Emploi… les derniers ont droit à leur salaire!

En apparence tout marche bien pour les travailleurs suisses. Le plein emploi est presque assuré. Pourtant des personnes restent exclues du marché du travail. Elles sont en quelque sorte les ouvriers de la dernière heure de notre temps.

Depuis quelques temps, les journaux romands et voisins ont des titres du genre « Suisse : le pays du plein emploi » (Le Point), « Emplois : une grave pénurie de main-d’œuvre menace la Suisse (Tribune de Genève), « Le chômage revient à son niveau d’avant la crise » (Le Temps).

A y regarder de plus près, on constate que plusieurs catégories de personnes échappent à ce constat en apparence réjouissant. Les personnes de plus de 50 ans, par exemple, ont un taux de chômage relativement bas, mais une fois au chômage elles risquent d’y rester. Quand un aumônier du monde du travail des Eglises interroge les agences de placement, celles-ci admettent que leurs clients sont réticents à engager des personnes ayant dépassé les 50 ans. Personne ne l’admettra publiquement, mais le coût de la caisse de pension, le doute sur les compétences techniques ou l’endurance passent avant la fiabilité et la solidité de l’expérience.

Des clients sont réticents à engager des personnes ayant dépassé les 50 ans

On pourrait encore parler des réfugiés, des jeunes en quête de leur premier contrat ou des migrants européens non qualifiés à la recherche d’un improbable emploi.

Face à ces destins humains, la responsabilité sociale des entreprises est sollicitée. Comme le relevait Patrick Odier récemment dans le Temps (9 juillet 2018), cette responsabilité devient une exigence fondamentale, réclamée même par les investisseurs financiers.

Toutefois, aller jusqu’au bout de cette responsabilité remet en question le logiciel de la décision qui guide beaucoup d’entreprises. Tant que ce logiciel reste programmé sur la prémisse du « toujours plus » il ne permettra pas de donner la priorité à l’humain, à ses besoins et ses apprentissages. Or, pour engager des réfugiés ou des cinquantenaires, c’est à ces facteurs humains qu’il faut donner la priorité. Ceux qui osent miser sur eux en sont généralement heureux, même si l’instrument de mesure n’est plus nécessairement le pourcent de croissance.

La logique du Royaume de Dieu comme aiguillon pour la prise de décision

Avec l’Evangile on fait un pas de plus. La parabole biblique des ouvriers de la 11e heure (Mt 20, 1-16) conteste en effet radicalement le logiciel évoqué plus haut. Si les ouvriers engagés à la dernière heure sont payés avec la même somme que celle qui a été convenue avec les ouvriers qui ont commencé le travail à l’aube, ce n’est pas pour faire tort à ces derniers – ils reçoivent la somme convenue. Mais le maître de la vigne dont il est question dans cette parabole affirme par sa décision que la mesure du juste salaire n’est pas la quantité de travail fourni, mais le besoin des personnes… et sa générosité sans limite. Autrement dit Dieu engage même ceux que tous les employeurs rejettent et il leur donne le salaire entier. Cette logique du Royaume de Dieu est proprement renversante. Elle remplace le « toujours plus » par l’amour sans borne. Ne devrait-elle pas déjà être un aiguillon chaque fois que des décisions relatives aux ressources humaines sont prises ?

Paul H. Dembinski et Jean-Claude Huot

18 juillet 2018

 

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