Architecture: «les diocèses doivent exiger de la qualité»

Pour la première fois, le Vatican dispose d’un pavillon à la Biennale d’architecture de Venise (Italie), du 26 mai au 25 novembre 2018. Un espace conçu comme un havre de paix, composé de dix chapelles réalisées par de grandes figures de l’architecture contemporaine. Pour Mgr Carlos Alberto de Pinho Moreira Azevedo, ›numéro 2’ du Conseil Pontifical de la culture, interrogé par I.MEDIA, cette présence s’inscrit dans la volonté de l’Eglise de dialoguer avec la culture artistique contemporaine.

Pourquoi le Vatican a tenu à disposer de son propre pavillon cette année?
Mgr Carlos Alberto de Pinho Moreira Azevedo: C’est le résultat d’un long chemin qui a commencé au Concile Vatican II et la lettre des artistes de Paul VI (1963-1978) et la volonté de l’Eglise de se rapprocher de l’art contemporain. C’est une participation très coûteuse du point de vue financier, qui a nécessité de nombreux sponsors, mais importante: dans la culture artistique contemporaine, la beauté est un moyen essentiel pour parler de Dieu.

Une église doit donc offrir un espace de silence, tout en proposant une architecture gracieuse capable de manifester la transcendance.

L’Eglise a-t-elle un rôle à jouer pour rééduquer à la beauté?
C’est un travail déjà pastoral. L’Eglise doit s’approcher le plus possible des artistes, leur parler et les sensibiliser. Les artistes et architectes sont désireux de travailler sur une église mais ont besoin d’avoir une idée claire du projet. Beaucoup d’artistes ne sont pas croyants et si l’on n’explique pas concrètement le sens de la liturgie, de l’architecture religieuse, ils peuvent alors s’égarer. L’important est qu’ils aient le talent artistique. Il revient ensuite à l’Eglise la responsabilité de formuler fidèlement ses besoins.

La présence de dix chapelles à la Biennale vise-t-elle à rappeler l’importance des églises?
Ces édifices répartis sur l’île Saint-Georges de Venise veulent remettre au goût du jour les notions de calme et de recueillement dans un monde plongé dans la frénésie. Avec leurs vies fragmentées, les individus ont plus que jamais un besoin fondamental d’harmonie. Une église doit donc offrir un espace de silence, tout en proposant une architecture gracieuse capable de manifester la transcendance, sans que cela soit nécessairement extravagant.

Le sens du beau dans l’Eglise, au sens populaire du terme, c’est-à-dire compréhensible immédiatement par le peuple, s’est-il perdu?
Beaucoup d’églises modernes ont été construites de façon disgracieuse. La faute n’est pas aux artistes mais à ceux qui commandent. Les diocèses n’ont pas toujours les moyens d’exiger quelque chose de qualité et s’en remettent alors à un architecte réputé. En conséquence de quoi, certains lieux sont conçus d’une manière inadaptée, parfois disgracieuse, avec une mauvaise acoustique et une lumière inadéquate. Il faut donc sensibiliser les évêques afin qu’ils fassent appel à des personnes compétentes sur le plan liturgique, mais aussi spirituel. Dans cette optique, il pourrait être utile aux diocèses de faire appel à une équipe de spécialistes qui puissent donner leur avis sur les projets proposés.

En France, 3000 églises anciennes vont être détruites ces prochaines années. N’est-ce pas le signe que l’Eglise doit aussi miser sur la conservation du patrimoine?
En France l’Eglise se meurt tandis que croît l’islam. La conservation du patrimoine dépend donc de l’évangélisation: comment conserver les églises destinées à la destruction si personne ne les occupe? Un espace qui n’est pas utilisé, à quoi sert-il? Ces problèmes seront abordés par le Conseil pontifical de la culture le 29 et 30 novembre prochain, lors d’un colloque dédié à l’abandon des églises organisé à l’Université pontificale grégorienne. (cath.ch/imedia/ah/pp)

Pierre Pistoletti

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