«La migration révèle les craintes des personnes les plus nanties»

Dans un monde en perpétuel mouvement, Caritas Suisse plaide pour une politique d’asile juste et responsable, qui garde toujours en perspective l’intérêt supérieur des personnes. L’œuvre d’entraide catholique a rappelé cette exigence, le 16 mars 2018, à La Maison de la Paix, à Genève.

Le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) veut dissuader les migrants nigérians de venir en Suisse. Cela en finançant une série TV destinée aux candidats à l’exil, apprenait-on dans plusieurs médias romands et alémaniques fin février. La Confédération a d’ailleurs subventionné plusieurs projets similaires ces dix dernières années. Interrogé sur cette question, Hugo Fasel, directeur de Caritas Suisse, répond que cela ne découragera en rien les migrants de tenter le voyage. Au lieu d’essayer de dissuader, il faut plutôt travailler sur les inégalités qui poussent ces personnes à quitter leur pays.

De plus, «les chiffres des candidats à l’exil restent modestes et sans proportion avec la réaction qu’ils produisent chez les Européens», explique Alessandro Monsutti, professeur d’anthropologie et de sociologie à l’Institut de Hautes études internationales et du développement (IHEID), à Genève. «Le premier pas que nous pouvons faire est d’accepter l’inéluctabilité de ces mouvements», car personne ne pourra les stopper, ajoute-t-il.

Etre à l’écoute du xénophobe

«Nous vivons dans le monde le plus inégalitaire qui soit», affirme le professeur à l’IHEID. Ces mouvements de personnes sont une réponse à ces inégalités. Mais la migration révèle les craintes des personnes les plus nanties, alors que l’accueil du plus faible devrait plutôt nous ennoblir. «L’anxiété est légitime face à la précarisation des conditions de vie en Occident», avance l’orateur. On ne peut donc pas pointer du doigt ceux qui expriment leurs peurs par la xénophobie sans chercher à en comprendre les raisons profondes. Il préconise plutôt de construire un dialogue autour de cette anxiété partagée.

S’il est nécessaire d’être attentif aux peurs que génère la migration, cela peut-il justifier de supprimer l’aide aux réfugiés en grande détresse? De là, il n’y a qu’un pas. «Par le soutien de projets concrets sur le terrain, la Confédération aide des êtres humains», explique Hugo Fasel. L’organisation s’oppose pourtant au financement de l’aide humanitaire sous condition du retour des réfugiés dans leur pays. «Nous sommes face à une instrumentalisation de la coopération au développement. Nous ne pouvons pas accepter cela».

Les réfugiés font-ils couler l’Europe?

«Il est complètement faux de penser que les réfugiés veulent toujours venir en Europe», affirme le directeur de Caritas Suisse. Au contraire, beaucoup d’entre eux se réfugient dans les pays limitrophes. Le Liban compte 4 millions d’habitants et une personne sur trois est un réfugié. En comparaison, l’Europe, avec 650 millions d’habitants, fait pâle figure face à l’afflux, soudainement moins massif, de ses 1,5 millions de réfugiés. «Quant à la Jordanie, elle s’endette chaque année un peu plus. Pourtant, lorsque les Syriens demandent l’asile, elle les accueille», relève Hugo Fasel. Dès lors, il s’indigne: «Comment la Suisse et ses 20’000 réfugiés syriens l’année dernière peut-elle demander à la Jordanie de les reprendre?». Le directeur de Caritas note que, dans son petit village fribourgeois, il n’y a jamais eu l’ombre d’un réfugié et que «si la Suisse a un problème d’identité, ce n’est certainement pas leur faute». (cath.ch/myb/rz)

Raphaël Zbinden

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