Le bitcoin n’est pas une monnaie

Nous assistons dans notre pays à une offensive de la pensée ultralibérale que l’on appelle libertarienne. Sa première manifestation est l’initiative No Billag. La seconde est la mise en avant d’une soi-disant nouvelle monnaie appelée le bitcoin.

Ces deux entreprises ont une inspiration unique. Elles visent à réduire les services publics à une peau de chagrin (la défense, la justice, la police) et à privatiser les autres activités publiques au service du Bien commun au nom de la défense de la sacro-sainte propriété privée. Selon les libertariens, nous ne devrions payer que ce que nous consommons.

«L’idée de privatiser la monnaie n’est pas nouvelle»

L’idée de privatiser la monnaie n’est pas nouvelle. Elle a été formulée dans les années 1950 aux U.S.A par les économistes de l’école autrichienne et en particulier F. Hayek. Elle est mise en défaut par deux propriétés que doit posséder l’étalon et qui sont bien connues des spécialistes depuis le 19è siècle: la valeur et la validité. Une monnaie doit posséder une valeur économique garantie par une réalité: une production de biens et de services comme la plupart des monnaies actuelles ou son rattachement à un métal précieux, l’or ou l’argent. La deuxième propriété est sa validité. Elle doit être reconnue comme un étalon sur un territoire donné et cette reconnaissance ne peut être réalisée que par un service public indépendant: la Banque Centrale. Les milieux zurichois qui veulent l’expansion du bitcoin en Suisse, veulent également la disparition de la BNS qui est considérée  comme une prédatrice au service de la Confédération et des Cantons. Les deux propriétés, valeur et validité, ne sont pas possédées par ce nouvel instrument financier qui, en tant que réalité virtuelle, n’a aucune valeur réelle et n’est validé par aucun pouvoir public.

«Pourquoi cette vieille mauvaise idée revient-elle à la mode?»

Pourquoi cette vieille mauvaise idée revient-elle à la mode? La raison profonde en est que, telle Cendrillon, elle a enfilé une tenue brillant de mille feux: les nouvelles technologies informatiques. Le bitcoin a été fondé en 2009 par Satoshi Nakamoto, un pseudonyme que personne ne connaît, sur la base d’une technologie dite du «Blockchain» qui crée les unités de paiement dans un réseau d’ordinateurs très puissants. Ceux-ci attribuent à leurs propriétaires le privilège de toucher 12,5 bitcoins par bloc créé. Ces blocs rassemblent les transactions opérées en bitcoins dans des boîtes électroniques scellées. Ces propriétaires, appelés mineurs, ont un autre privilège : celui de tenir le grand livre des transactions en bitcoins, dont la sécurité serait garantie par des procédures informatiques sophistiquées. Le marché des bitcoins est donc hautement opaque et spéculatif.

Il est opaque car il est piloté par ces mineurs qui sont eux aussi anonymes On sait qu’à la fin de 2017, sur 16,7 millions de bitcoins en circulation, 37% ont changé de mains pendant l’année et 22% étaient détenus par des investisseurs Sur les 40% restants on ne sait rien sinon que la grande majorité des intervenants sont en Chine et passent par des plateformes japonaises.

«Le bitcoin n’est qu’un instrument à but spéculatif»

Il est spéculatif car il confronte une offre nécessairement réduite (son ou ses fondateurs l’ont limitée à 21 millions de bitcoins) à une demande explosive puisqu’elle attire tous les spéculateurs en mal de plus-value. C’est la recette des spéculations sur les tulipes en 1634-1637 ou de l’agiotage sur les actions de la Compagnie des Indes fondée par J. Law au début du 18è siècle. Le Bitcoin n’est donc pas une monnaie qui doit garantir la sécurité des échanges et sa valeur dans le temps mais un instrument de spéculation qui enrichira massivement les premiers arrivés et provoquera la faillite des derniers arrivants sur ce marché. Nous partageons l’analyse de Mme. Andréa. Maechler, numéro trois de la Banque Nationale Suisse, qui ne voit dans le bitcoin qu’un instrument à but spéculatif.

Jean-Jacques Friboulet | 07.02.18

 

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