15 août: l’Assomption chez les catholiques, la Dormition chez les orthodoxes

Le 15 août est célébrée dans l’Eglise latine la fête de l’Assomption de la Vierge Marie. Dans les Eglises orthodoxes, on parle de la Dormition de Marie. Regards croisés sur une différence d’approche.

Le vocabulaire d’abord. Par l’Assomption de la Vierge est célébrée, dans l’Eglise catholique, le fait que Marie est enlevée au ciel et menée ainsi, corps et âme, jusqu’à son Fils, sans avoir connu la corruption physique.

Chez les orthodoxes, on emploie le terme de Dormition. Les Eglises d’Orient ont gardé cette dénomination ancienne pour désigner la mort de la Vierge Marie et la montée au ciel de son corps. Différence, il y a donc. Dans l’Eglise catholique, la Dormition ne désigne que la mort de la Vierge, tandis que la croyance de la montée au ciel de son corps porte le nom d’Assomption. Toutefois pour les Eglises d’Orient ce dernier terme pourrait laisser croire que la Vierge a été enlevée au ciel de son vivant.

Marie en lien avec l’humanité mortelle

La théologienne Barbara Hallensleben, professeur à l’Université de Fribourg et spécialiste de l’œcuménisme, éclaire la différence en s’appuyant sur la résurrection du Christ: «En Occident, une distinction est faite entre l’ascension de Jésus et l’assomption de la Mère de Dieu. Ainsi, on souligne le fait que Marie ne passe pas de la mort à la vie par ses propres forces, mais qu’elle est sauvée en vertu de la résurrection de son Fils. De son côté, l’Eglise orientale met davantage l’accent sur cet aspect en soulignant la dormition de la Mère de Dieu et donc son lien intime avec l’humanité mortelle.»

D’ailleurs, en Occident la fête du 15 août était également intitulée dormitio. «Dans l’iconographie, rappelle la professeure fribourgeoise, ainsi que dans l’hagiographie elle était représentée de la même manière, comme on peut constater par exemple au 13ème siècle dans la Légende dorée de Jacques de Voragine. Et jusqu’à aujourd’hui, un Mystère est présenté chaque année dans l’église catholique de la ville d’Elche, au sud de l’Espagne, dont les scènes et les textes ressemblent à une icône orientale animée de la dormition.»

Les écrits apocryphes

A Jérusalem comme à Ephèse (Turquie actuelle) une double tradition atteste de la dormition de Marie. Autrement dit, elle s’est endormie en Dieu. Mais l’Ecriture n’en dit rien. La seule mention de Marie, après la crucifixion, se trouve dans les Actes des Apôtres (1, 14) où ceux-ci se réunissent pour prier avec quelques femmes, dont Marie, mère de Jésus.

Cependant, les épisodes de la vie de Marie sont évoqués par certains écrits apocryphes tels le pseudo Jean au 5e siècle, le pseudo Jacques et le pseudo Meliton au 6e siècle, qui relatent avec de légères variantes les dernières années de la vie et de la mort de la Vierge Marie.

Mais comment comprendre alors la différence entre Dormition et Assomption? «En fin de compte, il s’agit toujours de notre conception de Dieu, explique Barbara Hallensleben. Si l’on souligne que Dieu nous libère de la souffrance et de la mort et nous conduit dans sa vie éternelle, alors le mouvement de bas en haut est au centre. Mais l’Ecriture nous montre aussi l’humilité de Dieu, qui renonce à sa vie purement divine, qui descend, qui partage notre destin, qui par l’Incarnation en Jésus-Christ s’est uni à sa création. De ce point de vue, la représentation de l’Eglise orientale constitue un complément nécessaire pour la compréhension de cette fête du 15 août. Dans le développement occidental, nous avons pris l’habitude de mettre l’accent sur l’»autonomie» de la création et de ses lois et de chercher le Dieu transcendant au-delà de notre monde. Mais même en Occident, les mystiques et les penseurs alternatifs ont toujours dit: Dieu est plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes.»

1950, cinq ans après la 2e Guerre mondiale

Dans l’Eglise catholique, la proclamation du dogme de l’Assomption de Marie par le pape Pie XII n’est intervenue qu’en 1950, soit presque un siècle avec la proclamation, le 8 décembre 1854, du dogme de l’Immaculée Conception par le pape Pie IX. Marie est conçue sans péché et est donc préservée de la corruption du corps. L’Assomption prend donc appui sur l’Immaculée Conception.

Mais en inscrivant l’Assomption comme dogme, les catholiques n’ont-ils pas un peu mis de côté la mort de la Vierge, pour se concentrer sur sa montée au Ciel? Barbara Hallensleben répond: «Le dogme de 1950 doit être compris dans son contexte historique. Cinq ans plus tôt, la Seconde Guerre mondiale a pris fin. Pendant ce conflit, la dignité de l’être humain avec son corps a été violée, voire complètement anéantie, des millions de fois. A ce moment-là, le dogme veut donner une perspective d’espérance qui dépasse l’horizon fermé du monde, devenu «totalitaire». Il souligne que tout l’être humain, corps et âme, est appelé à échapper à la destruction et de partager la vie de Dieu. Dans ce sens, le dogme de 1950 prend la mort humaine particulièrement au sérieux, mais ne s’arrête pas là.»

Le jeûne de la Dormition

Pour l’universitaire fribourgeoise, mettre en rapport l’Assomption et la Dormition montre donc combien les perceptions des deux Eglises «peuvent s’enrichir et s’approfondir mutuellement». Chez les orthodoxes, la fête de la Dormition est la plus importante des fêtes de la Vierge. C’est elle qui clôt l’année liturgique du rite byzantin. Elle est précédée cependant, dans la tradition orientale, d’un jeûne strict de 14 jours. C’est dire l’importance du 15 août, qu’on soit catholique ou orthodoxe.

Les Eglises protestantes, faute de texte scripturaire, nient l’Assomption de Marie qui, après la naissance de Jésus, aurait mené une vie terrestre normale. (cath.ch/bl)

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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