Ne laissons pas mourir la terre ! !

Guy Musy | Le pape François s’apprête à visiter Genève ces prochaines semaines. Plus précisément le 21 juin, premier jour d’un été qui s’annonce donc chaleureux pour nos Eglises.

A vrai dire, l’évêque de Rome ne rend pas visite à Calvin, ni même aux catholiques infiltrés dans sa ville, mais d’abord au Conseil oecuménique des Eglises (COE) établi à Genève suite à sa fondation à Amsterdam en 1948, voici 70 ans déjà. Visite de routine, diront certains qui ignorent les débuts difficiles et douloureux de l’œcuménisme. François est le troisième pape à entreprendre cette démarche fraternelle. D’autant plus remarquable qu’elle survient 90 ans après la condamnation portée par l’encyclique Mortalium animos de son prédécesseur Pie XI, hostile à toute tentative de rapprochement entre Eglises ou communautés chrétiennes divisées qui ne serait pas conforme à une seule conception d’unité: le retour et la soumission de toutes les Eglises et communautés présumées dissidentes à l’Eglise romaine, seule garante de la fidélité à l’héritage du Christ Jésus. Que de chemin parcouru en moins de deux générations! Il est vrai que l’Esprit, comme le vent dont on entend la voix sans savoir ni d’où il vient ni où il va, conduit l’Eglise sur des chemins surprenants et inattendus.

«La naissance du COE a été un long processus»

Le COE n’est pourtant pas tombé du Ciel comme une météorite. Un long processus a précédé sa naissance. Tout d’abord, la nécessité d’une concertation entre Eglises professant la même foi dans la seigneurie du Christ. Comment, sans scandale, prêcher l’unique Sauveur en rangs hostiles et concurrents? Dans un tel contexte, toute entreprise missionnaire chrétienne est vouée à l’échec. Dès la fin du XIXème siècle, des missionnaires – protestants –  l’ont  compris. Ils ont réagi en créant un conseil missionnaire interconfessionnel.

Plus tard, un autre scandale amena des responsables d’Eglise à se retrouver au-delà de leurs frontières habituelles: deux guerres mondiales virent des chrétiens s’affronter et s’entretuer dans une violence inouïe. Il s’agissait pour ces hommes d’Eglise de faire advenir ce qu’ils appelaient un «christianisme pratique», un engagement concret au service de la justice et de la paix, quelles que soient les confessions de foi.

Enfin, quelques théologiens ont voulu répondre à l’impatience de chrétiens divisés qui n’en pouvaient plus de prier ou de communier chacun enfermé dans sa bulle liturgique, alors que le reste de la vie ne faisait que les rapprocher. Et ce fut la fameuse commission Foi et Constitution, le troisième pilier du COE.

«Pouvons-nous continuer de témoigner de la Résurrection en rangs dispersés?»

Trois moments indispensables, trois étapes qui scandent encore la marche qui devrait nous conduire un jour à l’Unité. Chrétiens d’Occident, nous voici devenus minoritaires sur nos terres. Pouvons-nous continuer de témoigner de la Résurrection en rangs dispersés? Minoritaires sans doute, mais riches de tant de biens, nous pesons sur le cours de l’histoire. Acceptons-nous de laisser mourir le monde, sans nous engager ensemble à le sauver? Enfin, le temps n’est-il pas venu de faire sauter nos carapaces et décortiquer nos écorces confessionnelles pour reprendre force à la même table, là où sont servis le même Pain et la même Parole au bénéfice de tous?

Guy Musy

25 avril 2018

 

 

 

 

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