A Damas, l’exode des chrétiens s'accélère, déplore Mgr Samir Nassar

Alors que les obus de mortiers et les roquettes tirées depuis les zones rebelles de la Ghouta orientale continuaient dimanche 25 février 2018 de s’abattre sur le quartier de Bab Touma, à Damas, et sur la zone d’Abassiyine, la communauté chrétienne de la capitale syrienne s’étiole, déplore Mgr Samir Nassar, archevêque maronite de Damas.

A Damas, peut-on lire dans son message de carême publié par l’Œuvre d’Orient à Paris,  »la construction ecclésiale s’effondre doucement…»  »Sommes-nous en train de tourner la page ?», se demande le prélat maronite dans son message de carême. Et de relever qu’en 2017, au sein de sa communauté, seuls 10 mariages ont été célébrés contre 30 l’année précédente, et 7 baptêmes au lieu de 40.

Bombardements aveugles

«Avec les obus aveugles qui tuent les innocents chaque jour, nous continuons à vivre en sursis entre les mains de la Providence, s’appuyant sur la voix du Seigneur qui nous dit: ‘N’aie pas peur petit troupeau’ Luc 12,22».

Cette septième année de guerre en Syrie a vu l’intensité des combats et des violences, qui n’ensanglantent pas seulement la zone rebelle de la Ghouta orientale, sur laquelle se concentre l’attention médiatique. L’exode se poursuit partout à un rythme plus rapide, surtout parmi les jeunes et les hommes, ce qui provoque une pénurie aiguë de main d’œuvre. La crise sociale, l’inflation et le blocus font des Syriens qui restent «un peuple pauvre qui vit  sur  l’assistanat et la mendicité», écrit-il dans son message de carême.

«60% des blessés meurent par manque de soins»

Mgr Samir Nassar révèle que 80% du corps médical a quitté le pays, dont 90% de médecins. «60% des blessés meurent par manque de soins…La solution de paix reste lointaine même bloquée. Les 12 millions de réfugiés ne sont pas plus malheureux que le reste du peuple syrien abandonné sur place».

Devant cette situation douloureuse, l’action caritative, au lieu de se développer, ne cesse de reculer par manque de structures et d’agents sociaux bien formés. Ainsi le nombre des familles assistées par l’Eglise en 2017 se limite à 828 familles contre 1407 en 2016… «Combien seront-elles en 2018 ?», se demande-t-il.

Les chrétiens d’Irak

«Ce recul rapide ne nous laisse pas souffler, la situation se dégrade chaque jour et les partants se défilent devant nos yeux sans pouvoir les retenir ni leur dire au revoir. Un déchirement intérieur très angoissant nous habite», se désole-t-il.

«Lors de mon installation à Damas en décembre 2006, conclut Mgr Samir Nassar, un prêtre du diocèse me disait: seras-tu le dernier évêque [maronite] de Damas ? Trouveras-tu quelqu’un à qui remettre la clé de la cathédrale ? Regardant l’exemple Irakien, j’ai peur que son intuition soit vraie…»

Appel au cessez-le-feu

Selon le ministère russe de la Défense, les rebelles et les djihadistes de la Ghouta orientale – Jaysh al-Islam, Jabhat al-Nosra, Ahrar al-Cham, Faylaq al-Rahmane et Liwa Fajr al-Oumma – se seraient rassemblés dans un centre de commandement unique. Ces dernières 24 heures, 31 obus ont été tirés contre les quartiers résidentiels de Damas. Samedi soir 24 février, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution sur un cessez-le-feu en Syrie, qui réclame que «toutes les parties cessent les hostilités sans délai pour au moins trente jours consécutifs en Syrie pour une pause humanitaire durable».

Vladimir Poutine a déclaré le 26 février qu’une trêve humanitaire quotidienne devait être imposée dans la Ghouta orientale à partir du 27 février, entre 9h et 14h.

La Turquie poursuit ses bombardements

Le président français Emmanuel Macron a demandé le 26 février à son homologue turc Recep Tayyip Erdogan d’appliquer la résolution des Nations Unies qui exige un cessez-le-feu sur l’ensemble de la Syrie, et non pas seulement dans la Ghouta. L’armée turque bombarde  depuis le 20 janvier dernier l’enclave d’Afrine. Cette opération militaire d’envergure visant les Kurdes, baptisée «Rameau d’olivier», a déjà fait de nombreuses victimes civiles.

Profitant du silence de la communauté internationale, Ankara a annoncé le 26 février qu’elle continuerait ses opérations contre les «terroristes». La Turquie qualifie ainsi les Unités de protection du peuple kurde (YPG) et le Parti de l’union démocratique (PYD), pourtant alliés des Etats-Unis dans la lutte contre Daech, l’Etat islamique. (cath.ch/oeuvre-orient/com/be)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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