Lumière sur les «publicités bibliques»

«Jésus-Christ dit: Je suis la lumière du monde». Tout Suisse a déjà vu un tel verset biblique qui s’affiche en jaune sur fond bleu au bord des routes. Mais qui se trouve derrière ces campagnes de grande envergure souvent au centre de polémiques? Eléments de réponse.

«Que l’Eternel te bénisse», peut-on lire depuis juillet 2018 sur les bus de la ville de Bienne. C’est la première fois que ce support mobile est utilisé pour offrir à la population la Parole de Dieu, explique à cath.ch Peter Stucki, président de l’Agence C, qui coordonne le tout. Ces messages sont principalement exposés sur des panneaux publicitaires plus habitués à colporter des incitations à la consommation matérielle que spirituelle.

L’Agence C, (C comme «Christ»), une association chrétienne basée à Lyss (BE), se trouve derrière les fameuses affiches. Elle a été fondée en 1985 par le Bernois Heinrich Rohrer, décédé en 1998. L’entrepreneur est l’inventeur du produit de nettoyage Sipuro. Il avait créé l’association afin de simplement «faire connaître aux hommes les précieuses déclarations de la Bible».

La Bonne Nouvelle sur sachets de sucre

En plus de 34 ans, l’Agence C a diffusé la bonne nouvelle à travers des dizaines de milliers d’affiches sur lesquelles un verset de la Bible s’inscrit en jaune sur fond bleu. Les versets se dévoilent sur plusieurs supports, qui vont de la grande affiche au mini-panneau, en passant par l’encart dans la presse ou encore les sachets de sucre pour les cafés et restaurants. Et, plus récemment, les bus biennois.

L’Agence C distribue de plus gratuitement des Bibles et d’autres écrits en lien avec le livre sacré. Des milliers d’exemplaires ont été délivrés. Peter Stucki note que ces actions à une échelle nationale n’ont pas d’équivalents dans le monde. D’après nos sources, plusieurs milliers d’affiches sont installées dans toute la Suisse, chaque année. Selon l’entreprise d’affichage SGA, une affiche de format F12 placée pendant 14 jours coûte en moyenne 700 francs. Les frais d’une campagne annuelle se monteraient donc à plusieurs millions de francs. Des chiffres que Peter Stucki ne confirme pas, estimant que l’argent est un facteur tout à fait secondaire. «Ce que nous faisons, nous ne le faisons pas pour nous, mais pour Dieu», précise-t-il.

Membre de l’association depuis plus de vingt ans et président depuis une quinzaine d’années, il est certain que la providence divine guide les actions du groupe. Toutes les décisions du cercle de chrétiens sont ainsi inspirées du Saint-Esprit. C’est le cas des «journées de vision», organisées une fois par an, durant lesquelles une vingtaine de membres et de sympathisants se laissent guider par Dieu pour déterminer les 6 à 8 versets «opportuns pour notre époque», qui feront l’objet des campagnes de diffusion.

Malaise à Bienne

Mais Dieu n’est pas reçu avec autant d’enthousiasme dans toute la population. Des campagnes d’affichage rencontrent ainsi parfois une vive résistance. C’est ce qui arrive actuellement avec le projet biennois. Le parlementaire municipal et cantonal socialiste Mohammed Hamdaoui prépare notamment une intervention officielle pour dénoncer cette action. «De telles publicités sur des véhicules publics sont pour moi honteuses, a déclaré l’élu sur lematin.ch, le 20 juillet 2018. Elles ne font que raviver des tensions religieuses inutiles». Il a également dénoncé un manque de transparence quant à l’origine de la publicité.

«Nous n’imposons rien à personne»

Des critiques qui n’émeuvent pas outre mesure Peter Stucki. «A l’époque de Jésus, c’était déjà ainsi», commente-t-il avec placidité. Pour le président de l’Agence C, la liberté religieuse doit permettre à chacun d’exprimer sa foi sans restriction. Il ne serait pas dérangé par de telles actions d’autres communautés religieuses. «Nous n’imposons rien à personne, le message biblique est simplement offert». Quant à la critique de «non transparence» soulevée par Mohammed Hamdaoui, il relève que le nom de l’Agence C est inscrit sur toutes les publicités et que chacun peut librement s’informer sur l’association par internet.

Peter Stucki n’a aucune crainte concernant la conformité juridique du contrat conclu sur deux ans avec les Transports publics de Bienne (TPB). La législation suisse interdit la publicité religieuse à la radio et à la télévision. Mais elle est tolérée dans l’espace public, du moment qu’elle ne porte pas préjudice à autrui. La citation «Que l’Eternel te bénisse» n’a ainsi pas semblé problématique à Christophe Kneuss, directeur des TPB. «Il ne s’agit pas à proprement parler d’une publicité pour une église, mais simplement d’un passage de la Bible», a-t-il souligné dans le Journal du Jura du 23 juillet 2018.

Ils voient rouge devant les affiches bleues

Les familières affiches bleues ont déjà fait couler passablement d’encre dans le passé. Si Peter Stucki rechigne à en parler, la presse s’est fait plusieurs fois l’écho de malaises ou d’indignations à propos de la démarche. Durant la période de Noël 2003, la société publicitaire des Transports publics genevois (TPG) avait refusé un projet de l’Agence C de placer des messages bibliques relatifs à la Nativité dans les trams et les bus de la ville. L’organisation de transports avait justifié son refus par un règlement interdisant tout prosélytisme religieux. La démarche avait cependant été suivie dans une quinzaine de cités en Suisse, dont celle de Lausanne.

En automne 2006, également, un jeune Bernois s’était attaqué aux campagnes de l’Agence. Une affiche placée dans le parking de l’hôpital de l’Ile, avec le message «Le sans-Dieu connaît de nombreux tourments», l’avait particulièrement mis en colère. Sa lettre de lecteur publiée dans le quotidien Berner Zeitung avait suscité plusieurs articles critiques dans d’autres journaux.

Toucher les hommes au coeur

Les nombreuses voix discordantes n’ont pourtant jamais entamé la détermination de Peter Stucki. Loin de reconnaître un quelconque faux-pas, il considère l’action biennoise comme un «cadeau de Dieu». S’il ne veut pas en dire plus sur la genèse du projet, il relève qu’il est venu à eux sans qu’ils le recherchent. Il évoque aussi les «nombreuses relations» de l’association qui ont aidé à sa réalisation.

Il précise que «des milliers de donateurs» privés rendent ces actions possibles. Se défendant de tout prosélytisme, il espère juste qu’à travers ces affiches, «les hommes soient touchés au cœur par la Parole de Dieu». (cath.ch/rz)

Raphaël Zbinden

Portail catholique suisse

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