Depuis 600 ans, Constance cultive les fruits du Concile (1/2)

Le 22 juillet 2018, la fin des cinq années commémorant le Concile de Constance (1414-1418) a été marquée à Constance, aux portes de la Suisse. Une célébration interreligieuse a réuni les représentants des religions de la ville. Bilan de cinq ans de dialogue pacifique.

22 juillet 2018, sur la rive du lac à Constance: «Domini, iti in pace!» («Seigneurs, allez en paix!»). La formule de 1418 résonne à nouveau, 600 ans plus tard, devant les représentants des différentes religions. A l’époque, le pape Martin V, nouvellement élu, avait ainsi renvoyé chez eux les délégués conciliaires.

En ce dimanche ensoleillé de juillet 2018, 400 personnes ont suivi dans le principal parc lacustre le dernier acte du Jubilé commémorant les 600 ans du Concile. La célébration a rassemblé les croyances actives à Constance: chrétiens dans leurs confessions variées, juifs, musulmans et bouddhistes. Le groupe œcuménique chargé de la partie religieuse du Jubilé a ainsi voulu favoriser l’unité religieuse et relever que la recherche de concorde animait, au XVe siècle déjà, les pères conciliaires.

L’opéra La Juive

«La célébration interreligieuse était orientée vers l’avenir, détaille Ruth Bader, principale organisatrice des festivités jubilaires. Car nous voulons vivre ensemble pacifiquement, entre communautés». Pour Monika Pätzel, responsable de la pastorale de la ville, «cette cérémonie ne doit pas être un point final, mais un double point. Un double point qui conduit à de nouveaux pas pour un dialogue entre les religions dans la ville».

La cérémonie interreligieuse a été précédée, pendant cinq ans, par une volonté d’échange entre religions. Entre autres propositions, un parcours à la découverte des autres croyances a été programmé. La visite des lieux de culte orthodoxe, vieux-catholique, musulman et bouddhiste a ainsi été proposée. Et l’opéra La Juive, plaidoyer pour la tolérance, a marqué l’année 2018 comme un signe d’ouverture vers le judaïsme, même si Constance ne compte que 300 personnes de confession juive.

Allemands et Tchèques

Faire revivre le Concile qui a réuni de 1414 à 1418 le gratin de l’Eglise et des puissances européennes n’était pas un mince défi. En effet, les cinq ans de colloque officiels, voulu par le roi Sigismond (1368-1437) pour résoudre la crise des trois papes, ont été propices à de multiples échanges, culturels et théologiques. Des échanges vivifiés au XXIe siècle par un programme dense. Chaque année, de 2014 à 2018, a été placée sous un leitmotiv, l’année des rencontres européennes, l’année de la justice, le Moyen-Age vivant, l’année des religions avant l’année de la culture.

«Nous aurons besoin de temps pour évaluer ces cinq ans de Jubilé, confie l’abbé Matthias Trennert-Helwig, curé de la cathédrale de Constance. Mais les premiers résultats sont positifs. Nous avons renforcé les relations avec l’Europe, notamment avec Lodi, en Italie, où fut convenu en 1413 de réunir le Concile. Le souvenir de la mort de Jean Hus et de Jérôme de Prague [considérés comme hérétiques, ils ont été exécutés durant le Concile, ndlr], en 2016, nous a également réunis, Allemands et Tchèques. Et nous avons organisé tout cela de manière œcuménique, dans un esprit de bonne collaboration au sein du groupe de travail».

Prix du Concile

Le curé de Constance pointe les liens renforcés avec l’Eglise catholique de Prague, avec les Frères tchèques, branche du protestantisme née du souvenir de Jean Hus, et avec l’Eglise hussite, autre héritière du théologien du XVe siècle. Et la participation des voisins suisses, notamment Mgr Felix Gmür, évêque de Bâle, et le cardinal Kurt Koch, du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens.

L’anniversaire du Concile a aussi été le berceau d’une nouvelle distinction: le Prix du Concile de Constance «pour les rencontres européennes et le dialogue» a été remis pour première fois en 2015. Décerné tous les deux ans, il a déjà couronné le metteur en scène suisse Milo Rau et le théologien allemand Peter Klasvogt.

Le Schisme d’Occident

«Allez en paix»: les paroles du pape Martin V, formulées dans une Europe guerroyant, n’avaient pas éteint les tensions, notamment entre Français et Anglais. Jeanne d’Arc, prisonnière des Anglais, finira au bûcher en 1436, comme Jean Hus. Mais le Concile du début du XVe siècle mit un terme au Schisme d’Occident, la querelle des trois papes (Benoît XIII, Grégoire XII et Jean XXIII). Avec l’élection de Martin V, l’Eglise est repartie sur de nouvelles bases. Avant la Réforme qui ébranla l’Eglise au XVIe siècle.

La conscience de cet héritage continue de générer des énergies à Constance, au bord du Bodensee qui donne sur trois pays du cœur de l’Europe, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche. «Nous voulons apporter cela à l’Histoire…», résume Ruth Bader. Six siècles après…

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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