Suisse romande: Introduction de la nouvelle traduction française du «Notre Père»

Les Églises chrétiennes – catholique, réformées et évangéliques – de Suisse romande introduiront la nouvelle traduction de la prière du «Notre Père» à l’occasion de Pâques, le 1er avril 2018. Déjà appliquée en France et dans d’autres pays francophones, cette modification a été l’objet d’une large consultation entre les différentes Églises romandes, dans un esprit œcuménique.

Initialement prévue pour l’ouverture de l’Avent 2017, l’introduction de la nouvelle traduction a été repoussée à Pâques 2018 en Suisse, afin de permettre aux Synodes des Églises réformées romandes et au Réseau évangélique de se rallier à la modification du «Notre Père» déjà approuvée par la Conférence des évêques suisses.

En optant pour une nouvelle traduction commune et en l’introduisant simultanément dans leur liturgie, les Églises réaffirment leur volonté d’œuvrer dans un esprit d’unité, note le communiqué. La première traduction œcuménique du «Notre Père» avait été introduite en Suisse romande en 1966.

Les communautés chrétiennes romandes sont invitées à prier le «Notre Père» selon la nouvelle formule au matin de Pâques, marquant ainsi son introduction officielle.

«Ne nous laisse pas entrer en tentation»

La nouvelle traduction de la sixième demande du «Notre Père»: «Ne nous laisse pas entrer en tentation» remplace l’ancienne formulation controversée «Ne nous soumets pas à la tentation». Cette demande formule un aspect capital de la vie dans la foi: la possible exposition au mal, explique dans le feuillet de présentation Jean Zumstein, professeur émérite de Nouveau Testament à l’Université de Lausanne. Le verbe grec utilisé dans cette demande signifie littéralement ‘faire entrer dans’. Précédé d’une négation, il peut s’entendre d’une double façon. Soit «ne nous introduis pas dans la tentation» soit «fais que nous n’entrions pas dans la tentation». Cette ambiguïté doit être maintenue.

Jean Zumstein y ajoute un double commentaire. D’une part, l’auteur de la tentation n’est pas nommé. D’autre part, comme le démontre la forme active du verbe utilisé, Dieu, selon la tradition biblique, a autorité sur le bien et sur le mal – et, à ce titre, sur la tentation. C’est pourquoi le croyant peut s’adresser à Lui pour être épargné. Dans le Nouveau Testament, Dieu n’est jamais présenté comme le Tentateur. C’est au contraire à Satan qu’est attribué ce rôle, mais ce dernier demeure toujours sous l’autorité de Dieu.

La tentation n’est pas le mal

Mais alors, de quelle tentation est-il question dans cette demande, s’interroge le théologien. Par tentation, il faut entendre toute situation derrière laquelle se tient la puissance du mal et dont on espère être préservé, car elle pourrait conduire à la mise en cause de la foi, en d’autres termes, à renier Dieu. La tentation n’est pas le mal, mais l’occasion d’y succomber.

En apprenant à ses disciples à prier de cette façon, Jésus prend en compte leur fragilité. Exposé à la tentation, le croyant est en danger d’y céder. C’est pourquoi le «Notre Père» ne voit pas d’abord dans la tentation une occasion d’affermir sa foi, mais au contraire une menace. Le Dieu du «Notre Père» montre ainsi sa sollicitude en se souciant de la fragilité et de la faillibilité de l’être humain.

Eviter que la relation soit rompue

Jean Zumstein conclut en rappelant que le «Notre Père» n’en reste pas à la demande négative d’échapper à la tentation. Il y ajoute une requête positive: «Mais délivre-nous du mal». Il ne s’agit pas seulement d’être préservé de la tentation, mais d’être libéré du mal. Dieu est sollicité pour intervenir et accomplir un geste libérateur. Cette ultime requête reprend la demande précédente et l’approfondit. La réalité de la puissance du mal qui se cache derrière la tentation est prise au sérieux.

Ici encore, la même vision de l’être humain apparaît : le croyant est faillible et il a besoin de l’aide active de Dieu pour ne pas être détruit par la force du mal. Nul doute que ces deux dernières demandes en «nous» formulent quelque chose d’absolument nécessaire à la vie dans la foi: éviter à tout prix que la relation nouée avec le Dieu de l’Evangile ne soit rompue.

La prière chrétienne

Le propre de la prière chrétienne est bien de s’adresser au Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, établissant avec lui une relation vivante et personnelle, souligne de son côté Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion. Les disciples sont témoins que leur Maître vit cette expérience qui suscite en eux-mêmes le désir de prier, le désir de Dieu. Alors, ils demandent à Jésus: «Apprends-nous à prier».

De cette insistance des disciples, Mgr Lovey retient plusieurs enseignements: La prière naît au plus intime d’un désir, là où l’Esprit travaille déjà, à l’insu même du futur priant. Le désir de la prière est suscité par l’expérience d’un autre priant. La prière peut s’apprendre mais comme tout apprentissage, elle demande du temps, de l’exercice, une forme de répétition.

La prière chrétienne se met donc fidèlement à l’école d’un Maître. Il s’agit de le contempler lui-même en train de prier, d’écouter attentivement son enseignement. (cath.ch/com/mp)

Dossier ‘Notre Père’ du Centre romand de pastorale liturgique

Dossier ‘Notre Père’ de la Conférence des Eglises réformées romandes

Dossier ‘Notre Père’ de la Conférence des évêques de France

Maurice Page

Portail catholique suisse

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