Centrafrique: l'évêque de Bangassou dénonce la prostitution des réfugiées avec les Casques Bleus

La MINUSCA, la Mission de l’ONU en République centrafricaine (RCA), a déclaré le 7 mars 2018 sur son site internet prendre «très au sérieux les allégations d’abus sexuels commis par ses troupes» en RCA. Elle répondait ainsi à l’évêque de Bangassou, qui avait dénoncé le fait que des femmes réfugiées se prostituaient avec des Casques Bleus pour pouvoir manger.

Mgr Juan José Aguirre Muños, évêque de Bangassou, ville au sud-est de la RCA, à 500 kilomètres de la capitale Bangui, a affirmé que des femmes et des filles réfugiées depuis mai 2017 dans l’enceinte du séminaire de Bangassou se prostituaient avec des soldats de la paix de l’ONU pour obtenir des aliments pour elles et leurs familles.

Des adolescentes enceintes

«Elles sont désespérées. Elles meurent de faim et souvent insistent pour se vendre afin de pouvoir manger», déclare l’évêque d’origine espagnole. Parmi elles, se trouvent des adolescentes qui ont ainsi conçu des enfants.

Le séminaire de Bangassou, à 100 mètres de la cathédrale, héberge quelque 2’000 musulmans contraints de fuir les milices anti-Balaka, qualifiées à tort de «chrétiennes». Ces bandes criminelles commettent d’horribles violences, y compris des décapitations et des mutilations corporelles. «Les cœurs ou les entrailles sont arrachés aux victimes parce que ces miliciens disent que, de cette façon, ils volent leur âme», déplore Mgr Aguirre Muños.

Un crime contre l’humanité

Le Secrétaire général des Nations Unies, Antonio Guterres, s’est rendu à Bangassou. «Je lui ai dit qu’il y avait des femmes violées, dont certaines étaient mineures, et que c’était un crime contre l’humanité», dit Mgr Aguirre. «Une enquête a été ouverte, mais rien n’a changé. Ce n’est pas la première fois que des soldats de l’ONU le font. En 2015, un groupe de soldats de la paix congolais a été expulsé pour avoir offert des boîtes de lentilles en échange de rapports sexuels», rapporte le 8 mars 2018 l’agence d’information vaticane Fides.

De son côté, la MINUSCA relève que les «rumeurs de ces allégations ont été portées à l’attention des Nations Unies depuis quelques mois et ont été examinées par le biais d’une mission de recherche d’information menée avec l’aide de sources locales, notamment des institutions non-gouvernementales apportant assistance aux personnes déplacées présentes dans le site de l’évêché et qui sont souvent les premières à signaler ce type d’allégations».

Aucun élément tangible ?

Par ailleurs, les enquêteurs de la Force, le chef du bureau de la Mission à Bangassou et les officiers des Droits de l’homme basés dans cette localité ont aussi été mis à contribution. «La mission a conclu qu’aucun élément tangible ne pouvait étayer ces allégations. Néanmoins, la MINUSCA a également maintenu des contacts avec les acteurs locaux, afin de veiller à ce que de plus amples informations sur toute allégation nouvelle ou passée soient communiquées dès que possible».

La MINUSCA affirme «rester déterminée à assurer que toute nouvelle allégation d’exploitation et d’abus sexuels fasse l’objet d’une enquête et que les auteurs, dont la culpabilité aurait été établie par une enquête, soient dûment sanctionnés, conformément à la politique de tolérance zéro du Secrétaire général».

Un numéro vert

Dans ce contexte, la MINUSCA travaille à élargir son réseau communautaire de signalement de l’exploitation et des abus sexuels, y compris à Bangassou. Plus d’une centaine de membres de ces réseaux ont été formés et équipés par la MINUSCA à Bangui, Bambari, Dekoa, Kaga Bandoro et Sibut. Ils ont pour tâche de signaler en toute sécurité et en toute confidentialité les allégations d’exploitation et d’abus sexuels rapportées par des victimes, des témoins ou d’autres membres de la communauté, soit de manière directe, ou par le biais du numéro vert de la Mission, le 4044, peut-on lire.

L’ONU a créé un périmètre de sécurité autour du séminaire pour protéger les personnes déplacées qui n’ont que de l’eau à leur disposition. De fait, note Fides, la nourriture est rare à cause des barrages érigés par les miliciens anti-Balaka, ce qui force les femmes à se vendre pour manger. (cath.ch/minusca/fides/be)

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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