tous les domaines d’action de l’Eglise.
Il suffit de rappeler, par exemple, qu’il y a aujourd’hui 1’423 Instituts
religieux de femmes de droit pontifical, et 1’550 de droit diocésain. Parmi
les Instituts religieux masculins, on en compte 250 de droit pontifical, et
242 de droit diocésain. On compte en outre 165 Instituts séculiers de droit
pontifical et de droit diocésain, sans parler des 39 Sociétés de vie apostolique, de droit pontifical.
Première partie: constatation
Au début, le document rassemble les éléments nécessaires à une connaissance de la vie consacrée dans l’histoire contemporaine de l’Eglise. Cette
vision générale favorise une réflexion objective sur cette vaste réalité
ecclésiale.
1) La vie consacrée dans l’Eglise et dans le monde cherche à témoigner
de l’Evangile comme le levain dans la pâte et comme la semence devenue un
grand arbre pour diffuser les valeurs spiriruelles, sous des formes anciennes et des formes nouvelles, dans la complémentarité des charismes et des
qualités spécifiques.
2) Dans les circonstances actuelles, la vie consacrée est insérée dans
les transformations historiques propres à notre temps, qui exigent d’elle
une réponse de foi et la conscience d’être toujours signe de contradiction
et d’espérance pour le monde lui-même. Grâce aux richesses qui résultent du
renouveau, à la reconnaissance de la vocation spécifique de la femme et de
sa dignité, grâce aux nouvelles formes de vie communautaire, les difficultés du moment présent sont plus facilement surmontables.
Ce nouveau sentiment d’espérance est toutefois fondé sur une tension
constante vers une purification profonde de la vie religieuse elle-même.
3) Grâce à l’amélioration des moyens de communication créés par nos contemporains, la vie consacrée s’est largement répandue et cette expansion
comporte inévitablement des problèmes de tous genres.
La principale conséquence est celle de la diversité des situations dans
les deux hémisphères du monde, ce qui requiert adaptations et efforts constants pour surmonter les crises obvies d’identité et de fidélité aux charismes.
4) Outre les conditions générales, se manifestent des phénomènes spécifiques de quelques formes de vie consacrée comme peuvent l’être ceux des
Instituts de vie contemplative, des Instituts de religieux laïcs et de frères laïcs, des Instituts séculiers, des vierges et des veuves consacrées,
des ermites – hommes et femmes -, des Sociétés de vie apostolique, des
communautés nouvelles.
5) Selon la théologie du Concile Vatican II, la vie consacrée est insérée dans le mystère de l’Eglise auquel elle appartient pleinement, dans
l’unique vocation à la sainteté et à la mission du Peuple de Dieu et en
communion avec la hiérarchie et le laïcat. En accord avec les documents du
magistère, la vie consacrée met en lumière de nouvelles valeurs évangéliques: le réalisme évangélique à la suite de Jésus, la dimension pneumatologique, le prophétisme de la vie consacrée, les urgences de la promotion humaine, la mission des femmes, la nouvelle évangélisation, l’inculturation.
Seconde partie: justification
1) La doctrine de Vatican II fournit les raisons théologiques du témoignages de la vie consacrée dans les temps actuels. Ces raisons sont fondées
sur le mystère du Christ et de l’Eglise, son Corps Mystique.
Dans cette adhésion au Christ, les charismes de la vie consacrée trouvent leur terrain d’enracinement, cette vie considérée elle-même comme charisme, fruit du Saint-Esprit, et nourri de l’Evangile qui est sa racine et
sa norme.
2) Le principe de la vie consacrée consiste dans la vocation divine à la
suite du Christ et à la communion avec Lui. Cette communion porte en elle
le signe spécifique de la participation à la consécration du Christ, inaugurée dans le baptême et développée dans le temps par le don et l’engagement des conseils évangéliques de chasteté, de pauvreté et d’obéissance,
comme témoignage sans équivoque du mystère pascal.
3) Un caractère spécifique de la vie consacrée en est la dimension communautaire qui s’exprime concrètement dans la vie fraternelle en communion.
Dans cette vie fraternelle, l’autorité remplit un rôle particulier au service de la communion.
Troisième partie: approfondissement
1) La vie consacrée se situe dans l’Eglise, considérée comme Eglisecommunion et communauté réunie dans l’unité du Père, du Fils et du SaintEsprit.
Cette communion est fondée sur les sacrements, présidée par le ministère
de la hiérarchie et elle s’exprime dans la richesse et la variété des charismes.
Au sein de cette communion, domine une vocation commune à la sainteté
d’où tirent leur origine les expressions variées de la consécration comme
participations spécifiques à la fonction sacerdotale, prophétique et royale
du Seigneur Jésus.
2) La vie consacrée, ancrée dans la dimension même de communion ecclésiale, revêt des formes spéciales dans l’Eglise universelle et dans les
Eglise universelle.
Dans le contexte de l’Eglise universelle, entendue comme communion, on
trouve aussi les multiples Instituts et Sociétés, expression des charismes
de vie consacrée et de vie apostolique.
Les diverses formes de vie consacrée naissent et vivent dans les Eglises
particulières, participants à l’édification de celles-ci dans l’unité avec
l’Eglise universelle.
La communion avec l’évêque diocésain, avec le clergé et le laïcat du
lieu, de même que la participation à l’apostolat sont le signe de son intégration dans l’Eglise particulière. Le lien avec l’Eglise particulière permet aux membres de la vie consacrée d’apporter à celle-ci la note de l’universalité et le témoignage de la communion ecclésiale, étant donné que la
vie consacrée a un lien particulier avec le ministère pétrinien du pape.
De ce lien découle la nécessité que les Instituts de vie consacrée
jouissent d’une juste autonomie, même si l’autorité et la dépendance
varient selon la nature du charisme de fondation de l’Institut et du degré
de développement dans la vie de l’Eglise, selon que l’Institut est de droit
ecclésial ou pontifical.
Les Instituts dans leur ensemble sont appelés à se sentir et à être en
communion entre eux, dans le respect et l’estime des diverses charismes,
ceci également à travers les organismes de coordination.
Quatrième partie: l’action
1) Puisque l’Eglise se définit aussi par rapport à son caractère missionnaire, la vie consacrée elle-même trouve efficacement une place dans la
mission de l’Eglise.
C’est ainsi que les personnes consacrées sont placées en face de l’urgent devoir de répondre aux défis de l’avenir. Le signe de cette sollicitude se manifeste dans la vitalité spirituelle et apostolique, dans la promotion et le soin apporté aux vocations, dans la participation de la femme
consacrée à la communion et à la mission de l’Eglise, dans la priorité accordée à une formation adéquate et permanente, dans l’oeuvre de l’inculturation de la foi chrétienne et de la vie de l’Eglise que la vie consacrée
peut facilement favoriser.
2) L’horizon de la vie consacrée est aujourd’hui celui de la nouvelle
évangélisation dans la communion et la mission de l’Eglise, puisque la nouvelle évangélisation interpelle de façon particulière ceux qui sont enracinés dans les richesses impénétrables du Christ, qui ont fait profession de
le suivre, et qui, mettant leur vie à son service, incarnent l’Eglise désireuse de se livrer au radicalisme des béatitudes.
La nouvelle évangélisation invite à revivre, dans une dimension évangélique et apostolique, le radicalisme de la suite du Christ et de l’appel à
la sainteté.
Ainsi les personnes consacrées ont-elles aujourd’hui le devoir de témoigner du Christ dans le domaine de l’éducation, de la santé, des oeuvres
de miséricordes, en faveur des enfants, des jeunes, des personnes âgées, à
travers des formes de vie apostolique renouvelées ou encore de formes nouvelles.
De plus, la mission « ad gente », la recherche de l’unité des chrétiens
dans le Christ et la pratique du dialogue inter-religieux, réclament une
attention particulière puisque, dans ces domaines, la vie consacrée peut
soutenir fructueusement la nouvelle évangélisation qui est à entreprendre
avec la ferveur des saints.
3) Dans la mission de l’Eglise, la vie consacrée porte son propre témoignage de Dieu au monde, à travers les charismes évangéliques. Ceci se
réalise par l’adhésion aux diverses et spécifiques professions et aussi par
les pratiques propres à certains Instituts ou Sociétés.
A ce sujet, ont doit signaler, dans le projet de Dieu pour l’humanité,
les charismes qui concernent l’option évangélique pour les pauvres, la sollicitude pour les infirmes, l’éducation des jeunes pour une civilisation de
l’amour, le service de la famille, la recherche de la justice et de la
paix.
Aussi il deviendra évident que la vie consacrée, à l’exemple du Christ
Seigneur, remplit une mission ecclésiale de transformation et d’humanisation et que ses charismes sont des paroles vivantes de l’Evangile.
Conclusion
L’ »Instrumentum laboris », à la suite de la vaste consultation, touche
les divers aspects de la vie religieuse dans son ensemble. L’analyse des
réponses aussi bien que des interventions concrètes des Pères synodaux réunis en Assemblée générale attireront l’attention sur quelques aspects prioritaires et sur les défis concrets en vue du troisième millénaire. De même
l’Assemblée spéciale pour l’Afrique, parlant de la vie consacrée sur ce
continent, a apporté une précieuse contribution au débat sur ce thème du
prochain Synode.
A titre d’exemple, on peut prévoir quelques-unes des questions qui, sans
doute, émergeront pour être approfondies ultérieurement.
1) « La théologie de la vie consacrée ». Le Concile Vatican II a intensément renouvelé la théologie de la vie consacrée en général et celles des
diverses formes dans lesquelles elle se réalise. Il a été fréquemment demandé de « consolider » tous les résultats de cette démarches de réflexion,
ou du moins de présenter les éléments essentiels d’une façon complète et
organique. Ici s’insère le discours sur le sens de la consécration, sur le
sens de la mission et sur la place ecclésiale de la vie consacrée.
2) « La vie consacrée comme charisme ». Une grande importance a été donnée
dans les réponses au caractère charismatique de la vie consacrée en un double sens: comme don à l’Eglise qui enrichit la mission et la communion de
l’Eglise; comme don spécifique qui se manifeste sous des formes variées et
selon l’intuition des fondateurs.
La vie consacrée, spécialement parce qu’elle est charisme, doit être vécue et promue non seulement à cause de ce qu’elle fait mais d’abord pour ce
qu’elle est. A ce caractère charismatique est intimement lié l’aspect prophétique de la vie consacrée, lui aussi exprimé d’abord dans l’être, c’està-dire dans l’entière vérité de la vocation propre. Sans le prophétisme de
l’être, le prophétisme de l’action devient inefficace.
3) Fidélité à la tradition et nouveauté ». La vie consacrée connaît une
longue tradition qui remonte aux origines mêmes de l’Eglise, en même temps,
elle n’est pas une abstration, mais elle existe dans des formes concrètes,
expressions toujours nouvelles de la même réalité profonde, en réponse aux
défis nouveaux surgis du moment historique et du contexte culturel concret.
Au long des siècles, la vie religieuse a pris des formes diverses, avec des
accents divers dans un riche panorama d’Instituts particuliers. Cette tension innée entre tradition et nouveauté se fait sentir encore de nos jours
soit dans les exigences de renouvellement, soit dans la nécessité de l’inculturation, soit enfin dans la création de formes nouvelles pour une vie
évangélique communautaire. Certaines de ces nouvelles fondations tendent à
ressembler à des formes déjà existantes, tandis que d’autres s’engagent sur
d’autres voies qui ont donc besoin d’un discernement progressif pour déterminer leur identité et leur situation ecclésiale.
4) « Spécificité de la mission pour le monde ». Les réponses aux « lineamenta » ont été très riches de suggestions concernant les engagements concrets et les possibilités d’actions des consacrés pour la société. Une présence effective dans les situations de pauvreté (chômeurs, migrants, réfugiés, victimes de la discrimination raciale ou ethnique, monde de la drogue
ou sida, exclusion sociale ou politique…), la défense de valeurs particulièrement menacées (vie, famille), la promotion et la création de la culture, la connaissance et la mise en oeuvre de la doctrine sociale de l’Eglise: autant de champs d’action qui semblent attirer l’attention de nombreux
consacrés, mais demandent un sérieux discernement pour trouver le mode de
présence qui ne soit pas usurpation de la mission des laïcs mais expression
cohérente du charisme spécifiquement de l’Institut et du charisme commun de
la vie consacrée.
L’ »Instrumentum laboris » laisse deviner la richesse du débat synodal à
venir. La préparation des Pères synodaux eux-mêmes, pendant les semaines
qui nous séparent de l’Assemblée, est particulièrement importante tant pour
éviter le dispersion dans la façon de traiter les divers arguments que pour
articuler des orientations et des indications qui doivent contribuer à donner une nouvelle vigueur et importance à la vie consacrée pour le troisième
millénaire du christianisme, en fidélité – comme l’indique la conclusion de
l’ »Instrumentum laboris – au Christ et à l’Evangile, à l’Eglise et à sa
mission de salut, au charisme de la vie consacrée et des Instituts spécifiques, et enfin à l’homme de notre temps. (apic/fides/pr)
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