Caravage, maître du clair-obscur, exposé à Paris

L’exposition «Le Caravage à Rome, amis et ennemis», organisée au musée parisien Jacquemart-André, à partir du 21 septembre 2018, réunit 10 chefs-d’œuvre de la période romaine du peintre italien. Sept des toiles n’ont jamais été présentées en France.

Parmi les prêts prestigieux de cette exposition, le célèbre Joueur de Luth (1595-1596), conservé au Musée de l’Ermitage (Saint-Pétersbourg) et présenté en France pour la première fois. Les visiteurs pourront également découvrir les deux œuvres de la Madeleine pénitente, issues de collections particulières, réunies pour la première fois dans une même exposition.

Œuvres en dialogue

Ces prêts exceptionnels dialogueront avec les œuvres d’illustres contemporains, comme le Cavalier d’Arpin, Annibal Carrache, Orazio Gentileschi, Giovanni Baglione ou Jusepe de Ribera. L’accrochage permettra de rendre compte de l’effervescence artistique qui régnait alors à Rome autour de la révolution artistique initiée par Caravage.

L’exposition s’intéressera ainsi aux rapports de Caravage avec les collectionneurs et les artistes, mais aussi avec les poètes et les érudits de son temps. Il s’agira tout d’abord d’évoquer la vie à Rome au début du XVIIe siècle en montrant l’activité des grands ateliers dans lesquels Caravage fait ses premières armes.

Durant cette période, il fait des rencontres déterminantes pour sa carrière, celles du marquis Giustiniani (1564–1637) et du cardinal Francesco Maria Del Monte (1549–1627) qui deviennent deux de ses mécènes et lui adressent de nombreuses commandes. Outre les amis et les soutiens de Caravage, l’exposition s’attachera à présenter ses ennemis et rivaux.

Caravage, qui ne voulait pas être imité et qui le fut pourtant malgré lui, s’est souvent opposé à ses contemporains, à l’occasion de discussions, de procès et même de rixes. Sa carrière romaine s’achève en 1606, quand, au cours d’un duel, Caravage tue Ranuccio Tomassoni. Condamné à mort suite à cette rixe fatale, l’artiste est contraint à l’exil mais ses plus fidèles protecteurs continuent à s’intéresser de son destin.

Clair-obscur novateur

Né en 1571, Michelangelo Merisi, dit Caravage, va révolutionner la peinture italienne du XVIIe siècle par son usage novateur du clair-obscur. L’exposition sera consacrée à la carrière romaine de Caravage et au milieu artistique dans lequel il a évolué: comme les études les plus récentes l’ont montré, le peintre entretenait des relations étroites avec les cercles intellectuels romains de l’époque.

 

Issu d’une famille lombarde au service du marquis de Caravaggio, MichelAngelo Merisi entre, à l’âge de treize ans, comme apprenti dans l’atelier d’un peintre milanais. A 20 ans, sa réputation de rebelle, belliqueux et moqueur est déjà faite. Il quitte Milan où il a beaucoup fréquenté les tribunaux et même fait un an de prison.

A Rome, il travaille dans l’atelier du Cavalier d’Arpin puis pour le Cardinal del Monte. C’est pour lui qu’il réalisa la plupart de ses premières toiles, représentant des sujets le plus souvent profanes: natures mortes, scènes de genres et portraits.

Sujets religieux

En 1600, grâce à ses amitiés dans le milieu pro-français, il obtient la commande de la Vocation et du Martyre de saint Matthieu. Cette première grande commande de sujets religieux marque le principal tournant de sa carrière, lui permettant ainsi de démontrer sa capacité à traiter cette thématique.

Les visiteurs de l’église Saint-Louis-des-Français de Rome connaissent bien le Caravage grâce à La Vocation et Le Martyre de saint Matthieu, ainsi que Saint Matthieu et l’Ange réalisés pour la chapelle Contarelli.

Les papes François et Benoît XVI ont évoqué plusieurs fois la Vocation de Matthieu, comme rappelle cette page de Saint-Louis-des-Français, église où le pape Bergoglio avait coutume de se rendre quand il venait à Rome.

En fuite

Son approche des sujets religieux est aussi ambivalente que la vie en clair-obscur qu’il mène entre les salons des princes et les bagarres de rue. Cette attitude le rend inclassable. Il n’est pas contestataire pas plus qu’il ne va dans le sens de l’édification de la foi. Plus qu’une manière picturale, le clair-obscur pourrait être le reflet de sa propre recherche spirituelle.

Condamné à mort par contumace, il passera ses quatre dernières années à fuir sans jamais cesser de peindre. Il est même souvent parvenu à vendre ses toiles à des prix très élevés. Sans renier le style de ses peintures romaines, il évite l’ironie et l’insolence, et l’on peut dire qu’il cherche même à exprimer son repentir.

Caravage fuit d’abord dans le Latium, puis trouve refuge à Naples où il demeure un an avant de partir pour l’île de Malte. Là, il parvient à devenir chevalier de l’Ordre de Malte. Sans doute parce qu’on apprend qu’il est un meurtrier, il est destitué et emprisonné. Le peintre s’échappe pour trouver refuge à Messine puis à Palerme avant de retourner à Naples.

Jamais Caravage n’a cessé d’espérer une grâce de la part du pape, et c’est sur la route qui le conduit vers Rome, où il allait tenter de convaincre le pontife de son repentir qu’il meurt, le 18 juillet 1610 sur la plage de Porto Ercole, dans des circonstances inconnues. (cath.ch/com/zenit/bh)

«Caravage à Rome, amis et ennemis», Musée Jacquemart-André, Paris. Du 21 septembre 2018 au 28 janvier 2019.

Bernard Hallet

Portail catholique suisse

https://www.cath.ch/newsf/caravage-maitre-du-clair-obscur-expose-a-paris/