Evangile de dimanche: entre les bêtes sauvages et les anges

Le carême est le temps du jeûne ; un temps de quarante jours, marqué par la sobriété. En ce premier dimanche de carême, qui évoque traditionnellement les quarante jours passés par Jésus au désert, le moins que l’on puisse dire, est que nous sommes gâtés en ce qui concerne la sobriété! En effet, à la différence de Matthieu et Luc qui décrivent avec précision ce qui se passe lors de ce temps d’épreuve pour le Christ, Marc est, comme à son habitude, beaucoup moins disert. Il nous indique, certes, que Jésus est resté quarante jours au désert, tenté par Satan. Mais il ne nous dit ni qu’il y a jeûné, ni quelles ont été les tentations auxquelles il a dû faire face. Marc emploie en revanche une expression concise: «Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient» (Mc 1,13). Dans leur brièveté, ces quelques mots contiennent un enseignement riche de sens sur ce qu’est, au fond, la tentation pour un disciple du Christ.

La tentation, de manière fondamentale, c’est nier ce qui fait notre spécificité comme homme. Or il y a deux manières d’entrer dans cette négation: en imitant les bêtes ou en imitant les anges. Imiter les bêtes, c’est se laisser aller aux penchants les plus bas, les plus violents et les plus directement instinctifs que nous portons. Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails: c’est souvent tout ce à quoi nous pensons spontanément quand on évoque le péché!

Mais il y a une autre face de cette même tentation qui nous guette plus subtilement. Nous pouvons aussi nier qui nous sommes en cherchant à être comme des anges. Nous nous désespérons alors de ne pas comprendre tout immédiatement, de porter une histoire qui nous rend tributaire du comportement de nos semblables, de retomber dans les mêmes égarements, d’avoir un corps qui paraît nous handicaper dans notre quête spirituelle…

Ce qui fait notre dignité, c’est notre capacité à dire «oui»

Lutter contre la tentation, c’est, au contraire, chercher à nous tenir entre ces deux extrêmes, au milieu des bêtes sauvages et des anges. Le philosophe Paul Ricœur a une belle formule pour définir la vie de l’homme. Il indique que c’est «la joie du oui dans la tristesse du fini». Notre caractère fini, nous y sommes sans cesse confrontés. Mais ce qui fait notre dignité, c’est notre capacité à dire «oui». Un «oui» qui n’est pas le consentement bestial à un quelconque instinct, mais une manière d’accepter avec amour notre condition d’homme sans chercher à la fuir par d’hypothétiques battements d’ailes angéliques.

C’est à cela que nous invite le temps du carême: consentir à être saisis par le «oui» que le Christ a adressé au Père dans sa mort pour pouvoir, à Pâques, dire notre «oui» à Dieu: Oui, je crois qu’en Toi je peux aimer ma condition humaine, être un homme debout.

Jacques-Benoît Rauscher | 15 février 2018


Mc 1, 12-15

Jésus venait d’être baptisé.
Aussitôt l’Esprit le pousse au désert
et, dans le désert,
il resta quarante jours,
tenté par Satan.
Il vivait parmi les bêtes sauvages,
et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean,
Jésus partit pour la Galilée
proclamer l’Évangile de Dieu ;
il disait :
« Les temps sont accomplis :
le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous
et croyez à l’Évangile. »

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