L’abbé Breuil: le «pape de la Préhistoire»

Des hommes d’Eglise français ont été des pionniers de la paléontologie, un exemple en est l’abbé Henri Breuil. Né en 1877, il entre au séminaire de Saint-Sulpice en 1895. L’époque est marquée par des rapports difficiles entre la science et la foi. En particulier la doctrine darwinienne de l’évolution bouscule la lecture traditionnelle du livre de la Genèse: la création du monde en six jours et la naissance de l’humanité à partir du couple d’Adam et Eve. La généalogie de Jésus attribue à l’histoire du monde une durée d’environ 4’000 ans.

Henri Breuil se passionne pour la question et veut défendre la position catholique. Il obtient de ses supérieurs d’étudier les sciences naturelles et se consacre à ce travail. Il y parvient si bien qu’il a été considéré comme le «pape de la Préhistoire» en France. Mais cela n’a pas été sans provoquer des remous qui ont bousculé la théologie de la première moitié du 20e siècle.

En 1950, l’encyclique Humani generis insiste sur l’affirmation que tous les humains descendent réellement d’Adam et Ève.

Ayant obtenu sa licence en sciences naturelles en 1904, l’abbé Breuil est nommé professeur de préhistoire à l’université de Fribourg en Suisse. Il appelé ensuite à la chaire de paléontologie humaine à Paris en 1910, sa carrière se poursuivra ensuite au prestigieux Collège de France de 1929 à 1947. Il s’illustre notamment dans la découverte et la mise en valeur de l’art pariétal des grottes françaises. Il donne une première description de la fameuse grotte de Lascaux. Ses voyages l’emmènent également en Espagne et en Afrique. Son ouvrage Quatre cents siècles d’art pariétal, publié en 1952, lui vaut une réputation mondiale.

Il est devenu également un spécialiste de l’outillage en pierre de nos lointains ancêtres. Il parvient ainsi à distinguer les différentes formes de civilisation du Paléolithique supérieur (-45’000 à –10’000 ans). Il visite également le Père jésuite Emile Licent, qui a créé le premier musée de paléontologie de Chine en 1914. Il y rencontre un autre jésuite, le P. Teilhard de Chardin, qui préside la Mission géologique française depuis 1923. Avec d’autres paléontologues européens et américains, ils participent aux travaux autour du Sinanthrope le premier homme ancien découvert en Asie.

Entre temps, les abbés Amédée et Jean Bouyssonie avaient mis au jour, en 1908, le squelette de «l’homme de la chapelle-aux-Saints», qui paraissait une forme intermédiaire entre l’homme et le singe, renforçant ainsi les théories évolutionnistes de Lamarck et de Darwin.

De toute manière, les géologues travaillent déjà à l’échelle de millions d’années et les anthropologues en dizaines de milliers. Cela oblige à reconsidérer les datations de l’histoire biblique. Teilhard de Chardin, qui essaie de réfléchir à une lecture nouvelle du livre de la Genèse, se voit interdire de publier sur le sujet et doit se consacrer aux seuls travaux scientifiques.

En 1950, l’encyclique Humani generis insiste sur l’affirmation que tous les humains descendent réellement d’Adam et Ève et condamne les historiens de la «nouvelle théologie» qui en tentent une lecture symbolique. Malgré la forte présence du clergé dans la paléontologie, le dialogue avec la théologie classique reste bloqué. Teilhard de Chardin meurt en 1955, alors que ses œuvres se répandent en polycopiés. L’abbé Henri Breuil décède en 1961, une année avant que le Concile Vatican II amorce une relecture fondamentale de l’histoire biblique. Elle a été aidée par la découverte de l’art et des techniques des vieux ancêtres de l’humanité auxquels l’abbé Breuil avait consacré toute sa vie.

Jean-Blaise Fellay | 20.04.2018

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