L’opportunité de la sécularisation, selon René Knüsel

L’autorité temporelle de l’Eglise a depuis longtemps volé en éclat. Si d’aucuns regrettent une «société de chrétienté», d’autres envisagent les opportunités de ce dépouillement. C’est le cas du sociologue René Knüsel. Selon lui, «l’Eglise est appelée à créer du lien».

«Comment l’Eglise peut-elle se profiler dans la diversité contemporaine?» Cette question, en filigrane du colloque organisé le 10 septembre 2018 à Berne par la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ), interpelle René Knüsel. Si le professeur à l’Institut des sciences sociales de l’Université de Lausanne témoigne d’une certaine proximité avec l’Eglise, il reconnaît toutefois que cette axe de réflexion ne s’inscrit pas dans ses thèmes de recherches ordinaires. Ce qui ne l’a pas empêché de partager son point de vue de sociologue pour esquisser quelques pistes de réflexion.

Vaudois donc protestants!

Avant la réponse, le constat. La révolution industrielle et l’émergence de l’individu ont favorisé la sécularisation des sociétés occidentales. «Depuis le XIXe siècle, l’Eglise a été dépossédée de son pouvoir temporel, analyse René Knüsel. Son autorité sur la société a été progressivement remise en question». Un pouvoir intimement lié à un territoire. «A l’époque, vous étiez Vaudois, donc protestants. Ce n’est plus le cas aujourd’hui».

Une des grandes difficultés des institutions ecclésiales réside dans cet ancrage concret. «Notre rapport au territoire a complètement changé et l’Eglise continue à réfléchir à son implantation de manière territoriale, à travers le système des paroisses et des diocèses».

Mais lorsque l’autorité territoriale éclate, que reste-t-il? «La capacité de créer du lien, répond le sociologue. C’est ce que l’Eglise doit redécouvrir. Les communautés portent la responsabilité de travailler à fonder un lien au spirituel, à l’affectif, au social».

Un rôle à jouer

«L’Eglise a une place prépondérante à jouer dans la société, poursuit le professeur de sociologie. Elle est appelée à poser des questions dérangeantes à notre mode de fonctionnement social, sans pour autant tout ›résoudre’ par des réponses morales. Prenons un exemple concret: plutôt que de donner une réponse morale sur l’homosexualité, l’Eglise devrait poser la question du traitement des homosexuels dans la société d’aujourd’hui». Et le champ de réflexion est large. «L’Eglise est appelée à donner une parole sur la vie, la mort, les question de sens», à l’heure où cette réflexion s’émancipe du religieux pour se retrouver du côté «des institutions sociales ou des cabinets de psychologues».

C’est en cela que la crise pourrait devenir une opportunité à saisir pour les communautés chrétiennes. Or, remarque René Knüsel, «on continue de vouloir sauvegarder le territoire, les murs, alors que les églises se vident. Au fond, je crois que ce n’est pas très important que les églises se vident si la communauté subsiste ailleurs. Mais vit-elle par elle-même? Je ne suis pas certain. Nos communautés sont réduites à des rituels accomplis par des prêtres de moins en moins nombreux. Mais même sans prêtre les communautés devraient pouvoir se débrouiller par elles-mêmes», soutient-il.

René Knüsel en appelle donc à un changement radical qui passe par une «redistribution du pouvoir». L’enjeu: «redécouvrir que la communauté est missionnaire dans chacun de ses membres». (cath.ch/pp)


RKZ Focus 2018

René Knüsel participait le 10 septembre 2018 à l’événement intitulé Supermarché ou traiteur? Le dilemme de l’Eglise: satisfaire tout un chacun ou adopter un profil clair?, organisé par la Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) au centre Paul Klee à Berne. Manager, experts en communications, sociologue et acteurs de théâtre se sont succédés pour réfléchir à la manière dont l’Eglise peut se profiler dans la diversité caractéristique de la société contemporaine.

Pierre Pistoletti

Portail catholique suisse

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