Le pré-synode des jeunes à Rome: une voix à entendre !

Du 19 au 24 mars s’est tenue à Rome une réunion pré-synodale des jeunes du monde entier. Ce rassemblement a permis de donner la parole aux jeunes avant que les évêques ne se réunissent en fin d’année. De cette rencontre est sorti un document très précieux pour le monde et pour l’Église: il est le fruit de ces discussions animées, il est une parole qui doit être entendue et prise en compte, il est aussi une chance inestimable de mieux comprendre la jeunesse et ses aspirations.

Parce que cette opportunité de se mettre à l’écoute d’une assemblée si unique est particulièrement enthousiasmante, je ne peux qu’encourager à lire ce texte – on peut en trouver la traduction française (encore non-officielle).

En le lisant, je me suis retrouvée  la fois comme observatrice, je n’y ai pas assisté et j’avais très envie de savoir ce que les jeunes souhaitaient dire à l’Église et les réflexions que cela pourrait engendrer, et comme partie prenante, car certains ont mon âge et je reconnais dans ces mots les défis, les joies et les craintes de ma génération. J’y ai aussi perçu une puissante espérance, de celle qui permet à l’Église de traverser les siècles en se mettant à l’écoute de l’Esprit et du cœur des hommes.

Résumé subjectif

Pour ceux qui n’auraient pas le loisir de lire le document en entier, voici quelques points qui m’ont paru en ressortir particulièrement:

– La paix: Les jeunes connaissent l’insécurité et sont témoins de nombreuses violences, dont celles qui peuvent gangrener un pays: la corruption, le trafic d’être humains, etc. Ils rêvent de pouvoir grandir en sécurité dans un monde stable et en paix.

La cohérence: que l’Église soit attachée d’abord, avant tout et surtout à la figure du Christ. Dans le même ordre d’idées, elle ne doit pas hésiter à mettre à jour, condamner et se repentir pour les scandales liés aux abus sexuels ou aux mauvaises gestions financières.

– La communauté: le désir de faire corps est relevé à plusieurs repriseset se concrétise dans une envie de se retrouver, de se reconnaître dans un groupe qui partage une même foi. Cependant, les paroisses ne semblent pas répondre à cette attente forte.

– La formation: sur la doctrine de l’Église que les jeunes ne saisissent pas toujours bien, à la fois sur les questions d’ordre moral sur lesquelles ils peuvent être en désaccord avec l’Église mais aussi sur le kérygme, l’énoncé de la foi.

– La place des femmes: le sujet a, semble-t-il, suscité de nombreuses et vives discussions. C’est un sujet particulièrement important pour les jeunes rassemblés qui évoquent un «rôle peu clair» des femmes dans l’Église.

– La recherche d’une vocation: dans cette recherche du sens donné à une vie, les jeunes reconnaissent leur difficulté à faire de leur attachement au Christ un guide ou un cap dans ces choix.

– La vulnérabilité: elle revient à plusieurs reprises. «Une qualité particulièrement importante chez les accompagnateursest la reconnaissance de leur propre faillibilité». Que l’Église et ses témoins, les éducateurs ou les guides spirituels n’aient pas peur de reconnaître leurs failles et de les apprivoiser plutôt que de tenter de les cacher (la chute n’en sera que plus rude pour tout le monde).

– Les périphéries: rejoindre les jeunes dans leurs lieux de vie, la rue, les bars, les salles de sport, etc. Et utiliser des instruments de tous types, et (forcément, on pense à internet) pas nécessairement révolutionnaires (l’adoration!).

Deux défis essentiels

Ces différents éléments peuvent amener à bien des réflexions sur la façon de répondre à ces attentes, ces questions… J’aimerais souligner deux aspects encore qui m’ont paru particulièrement importants et sur lesquels il y a, je pense, une profonde réflexion à mener.

Le premier est ce très beau désir: «Même si un débat interne existe, les jeunes catholiques, dont les convictions sont en conflit, veulent rester dans l’Église». Ce désir est magnifique car il signifie un fort attachement à l’Église malgré des clivages existant, une grande attente envers elle. Les dissensions sur les questions morales ne sont pas nouvelles. Ces lois sont pourtant soulevées comme juste, intéressantes et porteuses de sens pour certains jeunes, pas assez expliquées pour d’autres selon le texte. Cependant, est-ce que ce désir ne met pas aussi à jour notre difficulté à inclure les personnes qui ne se sentent pas en plein accord avec les enseignements de l’Église? N’avons-nous pas tendance à établir une certaine stigmatisation? Qui peut finalement prétendre vivre parfaitement l’enseignement de l’Église et les préceptes évangéliques? La question n’est pas neuve mais prenons garde à ne pas trop vite oublier tout ce qui a été médité lors du récent jubilé de la miséricorde et qui accompagne désormais notre foi et notre manière de faire Église.

Le second aspect est un passage qui m’a particulièrement posé question: «Malheureusement, tous parmi nous ne croient pas que la sainteté est un objectif atteignable et un chemin de bonheur». Cette phrase étonnante nous impose de manière urgente de réfléchir à la façon dont la sainteté est proposée au monde. N’est-elle pas un chemin de joie sur lequel tout baptisé s’aventure? À quel moment la sainteté est-elle devenue à ce point un objectif inaccessible? Une question qui fait fortement écho à l’actualité ecclésiale dans l’attente de l’exhortation sur la sainteté annoncée prochainement… Nul doute que François apportera toute sa pédagogie et sa respiration à ce beau sujet qu’est la sainteté. Peut-être d’ailleurs que c’est justement en creusant cette nécessaire vulnérabilité que nous pourrons proposer un chemin de sainteté crédible, libérateur, humain et joyeux?

Au terme de cet article, il serait assez légitime de se demander, perplexe: mais c’est qui finalement cette «Église» à laquelle ces jeunes s’adressent? Alors oui, ils ont répondu à une invitation du pape et orientent la réflexion des évêques, mais cette Église finalement c’est surtout nous tous… À nous de nous sentir concernés!

Marie Leduc Larivé | 06.04.2018

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