Evangile de dimanche: parler ou se taire?

Qui n’a jamais été pris dans ce dilemme? J’aurais dû parler, ou au contraire: j’aurais mieux fait de me taire. Et cela à propos de diverses situations de la vie quotidienne, au plan profane mais aussi au plan religieux: se taire ou parler? L’évangile de ce dimanche permet de dépasser cette alternative et de manière inattendue. Un lépreux vient demander à Jésus non seulement d’être guéri physiquement, mais d’être purifié, c’est-à-dire réintégré socialement et religieusement dans sa communauté. En effet, la lèpre isole quelqu’un et en fait un marginal. Elle était encore plus terrible quand on ne savait pas comment la soigner. Au temps de Jésus, guérir un lépreux passait pour l’équivalent de ressusciter un mort!

On le voit clairement lorsque, au second Livre des Rois (5,7), Naamân le chef de guerre du roi d’Aram vient demander sa guérison au roi d’Israël, celui-ci déchire ses vêtements et dit: «Suis-je Dieu, capable de faire mourir et de faire vivre, pour que celui-là m’envoie quelqu’un pour le délivrer de sa lèpre?»

Le geste du Christ a donc une portée extraordinaire: c’est bien sûr un geste de bonté, c’est surtout un signe fort de son identité d’envoyé de Dieu. Quand Jean-Baptiste, pris de doute en prison, envoie une ambassade pour questionner Jésus sur son identité messianique, celui-ci le renvoie à ses gestes: les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent droit, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres (Mt 11). C’est la raison pour laquelle S. Marc situe la guérison du lépreux au sommet de la première journée de ministère de Jésus à Capharnaüm : elle en est le couronnement.

Alors, si cette guérison est l’expression d’une grande bonté et le dévoilement de l’identité de «Celui qui doit venir», si c’est un geste messianique éblouissant, pourquoi ne pas en parler? Jésus ordonne pourtant fermement au lépreux de se taire, mais lui n’en a cure et va partout annoncer la nouvelle si bien que Jésus doit s’enfuir au désert.

On a parfois fait de ce lépreux le patron des prêcheurs…, mais c’est surtout un désobéissant indiscret. Que lui avait demandé Jésus? Pas seulement de se taire, mais d’aller trouver un prêtre tout en apportant l’offrande prévue par la Loi. Il devait donc montrer son corps guéri, sa personne purifiée et laisser au prêtre le soin de déchiffrer cette vie nouvelle et d’en chercher la cause. Dieu sait donc être à la fois fort par le don d’une vie nouvelle et discret dans la parole. Il arrive aux croyants de faire le contraire: abondant par le verbe, discret en acte. La vie nouvelle offerte par le Christ à un croyant est aussi un message, à la fois fort et discret qui n’est pas fait que de paroles…

Jean-Michel Poffet | 9 février 2018


Mc , 40-45

En ce temps-là,
un lépreux vint auprès de Jésus ;
il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit :
« Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main,
le toucha et lui dit :
« Je le veux, sois purifié. »
À l’instant même, la lèpre le quitta
et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt
en lui disant :
« Attention, ne dis rien à personne,
mais va te montrer au prêtre,
et donne pour ta purification
ce que Moïse a prescrit dans la Loi :
cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti,
cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle,
de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville,
mais restait à l’écart, dans des endroits déserts.
De partout cependant on venait à lui.

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