Si l’Évangile était un programme politique, Jésus serait un leader, charismatique et écouté. En effet, les lectures que nous venons d’entendre le prouvent. « Sur la montage, Dieu donna ce commandement : » de respecter le sabbat, c’est-à-dire de travailler six jours, mais de se reposer le septième en ne faisant aucun ouvrage, « ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante et même, ni ton bœuf, ni ton âne » et aujourd’hui nous pourrions ajouter sans ta voiture, sans ton portable. C’est le sabbat, le repos du dernier jour de la semaine, le repos du samedi.
Le sabbat est fait pour l’homme
Cette obligation donnée par Dieu à Moïse au Sinaï doit donc être suivie dans toute sa rigueur et imposée par une législation sévère afin que tous se rappellent que Dieu libéra son peuple, esclave en Égypte. Ainsi les Pharisiens, ceux qui veulent honorer Dieu « de tout leur cœur, de toute leur âme et toute leur force » ne pouvaient qu’être scandalisés de l’attitude de Jésus. Mais, lui,« navré de l’endurcissement de leur cœur », promène sur eux un regard de colère et leur rappelle que « le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. »
Le dimanche : temps de repos et de prière
Et nous chrétiens à sa suite, nous ne pratiquons plus ces préceptes et lorsque nous honorons notre Dieu, c’est lorsque nous célébrons l’eucharistie le premier jour de la semaine, c’est-à-dire, le dimanche, c’est lorsque nous proclamons le mystère de notre foi : mort et résurrection de Jésus et attente de sa venue. Jésus a donc réussi à transformer le sabbat du Sinaï en un autre temps de repos et de prière : le dimanche.
Aussi aujourd’hui, notre temps, celui de notre travail, de nos loisirs comme de notre vie spirituelle s’écoule, toujours et encore, rythmé par le repos dominical. Jetés dans le temps, nous ne pouvons pas ne pas inscrire toutes nos activités dans le temps et nous nous devons donc de donner, à intervalle régulier, un temps pour Dieu. C’est ce que nous faisons chaque dimanche.
Pourtant, à y regarder de plus près, nous constatons que Jésus n’a pas pu ou voulu imposer un temps spécifiquement chrétien. D’ailleurs, voyez les noms des jours de la semaine dont l’origine est, pour la plupart, un dieu païen : mercredi, Mercure, le dieu du commerce, vendredi, Venus, la déesse de l’amour. De même, pour la désignation des mois : janvier, Janus, le dieu du changement, mars, Mars, le dieu de la guerre. Ou alors, cette désignation n’est qu’un rappel, sans aucune connotation religieuse, de l’ordre imposé : septembre, octobre, novembre et décembre, sept, huit, neuf et dix. Nous pourrions alors croire que, par convention interchangeable, nous pouvons décider de marquer le temps comme nous le voulons. Il suffirait alors de vouloir un changement pour que celui-ci se fasse sans faute. Ainsi Jésus permit à ses disciples, chemin faisant, d’arracher des épis, activités interdites pendant le sabbat, comme le roi David l’avait fait au temps de sa fuite. Il est alors vrai que le rythme que nous donnons à notre temps dépend de notre volonté. C’est pourquoi nous continuons et continuerons à nommer les jours de la semaine et les mois de l’année comme nous le faisons.
Nous devons faire le bien
D’autre part, la seconde partie de l’Evangile, nous montre que Jésus va plus loin et plus profond. Là, il n’est pas question de conventions, de coutumes interchangeables, mais «de faire le bien ou de faire le mal, de sauver une vie, ou de tuer». Là, il n’est pas question de laisser à notre bon vouloir de prendre telle ou telle décision selon certaines conventions ou coutumes. Là, nous devons faire le bien. Le temps nous presse et nous y oblige. Ainsi Jésus guérit l’homme à la main paralysée. Chrétiens, nous devons célébrer notre foi et inscrire dans notre temps un temps pour Dieu. Le dimanche serait ainsi ce moyen de marquer chrétiennement notre vie, de nous rappeler que nous devons faire le bien, que le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat.
Un amour qui se déploie dans le temps
Ainsi, le Christ, dans l’Évangile que nous venons d’entendre, ne veut pas supprimer la loi de Moïse pour en imposer une autre – toute aussi arbitraire. C’est pourquoi il nous laisse le choix de nous organiser comme nous le voulons. Par contre, il rappelle à chacun d’entre nous que le but du sabbat, le but de la sanctification du dimanche, n’est pas de remplir un certain nombre de préceptes aussi bons soient-ils, mais de faire le bien, de répondre à notre vocation de chrétien, qui n’est que d’aimer de tout notre cœur, de toute notre âme et toute notre force Dieu et notre prochain. Cet amour n’est pas hors du temps. Cet amour ne peut, à cause de notre condition humaine que se déployer dans le temps. Voilà ce que l’Evangile de ce dimanche nous rappelle, à nous qui sommes toujours tentés comme les Pharisiens de réduire notre participation à la vie même de Dieu à une série d’obligations à remplir. Le Christ nous l’a non seulement enseigné, mais encore il l’a vécu en acte et en vérité. Son amour n’est pas feint, il rayonne l’amour de Dieu pour toute l’humanité.
En conclusion, laissez-moi reprendre les propos du tout début de mon intervention. Si le Christ n’est pas un leader, dans le sens de vouloir s’imposer par son éloquence, sa force ou sa naissance, si le Christ a montré par sa vie et sa mort le vrai visage de Dieu, alors l’Évangile n’est pas un programme politique, il est une parole de vie, de vie éternelle proposée à chacun d’entre nous, si nous le voulons bien. Alors, s’accompliront les paroles de saint Paul que nous avons entendues : «Nous, le vivants, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus afin que la vie de Jésus, elle aussi soit manifestée dans notre existence mortelle.»
9e dimanche du temps ordinaire – Année B