Finale de foot, retour aux sources et recul de l’UDC

Nous allons enfin savoir quelles équipes seront en finale de la Coupe du monde de football. Plus que deux matches, et nous saurons qui sont les trois premiers sur le toit du monde.

Et après, nous pourrons prendre une grande bouffée d’air frais dans l’attente de l’Euro et de la prochaine Coupe du monde. Ainsi, nous nous souviendrons que le football n’est pas tout et nous pourrons revenir aux bonnes vieilles questions des droits de l’Homme et des migrations. Mais ce ne sont pas deux mondes séparés. Nombre de joueurs issus de la migration nous auront rappelé ce que binational veut dire: on peut donc défendre la Suisse, la Belgique, la France, la Croatie, l’Angleterre ou la Russie (Fernandes!) tout en ayant des racines dans un autre pays que celui de son équipe nationale. C’est le joueur qui choisit, dans sa liberté individuelle, l’équipe pour laquelle il veut jouer, en tenant compte de son histoire, de sa formation, de ce qu’il a reçu dans son pays d’accueil.

«Comment valoriser les origines ethniques d’un titulaire de l’équipe nationale?»

Le virulent débat politique et sportif qui a eu lieu ici sera sans doute l’occasion de préciser certains points restés dans le flou. Comment valider, notamment, le coût de la formation dont a bénéficié un joueur? Comment valoriser, plus profondément, les origines ethniques d’un titulaire de l’équipe nationale? C’est, on le sait, un débat majeur de philosophie politique et de théorie démocratique dans nos sociétés cosmopolitiques. Depuis des années, nous souffrons me semble-t-il d’une vision caricaturale de prétendu «communautarisme». Cela est dû pour une bonne part à une conception hexagonale et franco-française de l’opposition entre la laïcité et ce communautarisme. Le communautarisme est une vision étriquée de la communauté et de l’appartenance, comme l’a en particulier montré le grand philosophe nord-américain Michael Walzer.

«Les binationaux font de la Suisse une équipe plus forte»

L’éthique communautarienne de Walzer n’a rien à voir avec le communautarisme. Elle procure au contraire un éclairage original sur les sources anthropologiques du libéralisme politique. Il n’y a pas opposition, mais complémentarité entre la pensée communautarienne et le libéralisme. Autrement dit, un citoyen national est toujours aussi un membre de la communauté internationale marqué par ses origines ethniques. Le fait que Xherdan Shaqiri et Granit Xhaka jouent pour l’équipe de Suisse tout étant d’origine kosovare (ou même aussi nés en Suisse) n’est pas un handicap apporté à leur «suissitude», mais un enrichissement. Certes, ils ne sont absolument pas plus suisses que moi (originaire de Frutigen et né à Neuchâtel), mais leur mode de «suissitude» est plus complexe et donc plus riche que le mien: c’est du moins ce que je peux leur reconnaître dans une sorte de générosité juridique et éthique qui porte la marque de l’ouverture cosmopolitique typique de la Suisse. Grâce aux binationaux nous sommes donc tous ensemble davantage suisses que s’ils n’existaient pas. Non seulement les binationaux font de la Suisse une équipe plus forte (en football notamment), mais ils renforcent l’identité nationale du pays. Ce point essentiel n’est jamais compris par un parti comme l’UDC, dont l’influence va donc finir par diminuer inéluctablement, contrairement aux pronostics trop hâtifs des sondeurs d’opinion.

Denis Müller

11 juillet 2018

Portail catholique suisse

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