Kofi Annan, «une vie à l'ONU au service de la paix»

Secrétaire général de l’ONU de 1997 à 2006 et Prix Nobel de la paix, le Ghanéen Kofi Annan est décédé le 18 août, à l’âge de 80 ans, dans un hôpital de Berne, en Suisse où il vivait, à la suite d’une courte maladie. Dans son hommage, le Vatican salue en Kofi Annan, «une vie à l’ONU au service de la paix».

«C’était un très grand homme d’Etat et un être humain merveilleux… Je suis très peiné par cette disparition», confie à cath.ch le Fribourgeois Nicolas Michel, qui travaille depuis janvier 2018 au Tribunal des réclamations Iran-USA (Iran-United States Claim Tribunal – IUSCT) à la Haye.

Nicolas Michel: Kofi Annan, un homme de conviction

Kofi Annan l’a encore appelé au téléphone en mai dernier et lui a parlé des nombreux projets de la fondation qui porte son nom, la Fondation Kofi Annan, qui vise à promouvoir une meilleure gouvernance mondiale et à renforcer les capacités des populations et des pays pour parvenir à un monde plus juste et plus sûr. «Il avait effectivement la vision d’une communauté internationale plus juste, avec un souci particulier des plus vulnérables», souligne le Fribourgeois.

Nicolas Michel, spécialiste reconnu de droit international public (DDIP) et de droit européen, a été secrétaire général adjoint aux affaires juridiques et conseiller juridique des Nations-Unies de 2004 à 2008. Il connaît bien Kofi Annan – à titre personnel et professionnel –  puisque c’est lui qui l’avait appelé à l’ONU à New York.

«Une façon très chaleureusement africaine de donner main»

«C’était un homme d’une grande dignité, distingué et chaleureux, qui avait une façon très chaleureusement africaine de donner main… Il était aussi très courageux dans la défense des valeurs de l’Organisation des Nations Unies, c’était un artisan de paix». Nicolas Michel a notamment pu le voir à l’œuvre quand il l’a accompagné à Damas, dans la Syrie en guerre, pour rencontrer le président syrien Bachar al-Assad en 2012.

Il fut en effet envoyé spécial de l’ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie, pendant cinq mois. Il se retirera, accusant les grandes puissances, qui lui rendent hommage aujourd’hui, d’avoir par leurs dissensions transformé sa médiation en «mission impossible».

La Suisse, sa «seconde patrie»

En Suisse, suite à la disparition de Kofi Annan, qui considérait Genève et la Suisse comme sa «seconde patrie», l’émotion est grande parmi les responsables politiques et tous ceux qui ont côtoyé cet homme d’une grande envergure. Le président de la Confédération Alain Berset a salué «un visionnaire et un ami de la Suisse» et souligné qu’avec sa disparition, «la Genève internationale perd l’un de ses plus fervents défenseurs».

Le Secrétaire général de l’ONU avait plaidé en faveur de l’adhésion de la Suisse aux Nations Unies lors d’une visite officielle de trois jours en mars 2001, qui allait finalement être acceptée par le peuple suisse en mars 2002.

Hommage du Vatican

Alors que les hommages affluent du monde entier après la mort de Kofi Annan, le Vatican relève que ce diplomate de carrière «a contribué à rendre les Nations Unies plus présentes sur la scène internationale pendant ses deux mandats de 1997 à 2006, cherchant par tous les moyens à freiner le recours à la force de la part des Etats membres de l’institution».

En novembre dernier encore, il rencontrait le pape François à l’occasion d’une conférence sur le désarmement nucléaire au Vatican. Prix Nobel de la paix en 2001, Kofi Annan fut le premier africain sub-saharien à devenir Secrétaire général des Nations Unies. Kofi Annan «a fait entrer les Nations Unies dans le XXIème siècle en définissant un programme ambitieux qui a fait de l’ONU un outil indispensable pour la paix, la prospérité et la dignité humaine partout dans le monde», a déclaré dans un communiqué le sud-coréen Ban Ki-moon, qui lui a succédé en tant que Secrétaire général de l’ONU.

Sagesse et courage du diplomate

Aux Etats-Unis, l’ancien président Bill Clinton a loué un homme «fidèle à ses racines ghanéennes» ayant «toujours traité les autres avec respect et dignité». Barack Obama a pour sa part salué «l’intégrité, la détermination, l’optimisme» de Kofi Annan qui a contribué à motiver et inspirer la «prochaine génération de leaders».

«Nous n’oublierons jamais son regard calme et résolu, ni la force de ses combats», a tweeté pour sa part le président français Emmanuel Macron alors que son homologue russe Vladimir Poutine a déclaré avoir «sincèrement admiré la sagesse et le courage» du diplomate. La Ligue arabe a aussi rendu hommage à Kofi Annan, tandis que le ministère égyptien des Affaires étrangères l’a qualifié d'»icône et source de fierté pour tous les Africains».

Fierté pour l’Afrique

Kofi Annan fut le premier secrétaire général issu de l’Afrique sub-saharienne, et le Ghana, où il est né, entamera lundi 20 août une semaine de deuil national pour le remercier d’avoir «considérablement contribué au renom de notre pays par sa position, par sa conduite et son comportement dans le monde».

Né le 8 avril 1938 à Kumasi, fils d’un cadre d’une filiale du groupe anglo-hollandais Unilever, il avait étudié à l’Université de Kumasi, était diplômé du Macalester College (classe 1961) de St. Paul dans le Minnesota, aux Etats-Unis, puis s’était perfectionné en économie à l’Institut des hautes études internationales de Genève et en management au Massachusetts Institute of Technology (MIT).

50 ans au service de la paix

Il arrive aux Nations Unies en 1962 pour se voir confier trente ans plus tard, en 1993, la responsabilité des missions de paix. Il vécut deux périodes sombres pour les casques bleus: le retrait du Rwanda lors du génocide et la guerre en Bosnie. Elu secrétaire général de l’ONU en 1997, son mandat fut renouvelé si bien qu’il resta en poste pendant neuf ans, jusqu’en 2006.

En 2001, il reçut ainsi que l’entière organisation des Nations Unies, le prix Nobel de la paix en raison de ses «efforts en faveur d’un monde mieux organisé et plus pacifique». Lorsqu’il accepta ce prix, il déclarera avoir «essayé de placer l’être humain au centre de tout ce que nous entreprenons: de la prévention des conflits au développement et aux droits de l’homme».

L’ONU, l’impossible réforme

Durant ses deux mandats, Kofi Annan a contribué à rendre l’ONU plus présente sur la scène internationale. Très populaire, il irrita Washington en estimant «illégale» l’invasion de l’Irak en 2003, qui n’avait pas été entérinée par le Conseil de sécurité.

Il entreprit de réformer les Nations Unies. Parmi ses objectifs, pas toujours atteints, il souhaitait donner une nouvelle définition à la «sécurité collective», renforcer les traités de non-prolifération et de désarmement, créer des organisations intergouvernementales œuvrant à la construction de la paix et à la défense des droits humains, amplifier et modifier les fonctions du Conseil de sécurité, établir de nouvelles normes pour freiner le recours à la force de la part des Etats membres de l’ONU, rappelle Vatican News. Il espérait également faire appliquer «la responsabilité de protéger» qui aurait légalisé les ingérences humanitaires. Il rêvait de pouvoir éradiquer la pauvreté.

Récente rencontre avec le pape François

Ces dernières années, Kofi Annan s’était engagé à l’instar du pape François pour la protection des Rohingyas,  prenant la tête d’une commission sur les droits de ces musulmans apatrides poussés à fuir au Bangladesh face à la répression de l’armée birmane.

Il a aussi créé une fondation consacrée au développement durable et à la paix. En 2015, alors président de l’Africa Progress Panel et de la Fondation Kofi Annan, le diplomate ghanéen avait salué publiquement la parution de l’encyclique du pape Laudato si’.

«Le changement climatique est, comme le réaffirme le pape François, une menace généralisée: pour notre sécurité, notre santé et pour nos sources d’eau fraîche et de nourriture. De telles conditions pourraient entraîner, bien plus que les migrations actuelles, le déplacement de dizaines de millions de personnes et alimenter de nouveaux conflits», déclarait-il alors, félicitant le Saint-Père pour son grand leadership moral et éthique.

Kofi Annan avait également, à la suite de l’archevêque anglican sud-africain Desmond Tutu, présidé le groupe des Elders, un groupe de sages – des leaders et anciens chefs d’Etat – créé par Nelson Mandela pour promouvoir la paix et les droits de l’homme. Et c’est avec plusieurs «anciens» ou «aînés» qu’il avait été reçu, le 6 novembre 2017, par le pape François à la résidence Sainte-Marthe.

Valeurs communes avec le pontife

«Je crois que pour nous, il était important de venir parce que nous partageons de nombreuses valeurs communes et nous désirions rencontrer le pape et réfléchir avec lui à la manière dont nous pouvons travailler ensemble», affirmait Kofi Annan au programme anglophone de Radio Vatican. Il avait alors énuméré plusieurs problématiques sur lesquelles ils souhaitaient concentrer leurs efforts communs: les réfugiés et les migrations, les armes nucléaires, la paix et les médiations lors de conflits. Le Vatican se souvient de Kofi Annan pour son engagement à tenter de réduire et de réglementer l’usage de la force par les Etats membres. (cath.ch/vaticannews/ag/be)

 

 

Jacques Berset

Portail catholique suisse

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