Brexit: la relation entre les deux Irlande touchée

Pour le jésuite irlandais Edmond Grace, le Brexit sera dommageable pour les relations entre les deux Irlande: la fermeture de la frontière irlandaise équivaut à une révocation de l’Accord du Vendredi-Saint de 1998. Il porte également atteinte au respect des accords internationaux, une valeur européenne centrale.

Dans le mensuel de la Commission des Conférences épiscopales de l’Union européenne (COMECE) de janvier 2018, le Père Edmond Grace s’inquiète des conséquences du Brexit, notamment sur la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.

«Il est à craindre que les résultats chèrement acquis de l’Accord de paix du Vendredi Saint qui ont conduit à ériger une frontière quasi invisible avec l’Irlande du sud, ne soient balayés», s’alarme le religieux. Grâce au marché intérieur européen entré en vigueur le 1er janvier 1993, la frontière de l’Irlande autrefois militarisée a quasiment disparue. «Mais désormais tout est en suspens», indique le Père Grace.

 

Pour ce dernier, l’Accord de 1998 a apporté la paix en Irlande. Car «les gouvernements britannique et irlandais ont affirmé leur volonté de continuer à développer l’étroite coopération entre leurs pays en tant que bons voisins et en tant que partenaires au sein de l’Union». Signe le plus clair des avantages de ce partenariat pour la paix, la levée des contrôles aux frontières.

Brexit au goût amer

L’Accord du Vendredi-Saint a mis en place deux conseils pour traiter des affaires de l’Union européenne: un conseil Nord/Sud et un conseil Britanniques-Irlandais. Conséquences, selon le jésuite Edmond Grace, «l’économie transfrontière est devenue florissante et le fait que les gens se rencontrent dans un contexte commercial – et qu’ils apprennent à se connaître et à se faire confiance – a une valeur qui dépasse largement l’économie proprement dite».

John Hume, le politicien nord-irlandais architecte de l’Accord du Vendredi-Saint et Prix Nobel de la paix en 1998, a été inspiré par la vision de la construction de la paix en Europe au moyen de la libre circulation des biens et des personnes.

L’adoption du Brexit laisse un goût amer au Père Edmond Grace: «L’Union européenne ne peut pas se permettre d’être complice de la révocation unilatérale d’un Traité d’une importance essentielle pour les intérêts de l’un de ses Etats membres».

Le sentiment d’être supérieur

Le religieux oppose la souveraineté du Parlement britannique, principe fondamental de la Constitution, et les référendums à valeur consultative. Or le Brexit a changé la donne. «Alors que la majorité était courte (52 contre 48%) et que l’Ecosse et l’Irlande du nord avaient voté contre le Brexit, les partis travailliste et conservateur ont accepté que ce référendum ne pouvait pas être contesté par le Parlement».

Or ce changement de paradigme n’a pas été validé ni par le Parlement ni par le gouvernement. Le jésuite l’explique par le fait que «personne n’était disposé à assumer ce sentiment intrinsèque d’être supérieur et d’être à part qui fait tellement partie de la culture anglaise».

Du coup, le Père Grace estime que l’épreuve de force entre le séparatisme britannique et les valeurs européennes demeure. A cet égard, il rappelle les paroles prophétiques de Jean Monnet, père de l’Europe, rapportées dans ses Mémoires : «Les Anglais ne trouveront pas seuls la ligne de leur destin. Le changement leur viendra de l’extérieur». (cath.ch/comece/bl)

Bernard Litzler

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