Brésil: une secte maintenait près de 600 personnes en esclavage

Le ministère du Travail brésilien a poursuivi en justice des entreprises liées à la secte «Communauté Évangélique Jésus, La vérité qui marque», après avoir libéré 565 personnes en situation analogue au travail esclave dans trois Etats du Brésil.

Des opérations menées conjointement le 15 mars 2018 par les fonctionnaires de l’Inspection du travail et de la police fédérale ont permis de libérer 565 personnes qui se trouvaient en situation de travail esclave dont 32 étaient mineures. Ces opérations policières ont été diligentées dans trois grandes propriétés agricoles situées dans les Etats du Minas Gerais, de Bahia et de Sao Paulo.

Durant les opérations, la police a arrêté le pasteur Cícero Vicente de Araújo, fondateur de cette Eglise et accusé de maintenir les fidèles en situation de travail esclave. Par ailleurs, une demi-douzaine de cadres de cette même Eglise, outre ces accusations de travail esclave, font également l’objet d’une enquête pour trafic de personnes, fraude, association de malfaiteurs, évasion fiscale et blanchiment d’argent.

Des promesses de paix spirituelle

Les premiers témoignages de victimes recueillis par les fonctionnaires de la police Fédérale ont mis à jour la manière dont le pasteur Cícero Vicente de Araújo a attiré des centaines de personnes avec des promesses de paix spirituelle, qui se sont révélées être un piège. La plupart des victimes ont d’ailleurs perdu tous leurs biens, ont été éloignées de leurs familles et pour nombre d’entre elles finalement soumises à une situation de travail esclave.

«Tout donner pour éviter que le monde disparaisse»

Dans Fantástico, l’émission dominicale de la chaîne de télévision Globo, les témoignages de rescapés donnent une idée de l’ampleur de la manipulation. «J’ai fréquenté cette Eglise pendant près de dix ans. La manipulation est tellement forte que vous finissez par être persuadé que vous devez faire ce que le pasteur demande (n.d.l.r. accepter des conditions de travail inhumaines) car sinon, le monde va disparaître», témoigne un ancien fidèle. En plus de tout donner à l’Eglise, l’homme a également raconté que le pasteur lui avait demandé de solliciter l’aide matérielle de sa mère. «J’ai fait en sorte qu’elle aille à la banque et contracte un emprunt de 60’000 réaux» (environ 17’300 francs suisses).

Des logements infectés de rats

Selon la police, São Paulo était le centre de recrutement de cette secte. Après avoir donné leurs maisons ou appartements, de nombreux fidèles ont été jusqu’à louer des logements administrés par les dirigeants de la «Communauté Évangélique Jésus, La vérité qui marque». «Des logements insalubres et tellement infectés de rats qu’il fallait mettre de la mort aux rats pour pouvoir espérer dormir la nuit», décrit un autre fidèle.

Près de six mille fidèles espérant des miracles

Selon les estimations de la police fédérale, la secte comptait quelque six mille fidèles. Pour Antônio Geraldo da Silva, président de l’Association brésilienne de psychiatrie, ces fidèles ont un point commun. «Ce sont des gens qui espèrent des miracles. Lorsque les personnes recherchent cela, elles sont absolument certaines que l’autre partie est capable de réaliser leur désir, de répondre à leurs besoins, de réaliser ce miracle qu’elles attendent. C’est pour ces raisons qu’elles se donnent pieusement».

Un empire de 29 millions de francs

Les «miracles» se sont en fait révélés être des enfers sous la forme de douze grande exploitations agricoles et 35 établissements commerciaux, dont la valeur globale est estimée à 100 millions de réaux (près de 29 millions de francs suisses). Parmi les grandes exploitations figurent par exemple celle de São Vicente de Minas, dans l’Etat du Minas Gerais, qui produisait des fruits et légumes pour les restaurants des grandes villes. Des grandes propriétés présentées comme des lieux idéaux pour mener une existence tranquille, loin de la violence urbaine, comme l’a indiqué une des victimes qui a raconté avoir tout vendu pour se rendre, avec sa femme et ses enfants, dans ce qu’il croyait être «un lieu de vie meilleur». (cath.ch/jcg/rz)

Raphaël Zbinden

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